24 octobre 2006


Les policiers qui ont abattu Nicolas Billotet le 13 mars 2003 seront-ils jugés ?

À Lyon


L’avocate de la famille de Nicolas Billotet a demandé ce mardi
10 octobre en appel à la chambre de l’instruction de revenir sur
l’ordonnance de non-lieu dont ont bénéficié en mars dernier les
six policiers présents lors de la fusillade qui a mis à mort ce
jeune homme de 23 ans, dans le quartier de St Rambert (Lyon
9ème) le 13 mars 2003. Le résultat sera connu le 26 octobre.



Un jeune est tué par des policiers

Le 13 mars 2003, vers 19h, à Lyon 9ème, sur le parking des résidences
"Périades " et "le Côteau", situé rue Docteurs Cordier, dans le quartier
de Saint-Rambert-le-Haut, six policiers surveillent une voiture. Cette
voiture, une Audi S8, a été déclarée volée. Les six policiers qui font
partie du GAPP (Groupement d’Appui de la Police de Proximité ) du 9ème,
dont les missions sont identiques à la BAC (Brigade anti criminalité),
sont arrivés au moyen de deux véhicules banalisés. Après une planque de
plus d’une heure, les policiers du GAPP du 9ème s’aperçoivent qu’un
jeune homme, Nicolas Billotet, garçon sans histoire, vient récupérer
cette voiture. Ils lui laissent prendre le volant de cette Audi, puis
ils tirent huit coups de feu notamment sur la tête et sur la poitrine de
Nicolas Billotet, y compris quand le jeune homme a cherché à sortir du
véhicule. Il est mort le lendemain à l’hôpital Lyon-sud.

Personne, ni de la police, ni de la justice n’est venue rencontrer la
famille. Bien au contraire, comme pour en rajouter à leur immense
douleur, les parents de Nicolas Billotet ont reçu plusieurs lettres
d’injures, des intimidations pour qu’ils se taisent et ne cherchent pas
à savoir la vérité sur la mort de leur fils.

Dédain de la justice

Cependant la famille de Nicolas Billotet a porté plainte pour homicide.
Il a fallu déjà attendre plusieurs mois pour qu’un juge d’instruction
soit désigné. Et c’est seulement le 11 octobre 2005, c’est-à-dire deux
ans et demi après, qu’une reconstitution des faits sur les lieux a pu
être obtenue.

Les policiers affirment que la voiture aurait pu toucher l’un de leur
collègues. Contrairement à ce que les six policiers prétendent, la
reconstitution a fait apparaître de nombreux doutes sur l’état de
"légitime défense" dont ils se parent, d’autant plus que les conclusions
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS), du 24
mai 2004, sont extrèmement sévères pour les policiers du 9ème
arrondissement de Lyon qui ont tué Nicolas Billotet.

Cela n’a nullement attiré l’attention du juge d’instruction qui, en
totale contradiction, a clôturé le dossier en mars 2006 par un non-lieu.

Appel du non-lieu, pour un vrai procès

Les parents et la compagne de Nicolas Billotet, qui désirent qu’une
réelle justice soit rendue dans cette tragique affaire, ont alors fait
appel de cette ordonnance de non-lieu. La chambre de l’instruction s’est
réunie le mardi 10 octobre 2006 sous le présidence du juge Azoulay, et
donnera sa réponse le 26 octobre. Maître Castelli, l’avocate de la
famille, a pu ainsi prouver que la thèse de la légitime défense ne
tenait pas. Les proches de Nicolas Billotet espèrent qu’un procès
équitable, auquel ils ont droit, pourra enfin avoir lieu pour que
l’action judiciaire aille jusqu’au bout et fasse connaître toute la
vérité.

« Nicolas aimait vraiment les belles voitures. Je suppose qu’il a voulu
juste l’essayer. C’était un gamin qui travaillait, il n’avait pas besoin
d’argent. » avance son père Georges Billotet, dans la salle des pas
perdus des 24 colonnes, la Cour d’appel de Lyon, au milieu des
journalistes et de personnes qui soutenaient la famille au sein d’un
collectif à l’initiative du Cirdel. Il continue :« Les six policiers
n’ont eu aucune sanction, n’ont jamais été suspendus. Je demande que les
assassins de mon fils soient sanctionnés à leur juste mesure, sinon je
n’arrêterai pas de le réclamer tant que je serai vivant. Le juge
d’instruction Lalex, quand il m’a convoqué, a fait un mauvais procès à
Nicolas plutôt que d’effectuer une véritable enquête sur les policiers
qui l’ont tué. C’est scandaleux de les couvrir comme ça avec un
non-lieu. »




Conclusions du rapport de la Commission Nationale de Déontologie
de la Sécurité



AVIS

La Commission relève que cette opération, qui ne présentait
aucune difficulté particulière et qui a entraîné la mort d’un
homme, a été totalement improvisée. Elle a été réalisée en
dehors de tout encadrement, sans que des instructions aient été
données, à l’initiative et sous l’autorité d’un gardien de la
paix qui, malgré ses dix années d’ancienneté ne paraissait pas
disposer de l’expérience et de la compétence nécessaire pour le
mener à bien.

