« C’est quoi la dignité ? »

bulletin numero 146 - novembre 2015


10 novembre 2015


« C’est quoi la dignité ? »

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 146 /novembre 2015


« C’est quoi la dignité ? »

« Oui, ce sont des comportements de voyous » disait Valls, c’est « indigne » renchérissaient les partis politiques de gôche et droite. Dénuder le corps d’un patron qu’on voit d’habitude derrière les vitres fumées de sa limousine, ça casse l’ambiance. Mais les révoltés d’Air France n’ont pas été violents. Ils ont, tout simplement, osé gratter le vernis qui cache une des violences du régime : la violence sociale, entraîneuse de la misère. Ce que les patrons et leurs hommes politiques veulent ce sont des hommes et des femmes qui soient « dignes », traduisez : qu’ils subissent le chômage, en larbin, courbant l’échine et ne s’en prenant pas à eux. L’État, les patrons et leurs médias voudraient donc qu’on juge l’acte de révolte des salariés d’Air France avec les yeux de la morale – qui plus est la leur, bien rance, celle qui trouve des justifications à la misère ou à la mort des migrants en Méditerranée – pour mieux le vider de son fondement, le terrain de la lutte sociale et politique.
Le 31 octobre des milliers de personnes ont participé à la « Marche de la dignité » à Paris, organisée par le collectif MAFED (Marche des femmes pour la dignité). Dans le cortège, la colère était essentiellement dirigée contre une autre facette de la violence étatique : la violence de la police et de la justice, elle aussi inscrite dans le système et frappant prioritairement ceux et celles que le pouvoir désigne comme Arabes, Noirs, Rroms, Musulmans. Là encore en s’arrêtant sur la question morale de la « dignité », les organisateurs de cette marche ont couru le risque que le sens politique de cette colère soit oublié, empêchant par-là que les vrais responsables de cette violence raciste, État et patrons (les mêmes que ceux qui perpétuent la violence sociale) soient clairement pris pour cible.
Pourtant les marcheurs d’octobre se sont réclamés de ceux de 1983, l’année de la « Marche pour l’égalité et contre le racisme ». Cette année-là, l’objectif était clair (obtenir l’égalité) et les exigences concrètes (droit de vote pour les immigrés, carte de séjour de 10 ans, vérité et justice sur les assassinats policiers). On sait que ni la droite ni la gôche n’ont satisfait ces revendications, au contraire ils n’ont fait qu’empirer le racisme institutionnel, l’oppression des habitants des quartiers populaires, les expulsions des Rroms, des réfugiés et des sans-papiers. Alors pourquoi abandonner les objectifs précis et le mot d’ordre de ceux de 1983 ? Pourquoi se contenter de la coquille vide et facilement manipulable de la « dignité » ?
L’actualité de ce mois d’octobre nous rappelle avec force que les violences sociale et raciale sont comme un dragon à deux têtes, pour en finir il ne suffit pas d’en couper une seule, il faut mettre à bas le système dans sa globalité et à la racine.



« Mort de Rémi Fraisse : les flics nient tout et la répression continue »
Les conclusions de l’instruction ouverte suite à la mort de Rémi le 26/10/14 au Testet touché à mort par une grenade dans le dos, se contentent de confirmer la thèse officielle : l’action de la police aurait été totalement justifiée par la violence supposée des zadistes et le gendarme-tueur aurait agi avec toutes les précautions réglementaires. Selon l’enquête indépendante de la LDH, la mort de Rémi était totalement prévisible vu le degré de violence de la répression policière les jours qui ont précédé le 26/10 (plusieurs manifestants blessés par des lancers de gaz lacrymo, des tirs de flash-balls, de grenades, des tabassages suite à des interpellations). Ce soir-là, les gendarmes ont agi dans l’illégalité la plus complète : l’initiative prise de disperser le rassemblement suite à la grande manif du 25 n’était justifiée par aucune décision judiciaire d’expulsion du site, de plus, les gendarmes ont agi sans projecteur ni mégaphone avant de tirer dans le tas. Il faut dire qu’ils avaient été encouragés en cela par les consignes du préfet du Tarn qui avait demandé à ses troupes armées jusqu’aux dents de « faire preuve d’une extrême fermeté ».
Du côté des militants on n’oublie rien (d’autant que beaucoup d’entre eux sont encore visés par des procédures judiciaires suite aux manifs de protestation qui ont suivi, pendant plusieurs mois). De nombreuses initiatives ont permis de commémorer la mort de Rémi dont, du 23 au 25/10, un week-end d’actions et de débats autour de l’usine Nobel Sport de Pont de Buis (Finistère) où sont fabriquées armes et munitions de la police et la gendarmerie. Celui-ci devait débuter par une conférence de presse devant les grilles de l’usine à l’initiative de « l’assemblée des blessés » rassemblant des personnes mutilées au LBD et au Flash-ball (fabriquées à l’usine Nobel) mais la police en a décidé autrement repoussant par la force les 400 personnes présentes au-delà du pont menant à l’usine. Les débats, riches et combatifs, ont cependant bien eu lieu sur un campement installé aux alentours, lançant notamment l’initiative de « l’ambulance partisane », véhicule où l’on peut venir se faire soigner pendant une mobilisation et où l’on peut apprendre et partager les gestes des premiers secours (contact : medecine@riseup.net).



