L’émeute contre sa meute

bulletin numéro 210 – du 4 avril 2023


5 avril 2023


L’émeute contre sa meute

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 210 – du 4 avril 2023


L’émeute contre sa meute

Vous connaissez la chasse à courre. C’est lâche et cruel. Vous avez la proie, un cerf majestueux, et une cinquantaine de chiens qui le pourchassent jusqu’à l’épuisement. Alors c’est l’heure des lâches qui l’achèvent ,morfales, la bouche dégoulinant de sang. Vous y êtes ? Bravo ! Vous avez reconnu le président, l’ex-banquier et son équipage de chasse composé des millionnaires et renégats.
Vous avez reconnu sa meute, ses flics, ses gendarmes, avec leurs crocs en LBD, leurs grenades…
Vous avez entendu les cris de jouissance des membres de la BravM qui se vantent d être des briseurs d’os à Paris, vous êtes sous le choc de l’œil crevé de Sébastien, vous n’arrivez pas à croire qu’on refuse l’arrivée du SAMU pour sauver le manifestant dans le coma à Sainte-Soline, vous ne voulez pas imaginer le visage brisé d’une jeune fille par une des 5000 grenades lancées sur les manifestants autour de la mega-bassine. Pourtant c’est la réalité, même les organisations internationales s’en émeuvent.
Le chancelier allemand Bismarck au XIX siècle avait fait remarquer qu’on pouvait tout faire avec les baïonnettes, sauf s’asseoir dessus. Il avait raison.
En dépit de l’utilisation des armes de guerre, Macron n’arrive pas à stabiliser son règne.
Et aujourd’hui le micro seigneur du palais de l’Élisée boude, isolé, et tape de ses petits pieds impuissants sur le parquet ciré du château.
La formidable conquête de l’espace politique par les GJ n’a pas pu être annihilée par la répression sanglante qu’ils ont subi. Leur héritage reprend forme dans les milliers de blocages, occupations, grèves et manifestations déclarées ou sauvages d’aujourd’hui. Il est heureux de constater que la répression organisée sous l’égide de la lutte contre la Covid n’a pas réussi non plus à congeler la population laborieuse dans l’individualisme. Et, divine surprise, la jeunesse rejoint massivement la lutte pour un avenir digne et contre l’autoritarisme. L’image calomniant l’écologisme radical comme si c’était un mouvement genre hippie-cool a été définitivement balayée par les 30 000 manifestants à Sainte-Soline contre l’agro-capitalisme.
On ne sait pas comment la situation évoluera face à la répression, d’autant moins que le mouvement doit affronter des manœuvres bureaucratiques en son sein.
A son tour, la classe ouvrière (éboueurs, électriciens, dockers, cheminots…) tant de fois enterrée, surgit comme une force de cohésion, permettant à tous les exploités, opprimés, français et immigrés, vieux et jeunes de s’unir.
Les mots du vieux Marx, la police, la gendarmerie sont les « bandes armées du grand Capital », sont définitivement entrés dans la tête de la majorité des travailleurs de ce pays. C’est déjà un énorme acquis de notre lutte.
Un espoir est né : il est possible de renverser la table. Notre émeute pourra chasser la meute de Macron et Co.
La légitimité c’est nous.



