Quand les chiens deviennent loups

bulletin numero 157 - novembre 2016


11 novembre 2016


Quand les chiens deviennent loups

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 157 / novembre 2016


Quand les chiens deviennent loups

C’est Hollande qui a donné le signal de départ. « La justice est trop lâche » a-t-il déclaré aux journalistes ajoutant ainsi une nouvelle couche à sa politique « ultralibérale » et ultra-répressive (dotation de fusils d’assaut à la police, installation de l’état d’urgence permanent, fichage général de toute la population…) Les policiers ont capté le message, une semaine plus tard ils se sont mis à occuper la rue. En 2012 déjà, les flics avaient aussi bloqué les Champs-Elysées contre la mise en examen de Damien Saboudjan (le policier qui a tué Amine Bentounsi d’une balle dans le dos) mais ce mouvement de protestation « extra-légal » n’avait pas duré. Aujourd’hui les manifs de flics se succèdent partout dans le pays, minoritaires, mais soutenues avec sympathie par des milliers de policiers.Leurs collègues dispersent, souvent violemment, les contre manifestations. La « base » policière met en cause la soi-disant « tolérance » de la justice, veut le doublement des peines pour « outrage et rébellion » et avant tout, exige que le pouvoir aille plus loin en accordant aux policiers la présomption de légitime défense c’est-à-dire le droit de tirer, de blesser voire de tuer librement, sans explications à fournir, ni entraves d’aucune sorte. Il n’y aura même pas de saisons comme pour la chasse. Le pied, pour des fans de la gâchette.
A part quelques gesticulations de forme, (genre pas pendant les heures de service, avec des gyrophares…) toute la classe dirigeante comprend et se solidarise des pauvres policiers esseulés dans la tempête des « violences des quartiers » et des « violences sociales ».
Alors qu’est-ce qui se passe avec ces défenseurs de l’ordre qui défient l’ordre ? Il s’agit d’ un mouvement spontané, de ras le bol des flics de « base », de « terrain », qui se réjouissent de toutes les lois répressives instituées par le pouvoir actuel, mais craignent que cela ne suffise pas à contenir les réactions que cette politique violemment inégalitaire déclenchera dans les quartiers populaires, dans les manifs, dans la rue… Ces flics constatent qu’il n’est plus possible de mater « tout ça » sans l’évolution de la république actuelle en une nouvelle chose où on leur donne carte blanche.
Le message que les flics dans la rue délivrent aux possédants est là : « on veut bien défendre votre droit à exploiter les pauvres, mais le temps de jouer aux démocrates est révolu. Laissez nous faire ! ».
Pendant combien de temps encore le manteau de la Ve République pourra-t-il contenir le corps de la démocratie bourgeoise gonflé par des gaz de décompositions ? L’avenir nous le dira.
La différence entre une meute de chiens de chasse et une meute de loups ce n’est pas au début, ni pendant l’attaque, c’est dans sa fin. Les chiens obéissent à leur maître, alors que les loups prennent leur indépendance et dévorent leur proie. Hollande a lancé la meute et elle est bien partie. Seul un mouvement populaire de masse pourra siffler la fin de la chasse sauvage qui s’annonce.




« Déportation » des migrants calaisiens et parisiens

C’est en ces termes que des témoins ont parlé de l’évacuation des migrants à Calais qui a débuté le 25 octobre au petit matin. 70 cars de police. Pour s’assurer que les migrants ne bénéficieraient d’aucun soutien militant, et sous couvert de la loi sur l’état d’urgence, la préfecture a adopté un arrêté de « zone de protection ». À 14h, 1051 personnes étaient déjà parties en bus rejoindre des CAO (centres d’accueil et d’orientation) disséminés dans toute la France où rien n’a été anticipé pour les accueillir dignement (ni prise en charge médicale des malades, ni scolarisation des enfants…). Pour ajouter à l’indignité, leurs sièges de bus avaient été recouverts de plastique. Restaient encore 2500 personnes, dont 1800 mineurs isolés, triés au faciès, entassés dans le « camps des containers » au mépris de toute légalité (en l’absence des parents, les mineurs ne peuvent être placés dans des centres ou même simplement déplacés qu’avec l’accord d’un administrateur nommé comme tuteur légal). Le 26 à 16h a commencé la destruction totale du bidonville. Les centaines de migrants ayant refusé de quitter les lieux ou ayant été dans l’incapacité de monter dans un bus, ont été expulsés à coups de gaz lacrymos et contraints à l’errance dans les villes voisines. Durant les 3 jours qu’a duré la terrible opération, des rafles dans Calais et des contrôles au faciès dans ses gares ont causé des dizaines d’arrestations et placements en rétention.
À Paris Hidalgo hausse le ton et met comme condition à l’ouverture de son centre de transit et de tri de La Chapelle, l’évacuation des campements de Jaurès et Stalingrad. Survivent là près de 3000 personnes qui s’auto-définissent dans un tract comme « fuyant les guerres et la misère » et « réfugiés sur les terres françaises à Paris ». Le 31 octobre une première expulsion va échouer face à une certaine résistance des migrants. Le 2 novembre des centaines de personnes solidaires se rassemblent aux cris de « no police, no border, no nation, stop déportation » mais cela n’empêchera pas l’évacuation et la destruction des campements le 4 novembre. Dès 5h du matin, 600 flics, souvent équipés des masques blancs comme s’ils avaient à faire à une zone contaminée, embarquent tous les migrants, le tri se fera loin des regards. Parmi les militants présents le sentiment d’impuissance est grand mais les liens tissés avec les migrants donnent la force de ne rien lâcher.




