18 janvier 2006


"Mon fils a eu la main arrachée par une grenade"

Toulouse - témoignage


Lors du rassemblement de la CNT-AIT, place du Capitole, samedi 12
novembre 2005, plusieurs habitants des quartiers sont venus témoigner
publiquement des réalités qu’ils vivent. Nous re-transcrivons ci-dessous
une partie du témoignage fait à cette occasion par la mère de Réda (le
jeune homme dont la main droite a été littéralement arrachée par une
grenade policière à La Reynerie le lundi 7 nov. 2005), au micro de la
radio libre Canal-Sud.

La mère de Reda : Mon fils, il a 21 ans, il est sorti pour regarder ce
qui se passait. Il a sauvé quelques vies, empêché que des enfants soient
défigurés. Vous croyez que c’est normal qu’on tire une grenade comme
ça ? ne me dites pas !

Un participant au rassemblement : Pour faire un tel dégât, c’est une
grenade militaire, une grenade offensive.

La mère de Reda : Il n’était pas parmi les révoltés. Sa main a été
déchiquetée. Irréparable. Il a perdu toute la main, la droite, et c’est
normal ça ?

Un participant : Non c’est pas normal et c’est pour ça qu’on proteste,
c’est une grenade de type offensif qui a été tirée, en principe, c’est
réservé à un emploi dans des guerres, mais au Mirail y a pas la guerre !

Quelqu’un : Ah si !

Un autre participant : C’est la guerre de Sarkozy, c’est une guerre
contre les pauvres. Ils viennent, ils provoquent et ils tirent.

La mère de Reda : Un jeune de 21 ans, il ne travaille pas, il n’a pas
le chômage, il ne peut pas être RMISte ni rien du tout, quand même c’est
trop, et s’il n’y avait pas moi ? C’est mon fils quand même, et c’est
pas un petit jeune qui était dehors, c’est pas un enfant de 9 ans qui
était dehors, c’est pas un enfant de 14 ans qui était dehors, c’est un
jeune de 21 ans. Il n’a pas d’antécédents, il n’a jamais été remarqué
par la police, la grenade il l’a prise pour l’éloigner, parcequ’elle
était tombée près d’un groupe d’enfants. Tous ses doigts sont restés sur
place. Pour les secours, ni le Samu, ni les pompiers, personne s’est
déplacé, c’est des jeunes qui l’ont emmené.

Une femme : Pourquoi ?Ils n’ont pas répondu, ils ne venaient pas ?

La mère de Reda : Non. La police, ils rigolaient, il y a des témoins,
ils rigolaient sur place, ils le voyaient souffrir, hurler, sa main
déchiquetée, ses doigts par terre et c’est des garçons qui l’ont emmené
vers l’hôpital. Même un monsieur est venu, un monsieur français qui est
de notre quartier, il m’a dit "Madame, c’est moi qui ai récolté les
doigts de votre fils" ! Déchiquetés, là quand même c’est trop, c’était
lundi le jour du drame, lundi soir à 18h30. Oui, j’ai mon fils qui a été
amputé d’une main après une grenade qu’ils ont lancée.

Une autre femme : Je viens d’arriver de l’étranger, il y a eu beaucoup
de violences ?

La mère de Reda : Non, il y a pas eu beaucoup de violences sur le
quartier, il y a eu beaucoup de pression, alors on était encadrés par
les CRS. Même nous les mamans, il faut voir comment ils nous traitent !
Et pourtant, où vous voulez qu’on aille ? Où vous voulez que ces jeunes,
que cette génération aille ? C’est des jeunes qui sont nés ici. Je sais
pas quoi dire, j’aurais du les remettre dans mon ventre et les laisser,
ne pas leur donner une vie ! Un, il a 25 ans, sans travail, bon il a pu
un petit peu travailler une fois. Ma fille, elle a un BEP vente, là où
elle va, comme elle habite le Mirail, on la prend pas. Alors où on va ?

Une femme qui arrive : Où habitez vous donc ?

La mère de Reda : Au Mirail, à la Reynerie, et on dirait que là bas il
y a des apaches ! C’est devenu un ghetto, Ils veulent travailler quand
même ces jeunes ! Ils veulent bouger ! Comment voulez vous qu’ils s’en
sortent ces jeunes ? C’est trop. Il est sorti à 6 heures et demi et il
s’est fait amputer d’une main par les CRS !

Une femme : Et les secours, alors ce sont des gens ?...

Un ami de Réda : C’est des gens de la cité qui l’ont amené à l’hôpital.

La mère de Reda : Les secours, ils ne sont pas venus, personne,
heureusement il y a un grand comme lui, il lui a arraché le pull il lui
a fait un garrot alors qu’il y avait du sang partout, et il a perdu
connaissance, et eux, la police, ils rigolaient !

Une femme : Et après ?

La mère de Reda : Ils ont eu un accident, ça s’est produit sur la
rocade, vers les Pradettes, personne ne voulait s’arrêter pour le
prendre. Alors on laisse les gens mourir, ils auraient pu le tuer,
voilà, c’est tout ce que j’ai à vous dire.

source / http://cnt-ait.info/article.php3?id_article=1185