Feu d’artifice répressif

bulletin numéro 43
juin 2006


8 juin 2006


Feu d’artifice répressif

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 43 / juin 2006


- Feu d’artifice répressif
- Brutalités policières impunies, racisme et discrimination, expulsions, atteintes au droit d’asile...
- Ségolène et Nicolas
- Alexis, on pensera toujours à lui.

- [ SUR LE VIF ]
« Ils ont gazé une mère, les jeunes ont pris rage »

- [ CHRONIQUE DE L’ARBITRAIRE ]
Fethi est mort, poursuivi par la police
Nourredine, tué dans une poursuite policière
Manif à Calais....
Outrage et rébellion
Permis de tuer ?
Triple peine pour Walid !
Les « bloqueurs de serrures » condamnés

- [ AGIR ]
Procès La Rumeur




Feu d’artifice répressif

L’avant-projet de « loi sur la prévention de la délinquance » refait surface. Le Syndicat de la Magistrature qui le publie sur son site reconnaît qu’il s’agit de la... 8eme version mise en circulation de manière « officieuse » par le ministère de l’Intérieur. Comme d’hab, le texte multiplie les provocations : on assiste à une sorte de feu d’artifice des mesures répressives, qu’il s’agisse de vidéo-surveillance, de fichage, de justice des mineurs, d’extension des pouvoirs des flics, de contrôle social tout azimut (par le maire, par la milice civile, par les psychiatres, par les concierges...). Le délire sécuritaire atteint un tel sommet que les magistrats effrayés du SM nous parlent déjà d’État « totalitaire ». Certes, et alors ?
L’avant-projet de loi sur la délinquance n’a rien de nouveau : voilà des mois que les travailleurs sociaux se battent contre l’obligation qui leur serait faite de transmettre leurs informations au maire. Si le ministre le fait à nouveau fuiter, et en y rajoutant toutes sortes de bouffonneries pour amuser la galerie, c’est qu’il y a une raison précise. Ce n’est pas le détail de ces mesures qui doit retenir notre attention : c’est la méthode suivie par Sarko, et qui est toujours la même.
La méthode, c’est d’étouffer progressivement les voix qui s’élèvent contre la logique de la répression en procédant par touches successives, en avant en arrière, propositions scandaleuses puis petites reculades : la surenchère permanente du ministre ou des députés sarkozystes qui accumulent les rapports extravagants (Bennisti) ou les propositions de loi liberticides (retour de la loi anti-casseurs...) est là pour donner le tournis à ceux qui ne sont pas encore résignés. Le temps qu’on combatte telle ou telle mesure, tel ou tel aspect des choses qui nous parait particulièrement inacceptable et c’est tout le reste qui a été adopté entre temps. Tous les roquets aboient ensemble et quand on se fait mordre on ne sait plus d’où ça vient.
Mais que l’on s’arrête un instant, et que l’on considère l’évolution du droit pénal depuis vingt ans : les réformes successives ; et comment elles vont toutes dans la même sens, droite et gauche confondues : alors on verra que depuis 2002 il n’y a pas de changement de nature, mais seulement de rythme et de style.


Brutalités policières impunies,
racisme et discrimination, expulsions, atteintes au droit d’asile...
dans son rapport 2006 publié en avril, Amnesty International, association internationale bien connue, dénonce toutes ces pratiques qui s’aggravent, sous couvert de lutte contre le terrorisme et à l’occasion de l’état d’urgence décrété en novembre 2005. Il confirme que, depuis 10 ans, les mauvais traitements et les homicides racistes imputables à des policiers n’étaient pas des cas isolés. Les victimes de violences policières, le plus souvent des étrangers ou des français d’origine étrangère, n’arrivent pas à faire aboutir leurs plaintes ; les policiers bénéficient d’un climat d’impunité et n’ont pas à rendre compte de leurs actes devant une justice « à deux vitesses ». Demandeurs d’asile, manifestants, suspects interrogés ou simples témoins de brutalités policières, sont victimes d’humiliations, d’injures verbales à caractère raciste et/ou de violences, sans que les responsables présumés aient à rendre compte de leurs actes (instructions sans fin ou affaires classées au bénéfice des policiers).


Ségolène et Nicolas
Il y a une telle continuité entre les lois répressives des socialistes (LSQ) et celles de Sarkozy et Perben qu’on pourrait croire que, sur le thème de la « sécurité », il n’y a plus guère de différences entre la droite et la gauche. Heureusement, grâce à Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, favoris des sondages de chacun des deux camps, on peut constater qu’il y a encore la place pour une vraie alternative. Nicolas veut sucrer les allocs, Ségolène seulement les suspendre. Nicolas propose de confier les mineurs récalcitrants à l’Administration Pénitentiaire, Ségolène préfère l’armée. Nicolas veut faire rentrer les flics dans les écoles, Ségolène choisit plutôt de mettre un vigile dans chaque classe. Le retour à l’ordre moral et le traitement de la question sociale par le tout-répressif se décline donc en deux versions.


