JO : le nouveau Village Potemkine

bulletin numéro 216 – du 6 avril 2024


6 avril 2024


JO : le nouveau Village Potemkine

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 216 – du 6 avril 2024


JO : le nouveau Village Potemkine

Tout était beau dans cette Russie de la fin de XVIIIe siècle. Les gens étaient heureux, bien nourris, vivaient dans la paix et la fraternité… Mais ce n’était qu’un bonheur en carton-pâte, ce n’étaient que des figurants dans un village en trompe-l’œil, fabriqué par le ministre Potemkine à l’occasion de la visite de l’impératrice Catherine II. Eh bien, à peine trois siècles plus tard, nous avons notre village Potemkine à nous : c’est le village olympique. Ses murs en béton tiennent grâce à la sueur des milliers d’ouvriers sans-papiers pourtant expulsables après la fin des travaux.
Pour les bisounours de la démagogie sportive, tout le monde, il est beau, il saute plus haut, court plus vite... Pour cacher le monde tel qu’il est, Paris est nettoyé : expulsion massive de sans-papiers, de sdf, de jeunes mineurs isolés, caméras et drones intelligents, contrôles au QR codes, tribunaux ouverts jour et nuit, armées de flics, de militaires, milliers d’agents de sécurité composés en partie de chômeurs et RMIstes contraints de suivre une formation, même des retraités paisibles sont embrigadés… et pour fournir un cadre « républicain », les lois anti terroristes, racistes, anti immigrés sont déjà là.
Pas de quoi s’étonner : le nationalisme, le chauvinisme, la répression anti pauvres, les enjeux géopolitiques forment le squelette même des JO. Un exemple ? Aux JO de Rio en 2016, le pouvoir a aussi fait place nette en expulsant, manu militari, des milliers des pauvres hors des favelas.
Aujourd’hui, sur ces terreaux pourris, fleurissent les pires manipulations géopolitiques des puissances.
En 2024, au nom de la « neutralité » des JO, les délégations d’athlètes envoyées par l’agresseur Poutine et ses alliés biélorusses sont privées de défilé et de drapeaux.
Pourtant ce soi-disant apolitisme ne s’applique pas à l’Etat génocidaire israélien. Sa délégation pourra brandir librement le drapeau israélien taché du sang des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza. Face à ce « deux poids deux mesures », le COI déclare que Gaza et l’Ukraine « ce n’est pas la même chose » : circulez, rien à voir !
Le pouvoir macronien s’engouffrera dans cette brèche pour réprimer l’antisionisme au nom de la lutte contre l’antisémitisme et le terrorisme.
Mais le propre d’un village Potemkine est sa fragilité. Un coup de vent libérateur peut ébranler ses fondements fissurés, les pluies et les orages peuvent délaver ses murs bariolés de mensonges. Ainsi l’échec de l’opération Potemkine de Paris pourrait dessiner un espoir de renaissance de l’unité des pauvres et des opprimés à l’agonie des quatre coins de ce monde.




> [ C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E ]

Répression extraordinaire spéciale JO (voire plus si affinités ?)
30 000 policiers par jour, renforcées par 7000 élèves policiers et 8500 réservistes auxquels s’ajoute le recours à des sociétés de sécurité privée. L’Etat a prévu le recours à l’IA pour analyser les images des caméras surveillance, les entreprises en charge pourront intervenir jusqu’en mars 2025. Il y a aussi le projet d’équiper des drones d’algorithmes de surveillance et d’utiliser des scanners corporels. Du côté des la justice, en idf le personnel a été renforcé par l’affectation de 122 magistrats, 185 greffiers et 140 contractuels. L’intention est de prioriser la justice d’urgence notamment avec l’ouverture d’une 3ème chambre de comparution immédiate à Bobigny. Et tout ce monde là est déjà à l’œuvre depuis plusieurs mois : les évacuations de foyers de travailleurs et d’étudiants et les démantèlements de campements informels vont bon train, les populations précaires sont acheminées en bus vers des sas d’hébergements en régions (10 pour le moment) où ils peuvent rester 3 semaines avant d’être jetés dehors. La police harcèle les personnes à la rue mais aussi les travailleuses du sexe qui repartent avec des amendes voire des OQTF après avoir été contrôlées.Le collectif « le revers de la médaille » (https://lereversdelamedaille.fr/) multiplie les actions pour alerter sur l’impact social des JO.

