Bulletin Résistons Ensemble n°7 - juin 2003

Pour le pouvoir, tout est possible ou presque ! Des cagoules pour les surveillants de prison, la biométrie...


juin 2003


Pour le pouvoir, tout est possible ou presque !

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 7 / juin 2003


- Pour le pouvoir, tout est possible ou presque !
- La biométrie…
- Le mouvement de grève actuel…

- [sur le vif]
Expulsion "apparemment sans violence"

- [chronique de l’arbitraire]
À Nîmes
"délit de solidarité"
Manifeste des délinquants de la solidarité
Des cagoules pour les surveillants de prison

- [agir]
Non à une "juridiction d’exception" sur l’aéroport de Roissy



Pour le pouvoir, tout est possible ou presque !

Une nouvelle loi a été adoptée en première lecture, dans l’indifférence générale, à l’Assemblée Nationale. Pose de micros et de caméras dans les appartements et voitures, plein pouvoir aux procureurs pour des enquêtes, garde à vue portée à 4 jours, perquisitions de nuit, infiltration des agents de police, rémunérations des indics… Tout est possible, tout est légal. Le but avoué de la nouvelle loi Perben est de lutter contre la "criminalité organisée". Il s’avère que même la justice "traditionnelle" n’est pas suffisamment aux ordres pour nos gouvernants. Les juges d’instruction sont pratiquement mis à l’écart. Désormais, c’est le gouvernement, à travers les procureurs qui définira qui rentre dans la catégorie de la "criminalité organisée". Comme le relève le Canard enchaîné, la loi est étendue "à l’aide à séjour irrégulier d’étrangers, les "bandes organisées" étant alors les associations ; comme le Gisti ou le Mrap…" Et demain, pourquoi pas à une occupation d’usine, à un squat, aux organisateurs d’une manifestation, à une grève de SNCF ?
"On a transformé, dans la presse à papier, les cocktails Molotov en tract" disait un jeune de l’association "Bouge qui bouge" de Dammarie-les-Lys, c’est une très bonne définition de ce qu’il y a faire. Actions de solidarité, de résistances, lutte politique… Seule l’action collective peut faire barrage à l’avancée de la barbarie répressive.



La biométrie…

…ferait "passer de l’âge de pierre à des méthodes bien supérieures" par rapport aux contrôles actuels, a estimé Nicolas Sarkozy. C’est décidé, par une réunion des ministres de l’intérieur du G8, la "biométrie", méthode de reconnaissance basée sur les caractéristiques biologiques propres à chaque individu, effectuée par un ordinateur, sera fonctionnelle avant 2004. Votre visage sera numérisé. Le coup d’œil soupçonneux, mais parfois faillible du fonctionnaire, sera remplacé par le jugement d’un cerveau électronique. Comment caractériser un visage ? On peut parier que les soi-disant "caractères raciaux" de sinistres mémoires reviendront. Grand nez, petit nez, yeux bleus ou regard noir, peau claire ou foncée, blanche ou jaune… Tout le monde sera mesuré et classé dans les ordinateurs des polices.
David Plunkett, le ministre de l’Intérieur britannique, déclare que retarder ces mesures "pourrait avoir des conséquences délétères sur la libre circulation, nous devrons faire oeuvre de précurseurs". Comme cynique, Plunkett bat Sarkozy au finish. Quelle "libre circulation" ? Une fois de plus, sous prétexte de "lutter contre le terrorisme", c’est une classification raciste de l’humanité et une chasse à l’homme qu’on nous prépare.



Le mouvement de grève actuel…

…comme toute lutte réelle arrache le voile "démocratique" du régime. Les méthodes de répression déjà largement appliquées contre les jeunes des quartiers, contre les sans-papiers, les squatters… s’étendent aux grévistes. Profs, atoss, parents d’élèves occupent l’inspection académique de Poitiers, les élèves occupent pacifiquement le Lycée Saint-Exupéry à Lyon - réponse du pouvoir : la matraque. Les personnels de l’éducation se rendent à Porcheville (78) où se tenait une réunion présidée par Pierre Bedier qui souhaitait, semble-t-il, présenter la réforme des retraites. Ils sont bourrés de coups de pieds, d’abord par les nervis de l’UMP, ensuite agressés par des policiers. À Mayotte des interventions policières, ces derniers jours, ont été particulièrement violentes contre les professeurs manifestants. Le 3 juin à Calais, sans sommation, face à des manifestants pacifiques et leurs enfants, la police n’a pas hésité à utiliser les lacrymo, blessant plusieurs personnes sérieusement dont des enfants…
Ces agressions policières aident à ouvrir pas mal d’esprits. On commence à comprendre que les lois sécuritaires, au-delà de leurs premières victimes visées : les classes les plus pauvres, ont comme objectif d’écraser toute contestation de ce régime d’oppression et d’exploitation. On a aujourd’hui une possibilité d’élargir le front de résistances !



