5 mai 2005


Récit d’une garde à vue

Suite à l’occupation lycéenne d’une annexe du ministère de l’éducation


Suite à l’occupation d’une annexe du ministère de l’éducation mercredi, à l’appel du comité de coordination parisienne (je tiens cette infomation de la police), nous avons tous été embarqué par la police, il y a eu plus de cent soixante gardes à vue !

J’étais dans le commissariat du septième où nous avons été traités de manière exceptionnelle : nous avons passé toute la garde à vue ensemble (mineurs, majeurs, filles, garçons) dans une salle du sous-sol du commissariat sous la surveillance d’environ quatre agents de police qui se relayaient. Nous étions dans une salle relativement grande, et nous avons pu y prendre nos aises assez rapidement, nous tenions même tous allongés. Nous pouvions discuter librement, ce qui a permis de remonter le moral à ceux qui flanchaient un peu par moment. Les conditions étaient tout de même relativement spartiates, nous n’avions pas de couvertures, et étions privés de la plupart de nos libertés. A part l’équipe de nuit qui était exagérément autoritaire, nos gardiens étaient plutôt ouverts à la discussion, ils s’embêtaient au moins autant que nous. Les allers et venues se succédaient : fouilles, notification de garde à vue, visite de médecins, entretien avec avocat, auditions, prise d’empreintes et de portrait...
Au milieu de la nuit, on nous a tous fait lever, en rang, pour être soumis à un examen : ils venaient de recevoir un rapport des renseignements généraux qui comportaient des photos. Au moins une paire d’entre nous avaient été reconnus et les policiers sont repartis. C’est à ce moment que la tension est montée d’un cran : "est-ce que c’était moi ?", "que va-t-il arriver aux personnes reconnues ?", "que reproche-t-on aux personnes prise en photos ?"... Malgré leur volonté de nous cacher les épreuves, certains d’entre nous ont pu à la volée identifier plusieurs personnes sur les photos : des gens reconnus comme étant bien présents et impliqués dans le mouvement, dans la coordination, dans les manifestations. Il y avait aussi une exception : il n y avait pas que des lycéens sur ces photos. Même à plusieurs mètres, je me suis clairement reconnu sur une d’elle, ce qui m’a été confirmé par d’autres personnes. Sur le cliché, je suis au milieu de la terrasse en train de me balader avec une cigarette à la bouche. La garde à vue s’est poursuivie sur le même rytme, avec une paire de personnes
peut-être un peu plus anxieuses que les autres, mais avec toujours de la bonne humeur.
Le deuxième jour, le jeudi, on nous a confirmé que nous n’allions plus tarder à sortir, ce qui à été effectif dans la suite des évènements. Au bout d’un moment, les personnes majeures ont été invité a quitter les lieux, à peu près dans l’ordre alphabétique, et les personnes mineurs, au rythme où leurs parents venaient les chercher. Puis le rythme s’est ralenti, normal, il y avait de moins en moins de monde. au bout d’un moment, nous n’étions plus qu’une poignée de mineurs et moi-même. L’autre jeune personne qui à été gardée en prolongation de garde à vue ne redescendait plus, la procédure pour les mineurs est plus exigente, mais elle m’a dit avoir aussi été longuement auditionnée. On est enfin venu me chercher, mais pour me notifier la prolongation de garde à vue, et m’auditionner, et me coller finalement dans la cellule de garde à vue, videosurveillée, à coté de la cellule des femmes, où a été emmenée l’autre jeune personne. Même si nous pouvions encore communiquer, la garde à vue est devenue plus dure, sans lien et avec encore plus de fatigue. La porte qui séparait les cellules du hall d’entrée était restée ouverte, ce qui m’a permis de voir une paire d’agents en civil entrer pour prévenir qu’un attroupement se mettait en place devant le commissariat, je me suis douté qu’il y avait un peu de soutien, mais
n’avait pas les moyens de le vérifier. Cathy m’avait apporté de la nourriture, c’est à ce moment là que j’ai compris que l’on savait où j’étais, on ma dis que Jean-François était passé, j’ai alors su que Sud était aussi au courant. Avoir ainsi des bribes d’informations provenant de l’extérieur était un grand soulagement. Des élèves de mon lycée étaient présent au rassemblement de soutien au pied de l’annexe du ministère, ils m’ont vu et je me demandais si l’information avait circulé jusqu’au lycée. Cela m’a été confirmé depuis par de nombreux messages de soutien, et diverses propositions pour le réaliser.
Lors de la fin de la garde à vue, une nouvelle épreuve arrivait : la mise au dépot pour rencontrer le procureur. La pression monte toute seule quand on se retrouve avec une paire de menottes aux poignets. Dans le véhicule qui nous amenait au tribunal la jeune fille qui était avec moi souffrait d’être ballottée, sans trouver de position confortable, les menottes dans le dos. Puis suit la mise au dépot où l’on recommence
la fouille et la mise en cellule : deux lits superposé, et une touche de luxe : un chiotte et de l’eau ! Nous étion six, à venir dans ces lieux pour des motifs divers et variés. Au bout d’un moment, je me demandais s’il n’était pas trop tard pour pouvoir suivre la procédure, allais-je passer le week-end ici ? Puis on est enfin venu me chercher, on a sauté la case procureur et je suis emmené devant le juge. Une lycéenne est assise à proximité, je l’avais reconnue sur une des photos du rapport des renseingements généraux. La garde à vue ne s’est pas passée de la même façon : elle était interrogée toutes les heures, à renfort de baffes ! Peu de temps après arrive Maître Terrel qui suit mon dossier et on a pu discuter, elle a pu consulter le dossier : environs trente centimètres d’épaisseur en format A4... Elle était très rassurante, et effectivement, j’étais dehors dans l’heure. Elle à fait la demande pour avoir une copie du dossier et je retourne la voir lundi. Nous sommes tous "mis en examen des chefs de :
- violences volontaires sans ITT en réunion, avec armes par destination sur agents de la force publique ;
- dégradations en réunion de bien d’utilité publique."
Le procureur demandait un placement sous contrôle judiciaire de tous les majeurs, mais il nous a été signifié la même chose, que l’on soit majeur ou mineur, c’est à dire le refus de placement sous contrôle judiciaire. Bref, nous sommes libre de circulation depuis vendredi soir et devons rester disponibles pour la justice, en attendant le procès qui aura lieu plus tard.

Voila, c’est finit pour la première étape, on commence déjà à parler de rassemblement de soutien lors du passage au tribunal. Les dates ne sont pas encore communiquées, mais il y a déjà Samuel Morville qui passe en procès le 27 mai après avoir été arrété lors de la manifestation du 31 mars. Un étudiant passe en comparution le 31 mai, suite à une arrestation musclée (dont j’ai été témoin) lors de la manifestation
du 13 avril. Quelques images sont disponibles sur le lien suivant :
http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=35349&id_mot=33
Je vous raconterai aussi l’occupation, mais pas aujourd’hui !

D.