Répression en crescendo

Les violences ont commencé dès le début du mouvement contre la réforme des retraites avec la mutilation d’un manifestant de 26 ans (voir RE 209). Durant les 8 premières manifestations appelées par l’intersyndicale, le dispositif policier était certes moins visible, mais, en tête de cortège, les charges sont régulières et brutales. Les interpellations avec placement en GAV 24 ou 48 heures ont été très nombreuses, parfois suivies d’un procès en comparution immédiate, par exemple à Lyon où la mobilisation est très intense (voir les comptes rendus de justice sur Rebellyon.info).
Depuis janvier, les procureurs utilisent sans modération une nouvelle arme judiciaire : les « avertissements pénaux probatoires » (APP), remplaçant les « rappels à la loi » depuis 2021 et la « loi sur la confiance dans l’institution judiciaire ». Une « alternative » au procès présentée à l’interpellé après 24 ou 48 h en GAV par les délégués du procureur (DPR). Au menu : interdiction de « paraître » (et donc de manifester), amende impossible à contester, saisi du téléphone si parmi les infractions il y a le refus de donner son code PIN et stage de citoyenneté (parfois dans un comico) à ses frais. Pour ça, il faut reconnaître les faits et donc renoncer à une vraie défense et à la possibilité de faire appel.
A partir du jeudi 16 mars et le 49-3, la colère monte. Le maintien de l’ordre se durcit nettement face aux rassemblements spontanés. Des policiers témoignent dans Mediapart « On a été entraînés pour la “percussion”, une technique plus offensive […] si les manifestants restent sur notre passage, il n’y a plus de distinction. Il peut y avoir des dommages collatéraux […] le président s’amuse à un jeu très dangereux qui peut se terminer par un drame, que je redoute : le décès d’un manifestant. »
La pratique des nasses revient et le nombre d’interpellations explose. À Paris le soir du 16 mars 292 personnes ont été arrêtées avec un résultat judiciaire ridicule : 9 APP. Même constat à Lyon : des dizaines d’arrestations place Bellecour et seules 4 personnes déférées.
Ceux qui passent en GAV ou des contrôles subissent violences et humiliations à connotation souvent sexuelle ou raciste (comme cette étudiante de Montreuil a subi une palpation insistante de la poitrine alors qu’elle n’a que sa culotte sur elle, ces jeunes femmes qui a Nantes sont palpées au niveau des parties intimes sur un barrage policier ou encore ce jeune homme, noir, copieusement insulté et menacé par les BRAVM) avant d’être, le plus souvent, relâchés sans poursuite. Les blocus lycéens sont systématiquement pris pour cible par les flics à l’appel des chefs d’établissement : gazage voire matraquages, interpellations et GAV.
C’est aussi le retour des interdictions de manifester, d’abord à la Concorde puis sur de très larges périmètres du territoire de Paris par des arrêtés préfectoraux, publiés à la dernière minute et sans publicité afin de pouvoir verbaliser en empêchant les recours. Les blessés suite à des charges violentes et à l’utilisation des armes policières se comptent par milliers dans toutes les grandes villes et le 23 mars à Paris,on déplore un nouvel œil perdu par Sébastien, cheminot de SUD-Rail, très actif dans la lutte et père de trois enfants suite à l’explosion d’une grenade à désencerclement. De même, ce même jour, à Rouen, une manifestante, AESH mère de deux enfants, a son pouce arraché.
Les dénonciations de la violence de la répression fusent de toutes part. Une pétition réclamant l’interdiction de la BRAV-M a été mise en ligne sur le site de l’Assemblée Nationale et le jeudi 30 mars des rassemblements contre les violences policières ont eu lieu dans au moins 122 villes. Alors plus que jamais sortons nombreux et déterminés mais en retenant les conseils de la coordination anti répression à lire sur https://paris-luttes.info/conseils-d-avant-manif-en-cas-d-13006 et le numéro0752957111 de la Legal Team dont on peut également abonder la cagnotte : https://www.helloasso.com/associations/collectives-solidarites



La violence de l’Etat au secours d’un modèle agro-industriel écocide

Les megabassines, posent la question de l’appropriation d’un bien commun dans un but marchand et avec un mépris total pour les enjeux climatiques : le capitalisme dans toute son arrogance mortifère. Le 25 mars une manifestation réunissait 30 000 personnes lors d’un week-end d’action à Sainte-Soline. L’Etat déploie des moyens de répression encore jamais atteints. Damanin avait prédit « une manifestation très violente ». Comment pouvait-il en être autrement ? Selon les autorités, 5015 grenades lacrymogènes tirées, dont 260 assourdissantes de type GM2L (contenant 43 g d’explosif RDX, potentiellement deux fois plus dangereuses que les GLI F4), 89 grenades de désencerclement GENL, 40 dispositifs déflagrants ASSR et 81 tirs de LBD (https://desarmons.net/2023/03/30/apres-sainte-soline-il-ny-a-pas-darmes-de-paix/).
2,5 grenades explosives chaque minute, une grenade lacrymogène toutes les 1,5 seconde. En comparaison : à Sivens lorsque Rémi Fraisse avait perdu la vie, 107 grenades assourdissantes et 237 lacrymos avaient été tirées. Sans attendre, la com-propagande du gouvernement s’enclenche, tord le cou à la réalité, n’hésite pas à mentir, salir, pour décrédibiliser (https://www.flagrant-deni.fr/disproportion-des-blessures-a-sainte-soline-la-fabrique-indecente-des-chiffres-officiels/).
Dans la réalité, les détonations se font entendre dès l’arrivée des manifestants à proximité de la bassine. Une manifestante, médecin urgentiste qui a tenté de secourir les blessés témoigne (https://reporterre.net/Medecin-a-Sainte-Soline-je-temoigne-de-la-repression). « Le niveau d’intensité a été maximal d’emblée […] [Un infirmier] nous emmène à proximité d’un homme allongé à côté d’un fossé. « Fracture ouverte de fémur », me dit-il. […] La plaie est profonde. Il y a quelque chose de dur et de blanc qui ressort en son sein. Ce n’est pas de l’os. C’est un corps étranger en plastique blanc, une part cylindrique, une part plate. […] Un homme est installé par des manifestants juste à ma gauche. Il a le visage déformé. Il s’est pris une grenade dans le visage. »
Plus de 200 blessés côté manifestants un jeune homme dans le coma, une jeune fille de 19 ans a eu le visage en partie arraché, un jeune homme, Serge, est toujours entre la vie et la mort touché à l’arrière de la tête par une grenade GM2L. Alors que les médics sont submergés par l’intensité de la répression, les secours restent immobiles. De nombreux témoignages, un enregistrement téléphonique, contredisent les affirmations du ministre de l’intérieur. « On n’enverra pas d’hélicoptère ou de moyen Smur sur place parce qu’on a ordre de ne pas en envoyer par les forces de l’ordre » explique le Samu à un médecin qui les alerte sur l’état de Serge. Plus de trois heures pour une évacuation en hélicoptère…
Ses parents ont porté plainte pour tentative de meurtre, entrave volontaire à l’arrivée des secours, violation du secret professionnel dans le cadre d’une enquête de police, et détournement de leur finalité d’informations contenues dans un fichier.



