Œil sur la police

Ils nous contrôlent, contrôlons-les !


13 septembre 2007


Oeil sur la police

Ils nous contrôlent, contrôlons-les !


Œil sur la police
Ils nous contrôlent, contrôlons-les !


Septembre 2007


Décembre 2006, le réseau Résistons Ensemble contre les violences policières et sécuritaires publiait dans son petit journal mobile recto-verso A4 un édito sous le titre : Il faut patrouiller la police. Il évoquait l’expérience américaine du Black Panther Party dont les membres, dans les années 60, suivaient et surveillaient la police. Des années après, d’autres groupes de surveillance, caméra à la main ont essaimé aux USA puis dans les années 80, le Cop Watch est né. En France, il n’y a pas longtemps de ça, à Dammarie-les-Lys, le groupe Bouge qui bouge s’était lancé dans la même lutte.
Le sujet toujours d’actualité continue d’être débattu. En avril 2007 on pouvait lire sur Internet un texte proposant de transposer les expériences menées aux USA (notamment par le Cop Watching de San Francisco) en France. En juin 2007, lors du Forum Social des Quartiers Populaires, des membres historiques du BPP et du Monitoring Project du quartier de Newham de Londres ont témoigné de leur expérience.
Il semblait intéressant de réunir ces travaux d’informations et de témoignages dont voici reproduits de larges extraits.


les Black Panthers :
« Il faut patrouiller la police »

Les violences policières sont la première préoccupation des habitants des quartiers populaires. C’est ainsi que se manifestent du matin au soir, devant et derrière leurs portes, la violence, le racisme et l’injustice de l’Etat. C’est en réponse à cette violence quotidienne que les luttes les plus tenaces de ces quartiers se sont toujours déclenchées : déjà en 1983 avec la marche pour l’égalité et contre le racisme, encore l’année dernière avec les révoltes de novembre, en passant par la mobilisation de Dammarie-les Lys. Et en réponse à ces luttes, encore et encore de la violence policière. Tout le monde le sait et personne n’y change rien.
La droite l’ignore et agite le chiffon rouge de l’« insécurité », pour la gauche les violences de la police et la résistance à cette violence étatique c’est la même chose, selon elle il faut agir contre « toutes les violences ». En tous les cas la réponse des politiques est un accroissement de l’arsenal répressif, plus de police pour les uns, plus de « proximité » de la police pour les autres. Les forces politiques à gauche du PS démultiplient les réunions sur le thème et sortent de leur manche des « acteurs de terrain », des associations « expertes » pour aboutir à la seule proposition : inscrivez-vous, allez voter. Pourtant si les urnes pouvaient arrêter les violences policières... ça se saurait depuis longtemps. Des réponses existent mais tout le monde feint de les ignorer. Pour commencer - pas de « proximité » avec la police, que la police reste loin, très loin de nous, qu’on la prive des lois sécuritaires qui lui assurent son impunité, que le pire de la police soit dissous (BAC) et que le reste soit surveillé par nous.




(juin 2007)
Témoignages lors du Forum Social des Quartiers Populaires

L’ancien Black Panther Ahmad Rahman a passé 21 ans en prison uniquement parce qu’à Détroit, il faisait partie des Black Panthers Party. Voilà ce qu’il a pu nous dire au forum :
« On doit se défendre de la police. Que les habitants d’un quartier contrôlent la police, c’est l’idée même de la démocratie ! C’est notre droit de contrôler ce que fait la police. Si nous n’avons pas le droit de contrôler la police, nous vivons dans une dictature.
Nous prenions l’habitude, à chaque fois que la police commettait un crime, de faire une contre-enquête. Lorsqu’un politicien venait dans le quartier, nous nous efforcions de le convaincre qu’il était nécessaire de surveiller la police. A force de propagande, ce système de surveillance des faits et gestes de la police a été de plus en plus pris en considération. Du coup, cela a changé le comportement de la police.
Bien sûr la police faisait tout pour éviter d’être contrôlée par les gens du quartier. Mais à chaque fois que l’on avait une opportunité d’en parler à la télé, à la radio... on le faisait et ça leur a fait de plus en plus peur. Les statistiques ont montré que les violences policières ont chuté à partir du moment où les comités pour surveiller la police ont été montés. La vérité ne peut arriver qu’accompagnée de la justice. La vérité viendra d’en bas et non imposée par les institutions ».


