31 janvier 2006


La police a toujours raison... à la cour d’appel de Lyon

Lyon / Virginie en cour d’appel


En cour d’appel, à l’audience du 19 janvier 2006, l’avocat
général requiert une peine de prison assorti de sursis contre
Virginie, pourtant relaxée en première instance.

Virginie arrêtée violemment lors de la manifestive du 30 avril est
accusée d’avoir dégradé la vitrine du commissariat du 1er, d’avoir
appelé à l’émeute et de s’être rebellée durant son arrestation. En 1ère
instance, après une enquête de l’IGPN qui prouvait les mensonges
policiers et l’innocence de Virginie. Elle a été relaxée, le juge et le
procureur s’excusant de l’avoir mis 3 semaines en détention préventive
et l’incitant à porter plainte contre la police pour les violences
qu’elle a subies. Ce jeudi 19 janvier, elle comparaissait devant la 4ème
chambre de la cour d’appel de Lyon. Elle était toujours du coté des
accusés et les policiers des victimes. Ces derniers n’ayant pas apprécié
le 1er jugement, ils ont fait appel appuyés par le procureur général
(Voir les articles de Rebellyon : Les éboueurs de la BAC recalés pour
faux témoignages
- Relaxe totale pour Virginie - Les policiers et le
parquet font appel
). Le procureur de ce nouveau procès a requis une
peine de prison avec sursis pour punir « la rébellion ».

La cour d’appel est présidé par le juge Grégoire Finidori, de réputation
nationale pour ses jugements abusifs. Ici il est le roi. Il trône
entouré de sa cour, ses deux assesseurs l’admirent, sourient à ses
vannes, certains avocats viennent le saluer, il paraît fier de
l’affluence exceptionnelle de l’après midi. Du monde pour soutenir
Virginie mais aussi une vingtaine de policiers en civil, un escadron de
CRS prêts à intervenir dans la salle des pas perdus. Et plusieures
fourgonnettes devant le palais. Dans le murmure de la salle, un bébé
pousse un petit cri. « les enfants n’ont pas leur place ici » prévient
le juge Grégoire Finidori, ici c’est lui le boss.

L’après midi commence avec deux affaires où les prévenus sont accusés d’
« outrage et rébellion ». Finidori interroge le second accusé « qu’est
ce que vous avez donc contre les policiers ? ». Après une interruption,
la cour rend le verdict pour ces deux premières affaires. Aucun des deux
prévenus n’avaient agressé physiquement les forces de l’ordre mais les
« outrageux » sont condamnés, Finidori commente « On va pas tolérer que
les gendarmes se fassent tabasser dans les rues ». Et qu’une jeune fille
se fasse tabasser par des policiers dans la rue, est-ce tolérable ?
C’est la question à laquelle le juge doit répondre maintenant.

Procès en appel de Virginie

Un des deux assesseurs rappelle les faits. Le 30 avril 2005 a lieu à
Lyon une manifestation d’ « anarcho libertaires », qui est en fait était
une manifestation festive. Virginie préférera le terme plus juste de
« défilé ». Durant ce carnaval techno, les forces de police constatent
des dégradations sur le commissariat du 1er arrondissement. Les membres
de la BAC infiltrés dans le cortège en civil reçoivent l’ordre d’arrêter
les auteurs de ces dégradations. Arrivée Place des Terreaux, Virginie
voit une bagarre éclatée, elle veut s’interposer, mais dans la bagarre,
3 hommes la traîne par terre, elle se débat, ils lui mettent 3 coups de
tazer et la menottent à la roue d’une de leur voiture. Elle sera ensuite
emmenée au poste, elle comprend alors qu’il s’agissait de policiers.

Au premier procès, l’enquête de la police des polices, a démontré à
l’aide des vidéos de surveillance ainsi que d’une vidéo et des photos
amateurs, que Virginie n’a pas participé aux dégradations, par contre
ces films montrent bien le lynchage qu’elle a subit de la part des
policiers qui ne portaient pas de brassard les identifiant. Malgré ces
éléments, les policiers de la BAC continuent de maintenir leurs
déclarations comme quoi elle est bien responsable des dégradations, en
plus elle s’est débattu et a même essayé de dérober l’arme d’un des
policiers selon les accusateurs. Arnaud Mandon, un des policiers de la
BAC persiste : « j’étais sur les lieux, je sais ce qui s’est passé, pour
moi c’est elle, si on me demande, c’est elle ».

Virginie rappelle qu’elle ne savait pas que c’était des policiers, ils
reconnaissent ne pas porter de brassard à ce moment là, mais affirme
qu’on pouvait les reconnaître car ils avaient une radio et une arme
dissimulée (mais si en civil, le citoyen doit les reconnaître, pourquoi
se mettre en civil alors ?). Il précise qu’elle était hystérique, qu’ils
ont du mal à la maîtriser d’où l’utilisation du taser. (Pour les trois
cowboys baraqués d’un mètre 90 contre une jeune fille de 19 ans de 1
mètre 60, ils disent que l’utilisation d’une arme est justifiée).
Virginie n’apprécie pas et demande des excuses quant à l’utilisation de
cette arme, qu’elle a eu à subir sans raison non pas une fois, mais
plusieurs fois..

