31 janvier 2006


Déclaration au tribunal d’Evry lors du procès anti biométrie

Le délibéré sera rendu le 17 février au tribunal d’Evry, à 13h30


Le 20 janvier, après 7 heures d’attente (l’audience débutera à 20h30), quelque 160 personnes en soutien assistaient au procès des trois étudiant-e-s accusé-e-s d’avoir brisées à coups de marteau le dispositif biométrique en place dans la cantine du Lycée de la Vallée de Chevreuse, situé dans la technopole de Saclay.
Le procureur a requis 3 mois avec sursis et 105 heures de TIG. Le délibéré sera rendu le 17 février au tribunal d’Evry, à 13h30. Soyons nombreux pour les soutenir !



Déclaration au tribunal d’Evry

Il nous revient, pour notre défense, d’éclaircir en quelques mots les
raisons de notre présence dans ce lycée.

Si les outils biométriques ont été introduits dans les écoles, ce ne sont
pas au fond, les écoliers qui sont visés par ces contrôles. Car même le
proviseur le plus bureaucrate ne pourrait justifier un instant qu’ils sont
nécessaires. Si la biométrie est entrée à l’école, c’est parce que les
écoliers d’aujourd’hui seront demain des adultes.

Or l’industrie de pointe, omniprésente dans ce département de l’Essonne,
considère avec l’appui actif de tous les décideurs politiques que les
citoyens doivent être, dès l’enfance, conditionnés au high-tech, afin qu’ils
ne remettent jamais en question les transformations que le déferlement
technologique exerce sur leurs modes de vie. L’arsenal publicitaire façonné
à leur intention, les mutations successives de l’Ecole, dressent les plus
jeunes à accepter ou à désirer la technicisation croissante des activités
humaines, que l’on appelle, contre toute sensibilité et contre toute raison,
le " progrès ".

La manière dont on impose la biométrie par le conditionnement des plus
jeunes, entre autres, est d’inspiration tout aussi totalitaire que le
contrôle biométrique lui-même. Ce fleuron de la barbarie électronique
signifie littéralement que l’individu se situe à mi-chemin entre le produit
étiqueté du supermarché et le détenu tatoué du camp. Nous nous demandons
alors quelle part de dignité il reste à celui qui doit transformer une
partie de son corps en code-barre pour être identifié. Nous nous demandons à
quelle marge d’autonomie morale il peut prétendre une fois que son anatomie
est devenue le support direct du fonctionnement social. Jusqu’où ira-t-on
pour achever de rendre les comportements prévisibles, et les personnes
étrangères à elles-mêmes ?

Tantôt au nom de la menace terroriste, tantôt simplement parce que " c’est
plus pratique comme ça ", les bureaucraties petites et grandes, étatiques ou
marchandes, ne cessent de soumettre les espaces de la vie commune à leurs
propres critères : rien ne doit entraver le flux de l’économie ; rien ne
doit obscurcir la transparence du contrôle. Le langage et le rapport
sensible, trop lents, trop ambigus, sont évacués au profit de la
surveillance électronique.

Nous estimons donc que la biométrie est un pas de plus vers la
déshumanisation de la société : la gestion des populations s’automatise et
devient à elle-même sa propre fin. Conformément aux pires anticipations
cybernétiques, il semble de plus en plus admis que l’existence n’est qu’un
prétexte à la production et à la circulation de l’information. C’est ce que
rend possible la biométrie, en faisant de la vie elle-même la matière
première de sa version artificielle et programmable.

Nous avons voulu, le 17 novembre, interrompre symboliquement une
expérimentation désastreuse sur des adolescents, dont le déploiement n’est
pas en l’état contrôlable par la législation. Nous ne dénonçons pas les
dérives de l’outil biométrique, mais la biométrie en tant que telle. Nous
considérons qu’accepter les contrôles biométriques signifie livrer la
société à une logique de ghetto, c’est pourquoi nous engageons le plus grand
nombre à refuser de s’y soumettre.

Les inculpé-e-s. Evry, le 20 janvier 2006.

Source / http://1984.over-blog.com