Alexis, on pensera toujours à lui
Il y avait des centaines d’amis, de camarades le 10 mai à l’enterrement d’Alexis Violet - Jean-Michel Mension de son vrai nom. Alexis a tout fait dans sa vie. Interné en maison de correction, membre de l’Internationale lettriste, militant trotskyste, combattant intraitable contre les violences policières, contre tous les racismes, pilier de comptoir de café et du bon vin.... Son autobiographie magnifique : « Le Temps gage », chez Noesis décrit une vie de passion qui crachait sur les normes « comme il faut ». Alexis est parti, il a eu de la chance, il a pu vivre debout jusqu’au bout, dans la lutte, sur l’asphalte face aux flics et aux patrons. On pensera toujours à lui.




> SUR LE VIF

« Ils ont gazé une mère, les jeunes ont pris rage »
À Montfermeil, témoignage Recueilli par Libération le 30 Mai, http://www.liberation.com/page.php?Article=386203 (Lire aussi le témoignage de la mère, Mme Coulibaly sur : http://www.humanite.fr/journal/2006-06-02/2006-06-02-830902).
« - Pourquoi il y a eu ça ? Ils sont venus en perquise hier chez un pote, ils l’ont sorti de la voiture, l’ont mis dans le hall. Un policier lui a baissé le pantalon devant tout le monde. Son frère a dit “Pourquoi vous lui baissez le pantalon à lui, venez me le baisser à moi”, c’est parti en patate, ils ont sorti le flashball et l’ont tiré à bout portant. Il y avait sa mère à côté, ils l’ont gazée. - Les gens ont pris rage, comme une maman a été gazée, ils ont voulu se venger comme partout. On gaze ma mère j’aurais fait la même chose. - Pourquoi avoir caillassé la maison du maire ? - C’est par rapport aux lois qu’il a faits. - Les jeunes ont pris rage, ils ne nous respectent pas et nous on va respecter le maire ? C’est la police du maire, ils osent baisser le pantalon, et gazer une maman alors qu’elle n’avait rien fait. »
Depuis des jeunes interpellés lundi soir à Montfermeil ont écopé de 15 et 4 mois de prison fermes. Une marche est prévue samedi 10 juin à 14h30, départ immeuble 5, à Montfermeil (93) pour exprimer sa solidarité avec la maman.




> CHRONIQUE DE L’ARBITRAIRE

Fethi est mort, poursuivi par la police
« Notre fils, notre frère, notre ami Fethi Traore, surnommé Mimi, âgé de 31 ans, est décédé dans des circonstances incompréhensibles et cela sous les yeux de la police. Les versions données à la famille ne concordent pas. Il aurait abandonné la voiture alors que la police ne le poursuivait plus ? Il se serait jeté à l’eau alors qu’il avait une phobie de l’eau... Les policiers seraient restés à le regarder se noyer pendant 8 ou 10 minutes selon les versions, et la police fluviale aurait récupéré le corps au bout de 30 minutes ? Que s’est-il vraiment passé ? Nous avons besoin de comprendre.
Ce n’est pas le premier et si nous restons sans agir ce ne serait certainement pas le dernier ! Rappelez vous de Mickael “mort pour un tag” le 10 avril 2004, dans le même périmètre, et de Bouna et Zied, morts électrocutés le 27 octobre 2005. Tous un point commun : “poursuivis par la police” ! »
(extrait du communiqué reçu)

Nourredine, tué dans une poursuite policière
Le 16 mai une course-poursuite entre une moto et des véhicules de police débutant dans le quartier de la Paillade, à Montpellier, s’est terminée en centre-ville par la mort de Nourredine, 18 ans, habitant le quartier du Petit-Bard. Les policiers avaient bloqué le rond-point stratégique de l’Armée-des-Alpes et le jeune conducteur de la moto s’est écrasé contre un mur.
Plusieurs points obscurs posent question à la famille, ses amis et certains habitants du Petit-Bard. Il semblerait que les policiers, dans l’affolement, aient organisé une simulation en lançant un appel signalant qu’un véhicule Opel noir aurait heurté la moto conduite par Nourredine. Or un témoin aurait dit que c’est un véhicule de police qui, de son pare-choc, a touché la moto. Mais depuis, peut-être sous l’influence d’intimidations, le témoin se serait rétracté.
Dès que la famille revient de l’enterrement au Maroc, elle appelle à une manifestation.