Après le rappel des faits, l’avocate de Virginie lui pose quelques
questions pour bien rappeler que c’est elle qui a décidé d’aller vers la
bagarre, pour « séparer » les gens. Virginie précise que vue ce que ça
lui a coûté de vouloir interrompre un affrontement, elle ne
recommencerait plus. Elle a l’air fatiguée de s’expliquer une nouvelle
fois sur cette affaire où les preuves de son innocence ont été apporté
en première instance.

Mais Me Versini, qui défend la police depuis 10 ans avec fierté (il va
le rappeler plusieurs fois) lui ne croit pas à ces preuves. Il va
pendant 25 minutes faire un plaidoyer avec beaucoup de forme et peu
d’arguments. D’abord, Me Versini ne croit pas à l’audiovisuel (le style
19ème siècle qu’il se donne dans son phrasée et ses gesticulations
l’empêche-t-il de croire à la technologie du XXème ?). Pour lui, les
photos ne sont que des instants et on peut leur faire dire ce qu’on
veut. Il se gardera d’évoquer la vidéo surveillance, dont il est sans
doute par ailleurs un ardent défenseur, sûrement parce qu’elle n’est pas
prévue pour filmer les bavures policières. Ensuite pour lui, on ne peut
pas remettre en cause la parole de la BAC. Il nous a fait une belle
apologie de ces policiers qui « passent leur journée à reconnaître les
délinquants, c’est leur travail » donc « ils n’ont pu connaître une
telle bévue, on ne peut douter ». Quant à la visibilité obligatoire
durant une intervention, il estime que le tonfa était un signe
distinctif suffisant pour comprendre qu’il s’agissait de policier, et
l’utilisation du taser est justifié par une note du ministère de
l’intérieur précisant que l’usage de cet arme est permis « pour réduire
la résistance d’un manifestant ».

Malheureusement pour lui comme le précisera ensuite une des avocates de
la défense, cette terrible note ministérielle est ultérieure au fait,
elle rappelle donc qu’on peut utiliser le taser uniquement en cas de
légitime défense. Elle rappellera aussi les nombreux témoignages
recueillis par l’IGPN qui attestent la non visibilité policière ainsi
que la violence disproportionnée des policiers. Aux photos qui « ne sont
que des instants », elle opposera la vidéo surveillance qui prouve
l’innocence de Virginie.

Versini a terminé son show en rappelant qu’il était un avocat propre, un
vrai, que ça faisait 10 ans qu’il « officie à la défense de la police »
et qu’il ne serait pas ici si ses clients avaient commis de tels
agissements. Sa seule présence ici prouve que les policiers ont raison
et « il en va de la dignité de la robe » de rétablir la loi qui n’a
« pas été respectée par la première juridiction ». Un peu plus on aurait
dit qu’il allait menacé de démissionner si on ne lui donnait pas
raison ! Bref un argumentaire musclé.

C’est au procureur général de partir dans un monologue de vingt minutes.
Monologue qui commence par une sombre explication pour rappeler que la
justice est une institution respectable qui fait bien son travail,
preuve en est la présence de Virginie ici même qui a le droit de se
défendre. Il a aussi rappeler que si on commençait à remettre en cause
les PV des policiers, on ne s’en sortirait pas et il a rappelé la
règle : « les PV sont des preuves jusqu’à preuve du contraire ».

Sur le fond, il a laissé « le soin à la cour de juger », ne savant pas
trop quoi penser hormis le fait que pour lui, il y avait bien eu délit
de rébellion de la part de Virginie, puisqu’elle même affirmait s’être
débattue. Il a oublié d’entendre qu’elle s’est débattue par « instinct
de survie » et non pas pour casser la gueule à 3 policiers, qui
faisaient tous 2 fois son poids. Mais pour le procureur, « peu importe
qu’elle soit coupable », elle s’est débattue, donc il y a eu rébellion.
En gros, si des flics vous tabassent dans la rue sans raison, surtout ne
vous débattez pas, ils ont raison. Pour ce délit il réclame une peine de
prison assorti à du sursis.

Ensuite, La défense a comme on l’a dit, démonté point par point
l’argumentaire du Versini show. Elle a rappelé qu’on peut s’opposer à
des décisions injustes, que la rebellion dans ce cas est même un devoir
et non un délit. Puis la seconde avocate a rappelé que Virginie a subi
depuis presque un an, un acharnement judiciaire, avec notamment trois
semaines de cellule, enfin elle a élargi le débat sur la confiance en la
justice, faisant un parallèle avec l’affaire d’Outreau, elle a dit qu’on
ne peut plus condamner désormais sur des mensonges policiers avérés.

Finidori, plus attentif à savoir le nom du journaliste qui est entré
dans la salle, en lui demandant sa carte de presse, qu’aux argumentaires
des avocates de la défense a annoncé le rendu du verdict pour le 23
février.

Le scrountch

Source / http://rebellyon.info/article1470.html