> [ C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E ]

Le travail tue
N’en déplaise à Macron qui pour promouvoir sa réforme des retraites se refuse à employer le mot « pénibilité » parce que ça « donnerait le sentiment que le travail c’est pénible », le travail fait souffrir et tue. Voilà le propos porté par la manifestation organisée le 4 mars devant les Invalides par le Collectif « Stop à la mort au travail » (https://www.facebook.com/people/Collectif-familles-Stop-à-la-mort-au-travail/), rassemblant des proches de personnes mortes au travail. En France, la mortalité au travail est deux fois supérieure à la moyenne européenne, statistiquement deux accidents mortels y ont lieu chaque jour, touchant plus particulièrement les ouvriers. Les différentes lois et dispositions adoptées depuis la présidence de Sarkozy ont affaibli les moyens de défense et de prévention : sous représentation syndicale, inspecteurs et médecins du travail en sous-effectif chronique, généralisation du management pour individualiser et dépolitiser la souffrance au travail… Et Macron voudrait nous faire travailler plus longtemps ? C’est non.

Non à la répression dans l’éducation nationale
Les « équipes mobiles de sécurité » (EMS, voir RE 84) ont bousculé et injurié des profs du lycée Nobel de Clichy rassemblés devant leur établissement le 13 février pour réclamer plus de moyens. Au lycée Victor Hugo de Marseille,en 6 mois, trois AED ont été écartés puis un AED suspend, le 13 mars, une enseignante documentaliste a été suspendue à titre conservatoire pour avoir tenu une banderole jugée diffamatoire à l’encontre de sa hiérarchie.

Encore un non-lieu
Le parquet de Basse-Terre en Guadeloupe a requis le 5 février un non-lieu après la mort de Claude Jean-Pierre, ce retraité décédé des suites de son interpellation par la gendarmerie le 21 novembre 2020 (voir RE 195). Depuis plusieurs manifestations continuent de réclamer « justice et vérité pour Claude Jean-Pierre ».

Marche contre les violences d’état et le racisme systémique
Le samedi 18 mars, à Paris les familles qui ont perdu un proche après une intervention de police, de gendarmerie ou en milieu carcéral, ainsi que les personnes mutilées après une violence policière, se sont rassemblées place de la République. Idem à Toulouse (31), Lyon (69), Genève (Suisse) et Bordeaux (33) faisant écho à l’appel du Collectif Opposé à la Brutalité Policière de Montréal pour faire du 15 mars la 27ème Journée Internationale contre les violences policières. Infos : https://cobp.resist.ca/fr/node/24225

LBD, l’Etat condamné au tribunal administratif
Si en matière de poursuite judiciaire l’impunité est de mise, deux affaires portées au tribunal administratif ont permis de faire condamner l’Etat pour des mutilations causées par sa police : dans un jugement datant du 27 janvier pour un jeune mineur a l’époque des faits, éborgné en marge du Mondial de football en 2018, et le 17 février pour Joachim qui a également perdu un œil suite a un tir de police le 8 juillet 2009. Mais comble du cynisme les tribunaux administratifs ont pris l’habitude d’attribuer aux victimes de la police un certain pourcentage de responsabilité, diminuant d’autant le montant de l’indemnisation accordée… Infos https://collectif8juillet.wordpress.com/

Vincenzo Vecchi ne sera pas extradé
Il a été condamné en Italie à 12 année de prison pour avoir manifesté à Gênes en 2001 en vertu d’une loi votée en 1930 sous Mussolini permettant de sanctionner la simple présence à des manifestations considérées comme insurrectionnelles (voir RE 184). La cour d’appel de Lyon, comme celle de Rennes et d’Angers avant elle a refusé d’appliquer le mandat d’arrêt européen émis par l’Italie. Infos : comite-soutien-vincenzo.org

L’Envolée N°56 censuré (encore) en prison
« Pour la troisième fois en deux ans, le dernier numéro de notre journal a été officiellement interdit en prison par l’administration pénitentiaire et son ministère (…) Ce qui gêne l’administration, c’est qu’ils et elles racontent leurs bagarres et solidarités »… À lire sur https://lenvolee.net/