« On n’est pas (des) sous-lycée(s) »

A-t-on pu lire sur une banderole de lycéens de Saint Denis. Depuis la rentrée, de nombreuses agressions ont eu lieu à l’encontre de personnels travaillant dans des lycées de quartiers populaires, notamment dans le 93 : agression d’un surveillant à Saint Denis, cocktails Molotov jetés et proviseure frappée à Tremblay en France, agression de profs au Blanc Mesnil mais aussi à Calais et près de Toulouse Du côté des politiques la réaction est toujours la même, Valls par exemple : « l’Etat poursuivra sans relâche ceux qui s’en prennent à nos professeurs, nos écoles, nos forces de l’ordre ». Du côté du rectorat de Créteil, aux profs qui ont eu « a chance d’être reçus » (ceux du lycée Suger à saint Denis ont pour cela dû cesser le travail pendant 6 jours !), on n’a rien de plus à offrir qu’un nouveau type de personnel, des « volontaires au service civique » qui auraient entre 16 et 25 ans et seraient payés 500 euros. Comme le déclare une prof de Tremblay : « s’attaquer à un lycée c’est s’attaquer à l’Etat, Etat qui laisse à l’abandon toute une frange de la jeunesse ». En effet que penser d’un Etat qui entend résorber la hausse démographique due au baby boom des années 2000 en casant des classes dans des préfabriqués, sans moyens supplémentaires alloués ? Que penser d’un Etat qui retire tout classement en zone d’éducation prioritaire (ZEP) aux lycées, mêmes professionnels, faisant disparaître tous les dispositifs visant à encore tenter de lutter contre l’inégalité scolaire ? Un tel Etat court à sa perte. C’est ce constat qui est à l’origine des attaques qui prennent pour cible les lycées par des jeunes gens qui n’y trouvent plus ou pas leur place mais aussi de la naissance d’un collectif de professeurs issus de plus de 60 lycées luttant pour le reclassement en ZEP et plus largement pour enrayer la violence de la politique inégalitaire de l’Etat. Ils manifesteront pour la 3ème fois le 17 novembre.




> [ C h r o n i q u e d e l ’ a r b i t r a i r e ]

Face au armes de la police, pas de paix
Le 8 juillet 2009, à Montreuil, la police tirait au flashball sur la foule venue manifester contre l’expulsion de « La Clinique », un lieu d’organisation ouvert sur la ville. Six personnes ont été blessées, l’une d’elle a perdu un œil. Pour le collectif du 8 juillet constitué depuis, le procès, qui aura lieu du 21 au 25 novembre prochain à Bobigny, sera l’occasion de dénoncer les violences policières dans les quartiers populaires et dans les manifestations, l’usage du flashball et de toutes les nouvelles armes et le déni de justice qui les entourent. Soyons nombreux ! Infos : https://collectif8juillet.wordpress.com/2016/10/10/pas-de-paix/
En novembre 2007, lors du mouvement contre la loi LRU, Pierre Douillard, à l’époque lycéen avait lui aussi perdu un œil, touché par un tir policier au flashball (LBD 40). Depuis le policier a été relaxé mais Pierre a aussi déposé un recours au tribunal administratif, examiné par le tribunal de Nantes le 21 octobre. Cette démarche, contournant la responsabilité individuelle des policiers, interroge directement la responsabilité de l’État dans les blessures provoquées par les armes dites à « létalité réduite ». Le délibéré sera rendu le 25 novembre.
Toujours dans cet objectif de dénoncer les crimes policiers, les guerres coloniales, la répression policière et les armes mutilatrices fabriquées entre autre par l’armurier Verney Caron à St Etienne, un « Forum pour le désarmement de la police et la démilitarisation des conflits » a eu lieu dans cette ville les 22 et 23 octobre. Sont intervenus entre autre des victimes de mutilations (collectif du 8 juillet) et des proches de victimes de crimes policiers (Hawa Traoré, Farid El Yamni). La « manif carnaval », interdite sous prétexte d’état d’urgence, a quand même eu lieu et entre 300 et 500 personnes ont défilé dans les rues. La police étant trop occupée à protéger Verney Carron, certains manifestants se sont vengés sur du mobilier urbain ciblé et sur le siège du parti socialiste, c’est ce que retiendront de l’évènement les médias trouvant cela beaucoup plus insoutenable que la violence de la police et de l’ordre injuste qu’elle protège...