> sur le vif

Expulsion "apparemment sans violence"
Mais les violences policières étaient bien réelles. Le 16 Mai des travailleurs sans papiers se sont rassemblés dans un immeuble du 22 rue Pajol, pour dialoguer autour de la lutte commune.
Expulsés sans aucune sommation, aucun dialogue, les forces de l’ordre ont employé des méthodes sauvages, brisant les vitres au risque de blesser les personnes se trouvant à proximité. Pour calmer l’angoisse des adultes et enfants surpris par les policiers, et afin que nous soyons calmes en quittant les lieux, Assan a parlé. Il n’a dit aucune insulte. Il a seulement prononcé le mot "Sarkozy". Les policiers l’ont terrassé au sol à 5 ou 6, combien d’entre nous ont-ils vu sa tête cogner le béton ? Au début apparente, la violence disparaît derrière un mur de policier. Ils lui tordent les bras comme des malades, mettant leurs genoux et aussi leurs bottes sur son corps. Ils lui ont luxé l’épaule.
En bas, tous sont calmes. Mais autour, les policiers se répandent comme la haine. Elle se voit dans leurs yeux et à la manière dont ils tiennent leurs matraques qui s’agitent vers les poussettes, les tapotant, c’est insupportable.
La pire des violences, c’est celle qui ne se voit pas, les pires des expulsions, ce sont les expulsions par la force et par charters dont on ne parle plus dans les médias, ce sont les emprisonnements à la pelle.
(Extrait du témoignage d’une militante)



> chronique de l’arbitraire

à Nîmes
Le 3 juin Tijani A. est jugé en appel au tribunal de Nîmes pour "outrage à personne dépositaire de l’autorité publique". le 13 Juillet 2002 il se promène avec son neveu de 2 ans et demi. Il rencontre un copain qui, dans la discussion, jette une canette au sol. Des CRS à 50 m lui demandent de la ramasser. Le jeune n’obtempérant pas ils le prennent en chasse sans le rattraper. Ils reviennent vers Tijani, le traitent de "fils de pute", déchirent son tee-shirt et le tapent avec une matraque. Le neveu reste accroché aux jambes. Pendant la garde-à-vue, le médecin demandé par Tijani exige qu’une radio soit faite : le policier refuse. Plus tard, les médecins à l’hôpital diagnostiqueront une côte cassée et des traces de coups sur le neveu. Tijani et la maman du neveu voudront porter plainte : au commissariat, on refusera de l’enregistrer.
D’abord relaxé, et malgré les témoignages, le parquet a fait appel.

"délit de solidarité"
Jean-Claude L. est passé le 31 mai, en comparution immédiate au tribunal de Boulogne-sur-Mer. En moins d’un mois, c’est le 2ème membre du CSUR (Calais-Collectif de Soutien d’Urgence aux Réfugiés) a être arrêté (perquisition, garde à vue…), victime d’une procédure judiciaire expéditive. Jean-Claude a hébergé des réfugiés et agit au quotidien pour le maintien d’une dignité que notre pays ne permet plus. C’est là l’objet de son inculpation. Sa libération est subordonnée à un arrêt de ses activités : plus aucun contact avec les réfugiés, plus de participation aux réunions publiques… en attendant d’être jugé.
Jean-Claude n’est pas un cas isolé. Monsieur Sarkozy, à travers sa loi sur la sécurité intérieure (LSI) et ses projets de loi contre les étrangers s’est fait le champion du tout répressif. Fichages, contrôles, rafles, charters, arrestations (des milliers de sans papiers en prison) se banalisent. Il est urgent de réagir à cette attaque sans précédent contre les droits fondamentaux et la démocratie.

Manifeste des délinquants de la solidarité
Pour avoir aidé des sans-papiers :
> 5 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende (ordonnance de 1945),
> confiscation de tous vos biens, (Article 17 du projet de loi Sarkozy), idem pour les personnes morales : associations, syndicats… (Article 18 de la même loi ),
> vous entrez dans la catégorie de "crime organisé" (Projet de loi Perben).
Extrait d’une pétition : "Nous déclarons avoir aidé des étrangers en situation irrégulière. Nous déclarons avoir la ferme volonté de continuer à le faire. De même que nous réclamons un changement radical des politiques à l’égard des immigrés et des étrangers, nous réclamons le droit à la solidarité, contre la logique des États. "
texte complet et signature : http://petition.gisti.org

Des cagoules pour les surveillants de prison
Il aura fallu moins de six semaines, depuis que Dominique Perben a autorisé le personnel pénitentiaire à intervenir cagoulé, pour que le premier acte connu nous dévoile les perversions de cette politique. Le 5 mai, une dizaine de surveillants ont pénétré en force au quartier d’isolement de la maison d’arrêt de Bois d’Arcy, où se trouvaient plusieurs prisonniers transférés arbitrairement. À la fouille brutale, ont succédé la mise à nu, les insultes et les coups. À dix contre un, les uniformes cagoulés se sont déchaînés contre deux des neuf isolés avant de leur faire traverser une partie de la détention nus devant les personnels de l’établissement.
Cette tenue de bourreau laisse présager des pires agissements sous couvert d’anonymat, règlements de comptes et autres expéditions punitives. Alors même que l’on fait mine de s’alarmer des tensions croissantes en prison, le ministère de la Justice institue discrètement des instruments de terreur générateurs des pires violences.
Extrait de http://prison.eu.org/



> agir

Non à une "juridiction d’exception" sur l’aéroport de Roissy
Extraits de la pétition d’un collectif d’avocats et de magistrats de Seine-Saint-Denis :
"…Le Gouvernement actuel tente d’imposer la création d’un tribunal hors norme sur le tarmac de l’aéroport au mépris des principes garantissant à tout justiciable le droit d’être jugé équitablement et publiquement par un tribunal impartial et indépendant. Quel crédit accordera-t-on à cette Justice qui, dans l’ombre et le secret, jugera près de 14.000 personnes par an ? Et peut être demain 20 000 ou plus ? À quand des Tribunaux sur les aires de repos autoroutières, dans les commissariats et les halls d’immeuble ?…"
Texte complet à signer : http://www.avocatsbobigny.com/actualite.htm?num=454