Manif à Calais...
Le mercredi 10 mai, les jeunes du quartier Matisse-Gauguin de la ZUP de Calais, ont organisé une marche jusqu’à la sous-préfecture pour protester contre des contrôles et des brutalités qui se multiplient depuis début avril, exercées sur eux par des CRS qui ne se privent pas pour les gazer. Les habitants des immeubles sont intervenus a plusieurs reprises pour défendre leurs enfants. L’attitude des CRS envers les jeunes est réfléchie. Ils ont reçu ordre de provoquer des conflits avec la police pour justifier une répression. Suite à la réponse du sous-préfet à la délégation des manifestants un comité contre les discriminations va se créer pour surveiller ses promesses.

Outrage et rébellion
À Toulouse, le 17 mai, Loïc emprunte un couloir de bus avec sa voiture. Un véhicule le dépasse et le bloque. Trois gaillards lui tombent dessus violemment, ce sont en fait des agents de la BAC en civil, mais sans insignes apparents. Loïc qui réagit face à cette agression se retrouve menotté, un des flics lui montre qu’il est bien un policier en lui mettant un coup de poing avec sa plaque en main. Au commissariat, les violences se poursuivent. En correctionnelle le 19 mai, il est condamné pour outrage et rébellion à 6 mois de prison dont trois mois ferme. Au passage, les policiers touchent 2500 euros d’indemnités.
La famille en colère réclame la libération immédiate de Loïc. La mère du jeune homme a refusé de s’alimenter pendant une semaine occupant la place du Capitole. Depuis plusieurs rassemblements se sont tenus à Toulouse, et une pétition a recueilli plus de 4000 signatures. Contact : g.bm@wanadoo.fr

Permis de tuer ?
« Aurélien a été tué dans le dos, le 10 mars 2003, alors qu’il était menotté, et tout à fait calme. Dans son verdict du jeudi 1er juin 2006, la Cour d’appel de Lyon confirme le jugement inique du 16 juin 2005 du tribunal de Montbrison. Le gendarme Salesses qui a appuyé sur la détente est condamné à 18 mois avec sursis, avec non-inscription du « delit » au casier judiciaire. En d’autres termes, il ne sera pas radié de la gendarmerie, ni ne sera interdit de porter des armes. Seule la question des dédommagements pour la famille est légèrement revue à la hausse. La famille d’Aurélien est complètement atterrée ! Ce n’est pas quelques sous de plus qui va faire revenir ce fils, ce frère, froidement assassiné par ce gendarme. » Extrait du communiqué, à lire sur : http://rebellyon.info/article2296.html

Triple peine pour Walid !
Pour avoir participé au mouvement de ce printemps, Walid, élève de terminale au Lycée Louis-Armand, dans Paris 15ème a été puni trois fois. Après quarante jours en prison (il a été accusé d’avoir brûlé une poubelle !) et trois semaines d’exclusion arbitraire de son lycée, ce militant anti-CPE a été exclu le lundi 22 mai par le conseil de discipline pour « tentative de dégradation de l’établissement ». Prison, interdiction de participer aux cours, puis exclusion définitive. Voilà comment l’Etat « démocratique » se venge et se démasque. Ça vaut 100 leçons d’éducation civique. Amnistie pour Walid et pour tous les autres condamnés du mouvement « anti-CPE » !

Les « bloqueurs de serrures » condamnés
Une soixantaine de personnes étaient présentes le 31 mai devant le tribunal de Lons-le-Saunier, aux côtés des deux jeunes gens poursuivis en correctionnelle pour des « dégradations » commises lors du mouvement contre la loi « Pas de chances pour l’Egalité ». Malgré le caractère symbolique, non irréversible de leur geste (blocage des serrures de deux lycées avec de la mousse expansive) le verdict est de 80 h de TIG et plus de 2000 euro en remboursement des « dégâts ». L’un des jeunes, salarié, a reçu un avertissement de son patron.
Soutien financier : chèques à l’ordre de la CNT-Jura (BP80039 - 39110
BRACON), avec mention au dos « soutien jeunes anti-CPE ».





> AGIR

Procès La Rumeur
Hamé du groupe de rap La Rumeur comparaissait le 11 mai dernier en appel pour « diffamation publique envers la police nationale ». Le verdict sera rendu le 22 juin au tribunal de Paris 11e chambre de la cour d’appel. Soyons nombreux pour les soutenir. Un compte-rendu complet de l’audience est disponible sur http://www.acontresens.com/contrepoints/societe/29.html