La BAC tue au fusil d’assaut
Le 28 octobre au soir, 5 agents de la BAC interviennent à Echirolles à côté de Grenoble, pour un différent de voisinage. Selon les flics : ils auraient trouvé un homme « visiblement éméché et très excité », qui aurait « sorti une arme de derrière son dos. [un pistolet d’alarme] C’est alors que les policiers ont tiré au fusil d’assaut HK G36 et au pistolet automatique ». L’homme de 51 ans est mort sur le coup. Depuis sa famille émet de sérieux doutes sur cette version policière et décide de porter plainte.
C’est la première fois que les forces de l’ordre tuent au fusil d’assaut, arme dont la BAC est dotée depuis les attentats de novembre 2015. Les médecins expliquaient à l’époque la difficulté de soigner les blessures causées par de telles armes de guerre, les projectiles quand ils pénètrent le corps à haute vitesse entraînent de graves lésions intérieures : aucune chance de s’en sortir.

« Soit on nous donne un coup de main,
soit nous allons tous en prison. »

C’est l’appel des habitants de la vallée de la Roya située entre l’Italie est la France est un nouveau lieu de passage pour les migrants depuis la fermeture de la frontière à Vintimille, poussés vers des moyens de passer toujours plus dangereux. Le 9 octobre, une adolescente érythréenne est décédée, fauchée par un camion à quelques mètres de la frontière française. Une centaine d’habitants de la vallée, révoltés par la situation, se sont organisés en association pour leur venir en aide .Mais, à la situation critique s’ajoute la pression des autorités : interdictions de distribuer de la nourriture aux réfugiés, fermeture des squats les hébergeant, poursuites judiciaires. Le 23 novembre deux habitants de la vallée comparaîtront au tribunal de Nice pour aide à l’entrée, à la circulation et au séjour de clandestins. Ils risquent jusqu’à cinq ans de prison et 30 000 euros d’amende.

« La Grande Marche pour Adama »
1500 à 2000 personnes ont marché le samedi 5 novembre à Paris autour de la famille d’Adama. Moment d’émotion : les trois sœurs dont les frères ont été tués par les « forces de l’ordre », Ramata Dieng, Amal Bentounsi et Assa Traoré ont égréné la longue liste des victimes du 17 octobre 1961 jusqu’à aujourd’hui. Assa tirait la conclusion : « Aujourd’hui on marche pour Adama, pour la justice, pour la vérité… Demain il faut marcher pour la révolution » … Le « combat est face aux gendarmes », mais aussi « face à l’État qui n’a pas réagi » dans cette affaire.

Coup de flashball à Argenteuil
À l’occasion du tournage d’un clip, une quarantaine de motos venues du 92, traversent Argenteuil et arrivent à la Cité Champagne. Les habitants de la Cité sont nombreux au bas des barres, femmes et enfants compris. La police voulant « mettre fin aux nuisances sonores », tente d’interpeller un jeune du quartier :2 blessés par flashball, dont un grave (fracture ouverte de la mâchoire) hospitalisé. Les habitants étaient choqués par les violences policières « on aurait cru que c’était la guerre ! »

Solidarité en actes
Comme souvent, Air France a collaboré avec la police des frontières pour expulser un homme d’origine guinéenne. Quatre passagers de l’avion se sont levés pour protester contre cette déportation et sont parvenus à l’empêcher. L’avion a décollé sans le Guinéen et sans les quatre personnes solidaires. Pour des faits similaires en octobre, deux femmes ont été condamnées, dont une à deux mois avec sursis.




> [ A g i r ]

Babacar Gueye abattu par la police
(voir RE, n° 148, janvier 2016) Rennes, marche commémorative 1 an déjà, le samedi 3 décembre départ à 14h30 de la place du Gast à Maurepas. Venez en nombre pour dénoncer et rendre visible ce drame passé sous silence et pour exiger vérité et justice pour Babacar Gueye. Contact : justicepourbabacar@gmail.com, facebook : Collectif Justice pour Babacar.

Contre l’expulsion de l’Attiéké !
Tous.tes à saint-denis… Le samedi 26 novembre, de 15h à minuit, grande fête d’anniversaire de l’Attiéké (3 ans ça se fête) ateliers, goûter, repas, concert ! Le lundi 28 novembre, procès, en plein cœur de la trêve hivernale, 9h au tribunal d’instance de St-Denis, place du Caquet (métro Basilique, l. 13). Contacts : 31marcelsembat@riseup.net / collectifattieke.wordpress.com