Cilius Victor est un membre du Monitoring Project du quartier de Newham de Londres, voilà certaines de ces déclarations :
« On peut mesurer le degré de justice d’une société à l’obligation de la police à rendre des comptes. A Londres, la police ne doit rendre aucun compte (...)
Depuis 25 ans, le rôle des comités est d’informer et de rendre coup pour coup. Des gens transcrivent des histoires de violences policières. Des gens comme vous et moi. Nous ne sommes pas des experts. Nous allons dans les rues, dans les MJC, et nous donnons des informations, notamment sur ce qu’il ne faut pas faire. Notre boulot ce n’est pas qu’il n’y ait pas d’émeutes. Les émeutes,c’est la voix des gens qui font entendre leurs revendications. Nous ne professons pas l’émeute non plus. Nous vous défendrons si vous êtes attrapés lors d’une révolte. Mais c’est peut-être mieux d’utiliser cette énergie autrement.
En fait pour que ce soit visible sur la place publique, il a fallu s’organiser. On n’a pas la solution. C’est à chaque personne de s’y mettre.
En tout cas, le système veut que tout reste secret. C’est pour cette raison qu’on informe au maximum et qu’on publie des documents. Nous aimerions être traînés en justice pour avoir publié ces documents, mais ils sont coincés car cela les ferait connaître encore plus.
Le travail du comité est de surveiller la police. Et lorsque, dans le quartier-même de Newham, un homme a reçu une balle dans la poitrine lors d’une opération coup-de-poing, connaissant bien l’endroit et le voisinage, nous avons pu compiler des informations et faire une contre-enquête sur place. Nous les avons défiés sur la raison pour laquelle ils avaient bloqué tout le secteur. Nous avons fait une conférence de presse et un dossier a été envoyé à la police de Londres. Il est important de mettre la pression sur les autorités.
Partons des individus et de la réalité. Notre défense est complètement légitime. Demain, chacun, chacune, en France et ailleurs, peut rejoindre une association, et ainsi après tout ce qui aura été fait, espérons ne pas revenir encore entendre des histoires d’horreurs policières. »





Cop watching,
surveillons ceux qui nous répriment

Rédigé à partir d’un article lu sur
http://paris.indymedia.org/article_propose.php3?id_article=80068

Qu’est ce qu’un Cop Watch ?
Nous sommes un groupe d’habitant-es, d’étudiants, de salarié-es qui sont choqué-es par l’escalade du harcèlement et de la brutalité de police ces dernières années.
Nous nous sommes rassemblés pour lutter pour nos droits et les droits des habitant-e-s de nos quartiers, en prenant la décision collective de surveiller directement la conduite et les comportements répressifs de la police.
C’est pour cela que nous marcherons ensemble dans les rues et observerons la police.
> Bien qu’il soit important de résister à la brutalité de la police en déposant des plaintes devant les tribunaux ou en témoignant devant un procureur, car devant l’IGS inspection générale des services peu de plaintes contre ces violences aboutissent,nous pensons qu’il est crucial d’êtres présent-e-s de manière VISIBLE dans les rues pour surveiller d’éventuels comportements violents (ou racistes) de la police.
Il faut que la police sache que LES POPULATIONS DES QUARTIERS les jugeront responsables de leurs comportements.
> En soutien de votre groupe COPWATCH, Il faut savoir que vous aurez toujours besoin d’avocat-e-s, d’artistes, d’intellectuel-le-s, de militant-e-s syndicaux, de politiques, d’associatif-ve-s. Il ne faut jamais créer un Cop Watch de façon isolé-e mais en groupe solidaire et déterminé.

La visibilité de votre groupe un facteur déterminant
> Quand vous patrouillerez dans les rues, ne jamais avoir sur soi d’alcool, de « drogues » ou d’ « armes » (pour la police un simple canif peut devenir une « arme par destination ») pas la peine de donner à une police surprotégée au niveau juridique, des faits et objets qui pourraient se retourner contre vous.
> Si lors de vos patrouilles vous vous faites interpeller par la police, pour « attroupement susceptible de troubler l’ordre public » toujours essayer de garder votre calme, êtres courtois mais fermes.
> Observez directement la police dans la rue, ne jamais relâcher votre attention à son sujet. Marcher toujours en groupe dans les rues (jamais seul) s’arrêter, observer et se documenter sur les incidents commis par la police (les rafles de sans papiers en est un exemple des plus flagrants). Essayer d’identifier le type de police, les policiers (leur nom si possible, leur numéro d’insigne, de département, numéros d’unités - pour les BAC par exemple).