Cette affaire pose la question de l’utilisation des GAPP
(groupes d’appui à la police de proximité) pour des missions
identiques à celles des BAC, et de la formation de leur
personnel.

La Commission observe qu’aucun travail d’environnement du
propriétaire du véhicule 4x4 n’a été effectué. Les
renseignements recueillis auraient cependant vraisemblablement
permis de demander aux personnes qui étaient à proximité du
véhicule de quitter les lieux. Un dispositif de surveillance
efficace aurait alors pu être mis en place, afin de permettre
l’interpellation de l’utilisateur de ce véhicule, avant qu’il
ait eu le temps de le faire démarrer.

La Commission relève que les constations effectuées par
l’Inspection Générale des Services sont incomplètes. Le
procès-verbal ne permet pas de déterminer si la voiture a été
atteinte par huit ou sept balles. Il n’est pas précisé si la
vitre du conducteur était ouverte ou fermée (les photographies
font cependant apparaître qu’elle était fermée). Il n’est pas
précisé si ce véhicule était équipé d’une boîte manuelle ou
automatique, alors que, seule une boîte manuelle aurait permis
d’effectuer les poussées successives qui ont été décrites par un
des policiers. Par ailleurs, aucune prise de sang n’a été
effecuée.


RECOMMANDATIONS

- La Commission recommande instamment de rappeler, lors des
formations dispensées aux personnels de police, que l’usage des
armes de serviccce n’est permis par la loi qu’en cas de légitime
défense, cette exigence devant également être strctement
respectée en présence du conducteur d’un véhicule qui refuse
d’obtempérer aux sommations.

- L’appréciation de l’existence d’une situation de légitime
défense et de la proportionnalité de l’usage des armes de
service par rapport au danger qu’il aurait permis d’écarter,
relève en l’espèce de la seule compétence des autorités
judiciaires saisies du dossier.

- La Commission demande que soient consignées et rappelées les
méthodes permettant d’éviter qu’un véhicule repéré comme volé
puisse être mis en marche avec les risques que cela comporte
pour les fonctionnaires devant l’intercepter comme pour le ou
les voleurs.

Adopté le 24 mai 2004

Le président de la Commission Nationale de Déontologie de la
Sécurité
Pierre Truche





De nombreuses questions restent posées
depuis mars 2003

- Pourquoi les policiers n’ont-ils pas neutralisé la voiture pour
l’empêcher de démarrer, alors qu’ils effectuaient une surveillance
depuis plus d’une heure ?

- Pourquoi les policiers n’ont-ils pas procédé à l’interpellation de
Nicolas Billotet quand il montait dans la voiture, alors qu’ils l’ont vu
actionner la télécommande, prendre le volant et démarrer ?

- Pourquoi les policiers n’ont-ils pas tiré dans les pneus, alors que
sur les huit balles tirées visaient toutes les glaces ou la carosserie ?

- Pourquoi les policiers ont-ils tiré sur le conducteur, alors que
celui-ci n’était pas armé ?

- Pourquoi lui avoir tiré au moins une balle dans la tête, semble-t-il,
alors qu’il tentait de sortir de la voiture, celle-ci étant
immobilisée ?

- Pourquoi les policiers ont-ils tiré dans la tête et dans le thorax,
s’ils n’avaient une réelle intention de le tuer ?



Ces questions sont posées dès le 15 mars 2003, journée mondiale
contre les violences policières, où l’association Témoins,
Maurice Rajsfus et d’autres interviennent de l’esplanade de la
Croix-Rousse pour dénoncer la mort, sous les balles des forces
de l’ordre, de trois jeunes dont Nicolas Billotet. Elles sont
posées lors son enterrement où la foule est si nombreuse qu’elle
ne peut entrer toute dans l’église de Genay. Elles sont posées
lors d’un rassemblement de 300 personnes sur les lieux de la
fusillade, à St Rambert, le 4 juin 2003. Lors d’une conférence
de presse du CIRDEL, elles sont encore là. Quand pourront-elles
être élucidées ?
La famille est traumatisée.
La compagne de Nicolas Billotet était enceinte au moment de sa
mort : son fils est né le 5 septembre 2003 et il ne l’aura
jamais vu !