Mineurs isolés (en recours de minorité) : des mois de lutte
Près de la gare de Lyon les flics ont démantelé les tentes et fait fuir violemment les jeunes qui n’avaient d’autre abri que ce tunnel. Ceux du XXème 160 mineurs isolés ont investi le 104 le 16 mars, bien décidés à résister. Ils ont tenu, parlementé longuement, dormi sur le sol deux nuits durant. Devant leur détermination la mairie a affrété 4 cars pour les emmener vers des gymnases, écoles pour quelques semaines, mais la Préfecture refuse toujours de respecter leurs droits. Depuis ils tiennent des meetings, élisent des délégués, créent des liens avec des associations et des syndicats et sont de toutes les manifestations notamment le 16 mars pour la marche annuelle internationale contre les violences d’État et le racisme systémique qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes.

Répression dans l’éducation nationale
Cela fait près de 2 mois que parents et professeurs notamment dans le 93 se mobilisent contre les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement ( groupes de niveaux au collège, barrage au lycée pour les élèves n’ayant pas obtenu leur brevet, SNU en cours de généralisation, nouveau stage de 15 jours pour les élèves de seconde) et la dégradation continue des conditions de travail et d’études. Réponse du gouvernement ? Des dizaines de lycéens interpellés pour avoir bloqué leur lycée et 4 professeurs du lycée Cendras à Sevran sanctionnés par le Rectorat pour avoir failli à leur soi-disant « devoir de réserve » en apparaissant dans une vidéo filmée par leurs élèves dans le but de dénoncer l’état scandaleusement vétuste de leur établissement.
Dans le même temps les chefs d’établissements parisiens ont reçu une première « lettre d’information à la défense » qui actant que « la guerre de haute intensité est de retour en Europe » les incite à mettre en place des actions afin de sensibiliser la jeunesse et susciter son « engagement ». Flippant.

Racisme partout
Un an après l’attaque traumatisante et violente d’un campement de Rroms par des habitants de le ville de Villeron dans le Val d’Oise suivie de sa destruction par une pelleteuse de la mairie, les 7 plaintes déposées avec le soutien d’associations dont « La Voix dse Rroms » ne sont toujours pas traitées. Cet immobilisme de la justice est d’autant plus criminel qu’en octobre 2023 des personnes Rroms qui campaient sur le commune limitrophe de Vemars ont subi menaces, insultes et intimidations.
Fin novembre 2023 , deux agents dela Ville de Paris, Bruno et Ibrahima, sont insultés par leur encadrant : « vous les noirs vous ne voulez jamais travailler ». Ils portent plainte à la police et font un signalement en interne mais ce sont eux que la direction décide de suspendre pour « comportement agressif ». Soutenus par la CGT et leurs collègues ils protestent depuis des mois. A ce jour ils sont toujours suspendus et la mairie de Paris ne bouge pas.
L’Etat se dote quant à lui de nouveaux moyens pour pratiquer la stigmatisation de masse : en décembre dernier, un arrêté ministériel a autorisé la création d’un fichier de recensement des changements d’état civil, outil de surveillance qui sera accessible à la police : les personnes visées par ce fichier sont principalement les personnes trans et aussi les immigrés qui auraient pris la décision de « franciser » leur nom ou prénom pour espérer obtenir la nationalité française.

Poursuites pour « apologie du terrorisme »
Depuis les attaques du 7 octobre en Israël et à la date du 30 janvier 24, 626 procédures ont été lancées et des poursuites ont été engagées contre 80 personnes. Pour les autres, c’est une convocation au commissariat pour subir un interrogatoire agressif qui semble prérédigé et porte en partie sur la pratique religieuse. Puis, plus rien, une épée de Damoclès planant au-dessus de leur tête. Selon l’avocate Elsa Marcel (membre de Révolution permanente) qui suit 4 dossiers, deux profils se dessinent : les militants politiques et syndicaux et des anonymes parfois mineurs dont 90% sont d’origine maghrébine et musulmans.
Un cas emblématique : Mohamed Makni élu municipal à Echirolles proche de Grenoble et retraité. Il relayé sur les réseaux sociaux la position d’un ministre tunisien estimant que les attaques du 7 octobre sont un « acte de résistance » dans l’objectif de faire apparaître la différence d’appréciation de l’événement par l’Etat français et musulman. Après un signalement anonyme il est convoqué au commissariat, reçoit des menaces sur les réseaux, le parti socialiste l’exclut et il perd sa délégation d’adjoint au maire. Mohamed, qui considère que s’il ne s’appelait ainsi n’aurait pas fini au tribunal, a été condamné le 26 mars à 4 mois de prison avec sursis et des amendes. Il a fait appel.