> [ C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E ]


Calais : l’horreur continue
Mort d’une femme percutée par une voiture, puis d’un homme par un train de marchandise, d’un autre homme électrocuté, alors qu’il sautait sur un wagon de céréales, enlèvements et ratonnades, interpellations et déportations dans des centre de rétention dispersés dans toute la France (notamment le jour de la visite du site par le ministre Cazeneuve)... De l’autre côté on proteste : des ONG dénoncent les conditions de vie déplorables sur la New Jungle, des pétitions sont lancées, le défenseur des droits écrit un rapport, le président de Emmaüs France déclare que son assos rompt tout dialogue avec le gouvernement… Mais rien ne semble prêt de changer, pis, la situation s’aggrave de jour en jour. Jusqu’à quand ?

Rroms urgence à la Courneuve
« Urgence, on nous met encore dehors, appelez maintenant le maire et le préfet ! Vite, les amis, il y a quelques jours une partie des samaritains s’était mise à l’abri dans une maison vide de la Courneuve. Fallait bien faire quelque chose puisque le maire et le préfet sont bien décidés à nous laisser souffrir du froid avec les enfants et tout le monde. Depuis ce matin la police est devant la maison. Ils attendent les ordres du préfet pour savoir s’ils nous laissent ou nous remettent à la rue. Alors s’il vous plaît appelez la préfecture 01 41 60 60 60 et la mairie de la Courneuve 01 49 92 60 00, demandez-leur qu’ils nous laissent vivre ! on est au 47 rue du chevalier de la barre ! On n’en peut plus ! ». Pétition à signer : https://www.change.org/p/annuler-l-expulsion-des-r%C3%A9sidents-du-samaritain-dans-les-rues-de-lacourneuve/u/14013730
L’autre partie des samaritains est toujours sous les tentes devant la mairie « communiste » de la Courneuve, trois Rroms ont déjà été expulsés vers la Roumanie.

Justice et vérité pour Amadou Koume
Le 10 octobre plusieurs centaines de manifestants, de nombreux collectifs contre les violences policières et leur impunité, ont accompagné sa famille jusqu’au commissariat du 10ème, dans lequel 3 h après son interpellation, Amadou Koumé a été déclaré mort le 6 mars dernier.
Ça se répète ! Encore un mort dans un commissariat ! Mort d’asphyxie ! Ça continue ! Une clé d’étranglement mortelle ! Ça dure ! 8 mois après, toujours pas de juge d’instruction nommé ! La police tue un homme, la justice se tait ! Toute ressemblance avec la mort de Lamine Dieng, d’Ali Ziri, d’Abou Bakari Tandia…

32 ans de prison
400 personnes se sont réunies à Lannemezan le 14 octobre pour réclamer la libération de Georges Ibrahim Abdallah, le plus ancien prisonnier politique d’Europe, pourtant libérable depuis 1999. C’est la résistance palestinienne qui est ainsi attaquée, en témoigne la récente décision judiciaire de déclarer l’appel au boycott des produits israéliens illégal (voir l’article « Boycott illégal » dans ce numéro). Solidarité pour Georges et la lutte palestinienne !

« Je ne sais plus quoi faire pour me faire “entendre” »
« Je n’ai pas de parloir parce que toute ma famille est en Guadeloupe. À la base, j’étais condamné à huit ans de prison, et là je me retrouve avec vingt-huit ans de prison à cause des agressions et des prises d’otage, tout ça parce que je veux rentrer chez moi ». Tel est l’acharnement judiciaire que subissent les prisonnier(e)s qui se révoltent contre leurs conditions de détention ou pour obtenir un transfert. Fabrice Boromée a préféré tout risquer plutôt que de rester seul en France, d’où les prises d’otage, dont celle du 9 septembre 2015 : le sous-directeur pris en otage n’a pas voulu se porter partie civile car il n’a reçu aucune violence. Fabrice le paye tout de même avec encore plus de 20 ans de prison, loin des siens.

