2 juillet 2004


Violences policières contre une jeune togolaise

À Lyon / outrage et rébellion


Violences policières et inculpation d’outrage et rébellion pour une jeune togolaise

Il y a quelques jours, dans le quartier des Etats-Unis à Lyon, une jeune maman d’origine togolaise, qui travaille et est tout à fait en règle avec l’administration française, prend le bus avec son enfant de 2 ans et la poussette. Le bus est plein, elle s’occupe d’abord d’asseoir son enfant, de caser la poussette et ensuite elle va poinçonner son ticket. Des contrôleurs TCL qui se trouvaient dans le secteur ont remarqué qu’elle n’avait pas poinçonné tout de suite. Ces contrôleurs, accompagnés de policiers, bloquent le bus à l’arrêt suivant et manu militari font descendre cette jeune maman noire. Les policiers aussitôt la menottent très fortement dans le dos et prennent l’enfant et la poussette et mettent tout dans un véhicule de police, direction le commissariat du 8ème arrondissement.

Résultats :
> un poignet dans le plâtre et une incapacité de travail de dix jours. Une photo datée et un certificat le montrent. Aujourd’hui, elle n’a plus son plâtre mais elle a encore des douleurs : on ne peut plus lui serrer la main.
> une femme traumatisée ainsi que son bébé. Depuis, elle n’arrive plus à s’endormir et son enfant a aussi de la difficulté.
> une amende TCL falsifiée : le contrôleur y a changé l’heure quand il a observé l’heure indiquée sur le ticket poinçonné.
> une convocation le lundi 21 juin à 14h30 en composition pénale à la maison de justice pour "outrage" et "rébellion" (qu’elle n’a reçue que le jeudi 17 juin) alors qu’elle a déjà de la difficulté à parler français, ne connaît pratiquement pas les mots français d’insultes (comme "gros connards de flics" etc... inscrits dans le dossier) et que ceux qui la connaissent disent que c’est une personne on ne peut plus calme.
> la perte de son travail. En effet, son employeur l’a obligé à signer une lettre de démission, du fait de son absence prévue ce lundi après-midi pour se rendre à la convocation de justice.

L’association TEMOINS, qui n’a pu être contactée avant vendredi, était présente à la maison de justice, car ce ne fut pas possible de trouver un avocat disponible pour la défendre ce lundi. Cependant une Adjointe à la Mairie du 8ème arrondissement, qu’elle avait déjà rencontrée, et qui a accepté de venir aussi l’accompagner, a réussi fort heureusement à participer à la médiation pénale. Cette Adjointe bienveillante a pu ainsi expliquer la situation, ce qu’elle aurait eu du mal à faire elle-même. Les policiers n’étaient pas là, ni représentés.

Alors le délégué de la maison de justice a demandé le classement sans suite. Mais pour en arriver là, le comble c’est qu’il a obligé cette jeune maman à écrire une lettre d’excuses auprès des trois policiers (alors que la logique aurait été que les policiers et les contrôleurs TCL viennent eux-mêmes s’excuser auprès d’elle). Elle s’est exécutée à faire cette lettre d’excuses pour des faits qu’elle n’avait pas commis. On peut la comprendre. Elle avait hâte que cela finisse. Elle n’avait pas envie de passer en correctionnelle.
Elle avait très peur de voir encore des gens de justice, des policiers...

C’est là qu’on voit que "le plaider coupable" existe en France déjà depuis longtemps dans le cadre des compositions pénales. Accepter la médiation, c’est accepter la culpabilité. Est-ce la justice ? Est-il possible en France d’être innocent face à des policiers ?

Et pourtant, de bonne foi, cette jeune femme avait bien poinçonné son ticket de transport. Elle n’aurait jamais pensé que cela puisse lui arriver, une histoire pareille...

En plus de se demander s’il n’y a pas du racisme sous-jacent dans cette affaire, on peut se poser plein de questions du genre :
> A-t-on le droit d’emmener un bébé de 2 mois en garde à vue, (même si lui n’a pas été menotté...) ?
> A-t-on le droit de menotter une personne, quand cela ne s’impose pas ?
> A-t-on le droit de blesser une personne calme quand on est policier ?
> A-t-on le droit de faire de fausses déclarations pour se couvrir quand on est policier ?

N’est-il pas vrai que Pierre Truche, le président de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité, a déjà déclaré que ces faits ne devraient pas se produire !