« Nos images nous protègent et nous servent »
(slogan parodiant les inscriptions sur les badges de la police de San Francisco « protect and serve » littéralement « protéger et servir » repris ironiquement par le Cop watch de cette ville.)
> Enregistrer avec des appareils photos numériques ou vidéos toutes les violences policières que vous constaterez dans vos quartiers.
> Utiliser des lecteurs enregistreurs mp3, des dictaphones enregistreurs peuvent aussi être nécessaires pour recueillir à chaud des témoignages contre les rafles ou les violences policières ils sont très utiles si vous voulez témoigner sur le net, ou sur les médias (indépendants si possible).
> Écrire des témoignages détaillés décrivant l’incident lors de violences policières constatées dans votre quartier.
> Soutenir au maximum les victimes d’abus policiers dans vos quartiers en vue de contrer les probables faux témoignages.
> Encourager les personnes à déposer plainte à chaque violence policière constatée dans votre quartier créer des comités de soutiens, et surtout ne jamais hésiter à interpeller (ou à faire pression si ceux ou celles-ci font les sourd-e-s) les élu-e-s politiques locaux.
Le but est d’inciter les gens de votre quartier à rompre avec le fatalisme ambiant véhiculé par les médias dominants, comme quoi on ne peut rien ou presque contre les violences policières. Distribuer et diffuser dans vos quartiers des tracts ou coller des affiches informant les gens sur leurs droits, face aux violences policières.
> Élargir la solidarité dans votre quartier sur les questions liées à la violence de police.
> Encourager les personnes à résoudre leurs problèmes SANS l’intervention de police.
> Encourager les gens de votre quartier à exercer leur droits d’observer les comportements et les abus de pouvoir de la police.

La loi et les groupes Cop Watch
Très important il est utile que les COPWATCHers aient des référents juridiques (les numéros d’avocat-es ou d’une association de défense des droits de l’homme par exemple) car la police trouvera toujours un moyen pour vous dire que ce que vous faites en tant que Cop Watchers est « illégal ».
>que pourrait vous reprocher la police si on vous voit patrouiller dans la rue ?
Ce sont des « délits » mineurs tels que le stationnement prolongé sur la voie publique, d’avoir bu (ou de boire) de l’alcool en public, (par exemple dans certains parcs et jardins après leur fermeture), ou par exemple d’être en possession de bombes de peinture, de marqueurs, d’autocollants, d’afficher des affiches dans la rue, d’être sur la voie publique en créant un « attroupement susceptible de troubler l’ordre public ».
Attention cependant si aucune loi pour l’instant ne vous interdit de vous promener à plusieurs par groupes tous-te-s équipé-e-s d’appareils photos ou vidéos, d’enregistreurs mp3 le seul fait de l’attroupement justifie à leurs yeux, un contrôle d’identité.
Contrairement à ce que disent souvent les policiers, il n’est pas illégal de les filmer lorsqu’ils sont dans des espaces publics. Par contre, la diffusion de ces images peut être interdite. A noter aussi que la loi de prévention de la délinquance interdit de filmer des actes de violence qui constituent des infractions, sauf si c’est pour servir de preuve en justice.
La police menacera souvent les COPWATCHers de ce « délit », mais rappelez vous que vous avez le droit de les observer faire, et de signaler (même si peu de démarches à l’IGS/IGPN aboutissent) leur abus de pouvoir, et les violences que la police peut ou pourrait commettre.
Ces dernières lois sécuritaires ne sont là que pour aider la subjectivité des policiers à vous déclarer ou vous soupçonner d’être « coupable » (de faire la manche, squatter un hall d’immeuble, boire de l’alcool dans la rue, faire obstruction du trottoir...), afin de « justifier » un contrôle d’identité.

Pour résumer :
Donner un maximum de publicité aux incidents, aux abus de pouvoir dus aux harcèlements policiers dans votre quartier. Suivre jusqu’au bout les plaintes contre les violences policières par des comités de soutien. Informer systématiquement dans nos quartiers tout-es ceux et celles qui ne croient pas que le harcèlement de police existe, ou que les policiers « seraient au dessus des lois » et dans l’impunité totale.

A NOUS TOUS ET TOUTES D’AGIR

Pour connaître vos droits : Face à la police, face à la justice, guide pratique, facile à lire, édité par l’Altiplano et disponible sur : http://guidejuridique.net/