Olivio Gomes, le policier auteur des tirs mortels renvoyé aux assises
Dans la nuit du 16 au 17 octobre 2020 Olivio Gomes trouvait la mort à Poissy abattu de trois balles par un policier de la BAC (voir RE194). Chose rare, l’enquête de L’IGPN se solde par une mise en accusation pour meurtre qui envoit le policier devant une cour d’assises.
Contrairement aux affirmations des agents de la BAC les vidéos et la reconstitution ont montré qu’il n’y avait aucune infraction à l’origine de l’intervention et que le comportement sur la route d’Olivio ne constituait une menace ni pour les autres usagers ni pour les policiers. Enfin l’expertise balistique confirme que les tirs provenait du côté du véhicule. L’agent de la BAC par ailleurs fasciné par les armes à feu est reconnu comme un excellent tireur. Pour la magistrate même le cadre légal assoupli en 2017 qui régit la légitime défense n’est pas applicable :« l’intention de tuer du policier est manifeste, étant donné le nombre de tirs et leur direction. D’autant que l’intéressé a déclaré qu’il visait bien le conducteur et pas les parties mécaniques du véhicule ». A suivre
Facebook Lutte-pour-Olivio-Gomes-Collectif-OlivVitHaut

Wissam El Yamni a été tué il y a 12 ans déjà
La reconstitution ordonnée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Riom le 9 février tranche avec l’immobilisme judiciaire de ces dernières année, mais, en se limitant au transport jusqu’au commissariat, elle reste pour le moins insuffisante.
Pour le comité Justice et vérité pour Wissam « si on veut sincèrement toute la vérité il faut tous les éléments disponibles, pourquoi journalistes, juges refusent de le dire et sortir de leur caverne ? Pourquoi refuser l’audition des 3 témoins de la scène de crime ? Pourquoi refuser la reconstitution dans le couloir du commissariat ? Pourquoi refuser l’audition des 1er médecins de la médecine légale qui constatent le 1er janvier 2012 les blessures, les fractures, les marques de strangulation, experts judiciaires de surcroît, qui confirment les violences ensuite dissimulées et bien d’autres choses ?… »
Un rassemblement s’est tenu le jour de la reconstitution à l’appel du collectif Justice pour Wissam. Le combat pour la vérité continue !
www.justicepourwissam.com

Un membre du GIGN acquitté après un tir mortel
Henry Lenfant est décédé en 2018, abattu par un agent du GIGN d’une balle dans la nuque alors qu’il redémarrait sa voiture pendant son arrestation (voir RE 176). Après enquête, le juge d’instruction avait écarté la légitime défense estimant que le tir n’était « pas strictement proportionné » à la situation. Accusé de « coups mortels » le policier d’élite Alexandre B. comparaissait devant la cour criminelle du Pas-de-Calais du 19 au 22 février dernier. L’avocat général a requis une peine de deux ans de prison ferme et de cinq ans d’interdiction de porter une arme. La cours criminelle a acquitté le gendarme provoquant la colère d’une partie de la salle d’audience entraînant l’évacuation des lieux par les forces de l’ordre. Le parquet général a annoncé son intention de faire appel.

À Aubervilliers, Wanys est mort, percuté par un véhicule de police
Le 13 mars dans la soirée deux jeunes qui circulaient à scooter à Aubervilliers auraient refusé un contrôle avant d’être pris en chasse par la BAC, « refus d’obtempérer ». Un deuxième véhicule de police arrivant en face a percuté le deux roues entraînant la mort du conducteur. La version policière qui parle d’un accident est contestée. Ainsi un témoin affirme que la voiture de police aurait « coupé la route » du scooter puis l’aurait « tamponné ». Le passager, grièvement blessé, confirme : « ils ont fait exprès, c’était volontaire, j’ai tout entendu. Ils ont dit comme quoi ils avaient réussi leur coup et qu’il n’y avait pas de caméra autour. » Il faut dire qu’en région parisienne les flics n’ont plus aucune raison de se retenir : alors qu’une note interne de 2015 stipule que « les poursuites de véhicules (par la police) sont proscrites » sauf fait particulièrement grave ( crime de sang, préjudice corpore, une note plus récente de l’ancien préfet de police de Paris Didier Lallement laisse toute confiance au « discernement » des policiers. Le week-end suivant la mort de Wanys, des tensions ont éclaté à La Courneuve, sa ville d’origine . Le commissariat a été visé par des projectiles et des tirs de mortiers. Plusieurs interpellations dans la foulée. Le vendredi 22 mars une marche rassemblait près d’un millier de personnes réclamant vérité et justice.

« Punishment park » lyonnais
Le 21 octobre 2010 plus de 600 manifestants contre la réforme des retraites avaient été nassés et chargés par la police pendant plus de 3 heures place Bellecour à Lyon (voir RE91). 12 manifestants ont porté plainte et en février dernier la Cour européenne des droits de l’homme leur a donné raison sur un point : cette « violation de la liberté de circulation et d’expression » était illégale... à l’époque. Car depuis 2021 la loi sur la sécurité intérieure a comblé ce « manque juridique »…