La « caméra-piéton » bientôt sur 4 500 policiers
L’État espère ainsi voir le nombre de « bavures » baisser et les interventions policières se pacifier. Quel est l’intérêt de la mesure si le flic actionne la caméra après une de ses provocations qui aura mis le feu aux poudres, comme trop souvent ? Mesure aucunement contraignante pour les flics, c’est donc un écran de fumée de plus. Comme pour le matricule devenu obligatoire…

La solidarité avec les migrant-es condamnée !
4 mois de prison avec sursis et 1600 euros à verser aux parties civiles ainsi que 200 euros d’amende pour refus de prélèvement ADN, voilà le verdict pour les trois personnes qui étaient venues soutenir des migrant-es en grève de la faim dans un centre d’hébergement Emmaüs et le traducteur. La justice veut faire des exemples et dissuader la solidarité avec les migrant-es.

Boycott illégal
Le boycott est une expression politique assez commune, souvenons-nous du boycott contre l’Afrique du Sud au moment de l’apartheid. En France pourtant dans un cas précis il prend une tournure particulière. Ainsi la Cour de cassation a confirmé en octobre dernier la condamnation de 12 militants qui avaient participé en 2009 et 2010 à des actions appelant au boycott de produits israéliens. Ils distribuaient dans un supermarché des tracts qui informaient des problèmes éthiques que pose l’achat de produits provenant d’Israël : leur production est indissociable de la situation d’apartheid vécue par le peuple palestinien. Les militants ont d’abord été relaxés, puis condamnés par la cour d’appel à 32 000 euros d’amende, dommages et intérêts et frais de procédure. Aujourd’hui c’est la cour de cassation qui confirme un recul marquant de la liberté d’expression.



> [ S U R L E V I F ]


Il y a 50 ans la France enlevait 1630 enfants réunionnais
pour les déporter dans les départements « dépeuplés » comme la Creuse. « Après 40 ans sans ses nouvelles… je viens de retrouver ma soeur à 66 ans, elle se retrouve SDF,… s’abritant dans une vieille voiture sur le parking de la poste de Vitry sur Seine à côté de la piscine. Son cas semble malheureusement être un parmi tant d’autres. Une question reste posée : comment faire rapatrier ces naufragés de la mobilité ? » écrit Téline depuis la Réunion. Contact, soutien : soutienreunion@yahoo.fr



> [ R I P O S T E dans les quartiers populaires ]


À Chanteloup-les-Vignes, une douzaine de véhicules incendiés, des policiers pris à partie… Quelques jours plus tôt le 16/10 un jeune homme est interpellé cité de la Noé, accusé de trafic de drogue. Dans le PV les schmitts parlent de coup reçus, de foule hostile. Mais sur le net circule une vidéo prise par une voisine (https://www.youtube.com/watch?v=Ol233h6ENAM), on y voit B. prendre des coups par des baqueux survoltés, pour finir traîné au sol, inerte, vers un véhicule de police. Cette vidéo montre comment la police fonctionne, arrangeant les faits pour mieux couvrir sa violence, elle a peut-être aussi nourri la révolte qui a suivi. Elle ne reste qu’un accroc dans un plan qui semble écrit d’avance. Si le jeune homme a porté plainte, il est tout de même poursuivi pour « rébellion, provocation directe à la rébellion et violences volontaires à l’encontre de deux fonctionnaires de police » et attend son procès en « détention provisoire ».



> [ A G I R ]


CAP sur la COP
en convoi depuis Notre Dame des Landes jusqu’à Paris, samedi 21 novembre 2015.
En dépit des promesses de Hollande, Valls annonce le début de travaux. Le 21, « Nous viendrons y dénoncer l’hypocrisie flagrante entre, d’une part, la volonté affichée en décembre, par le gouvernement, de lutter contre le réchauffement climatique, et, d’autre part, la menace de revenir quelques semaines plus tard pour expulser la ZAD, détruire plus de 1600 ha de terres agricoles et de zones humides, des dizaines d’habitats pour y construire… un nouvel aéroport » extrait de l’appel. Contact, inscriptions : mslcnddl@riseup.net

Les chiens de garde de Fleury-Mérogis en remettent une couche
Les membres du réseau RE connaissent bien Christine. D’abord condamnée à deux mois de prison cela fait deux ans et demi qu’elle est incarcérée. La raison ? Elle proteste contre ses conditions de détention et celles de ses codétenues et veut faire valoir ses droits de l’intérieur de la prison. Mardi 17 novembre à 9h, Christine sera jugée par le tribunal d’Évry pour quatre chefs d’inculpation de violences sur cinq matons de la Maison d’Arrêt des Femmes de Fleury Mérogis. Soyons nombreux à soutenir Christine face à la justice et l’isolement carcéral. RDV à 8h30 devant le tribunal d’Évry (rue des Mazières). Infos http://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/

Non à l’expulsion de l’Attiéké !
Manifestation samedi 14 novembre 2015 rendez-vous à 11h sur le parvis de la mairie de St-Denis. Plus d’info sur : http://collectifattieke.wordpress.com/