18 décembre 2004


Graves violences policières à Lyon

dans le quartier des Terreaux


Dans la nuit du 20 novembre, des policiers se sont acharnés sur deux jeunes comme des bêtes féroces. Depuis un moment déjà, les jeunes d’origine maghrébine, notamment, sont le sujet d’un harcèlement permanent, et sans raisons valables, de la part de policiers du 1er arrondissement de Lyon. C’est un témoignage collecté par l’association TÉMOINS, et DiverCité.

Deux jeunes s’embrouillent pour une broutille dans la nuit de vendredi à
samedi 20 novembre 2004 vers minuit 20 à l’angle de la rue St Polycarpe
et de la rue Romarin. L’un des deux donne un coup de casque à l’autre
qui se défend en le frappant. Du coup, le premier part en moto et ramène
la police. Celui-ci retirera d’ailleurs sa plainte peu de temps après.

C’est ainsi que ce même soir, vers 1 heure du matin, à la hauteur du 8
rue St Polycarpe, un véhicule 306 banalisé s’arrête, dans lequel il se
trouve, en compagnie de quatre policiers en civil, et il leur montre
l’autre jeune qui se trouve sur le trottoir au sein d’un groupe de
quatre personnes sur le point de se quitter. Les policiers, sans signes
distinctifs, sont venus directement sur lui, sans aucune explication.
Ils lui ont tout de suite mis les menottes, l’ont mis par terre, et
l’ont frappé à coups de matraques, de coups de poings gantés et de coups
de pieds dans la tête.

Son jeune frère s’est approché pour demander des explications. Ils l’ont
immédiatement menotté, sans parler avec lui, et avec l’aide d’une autre
patrouille arrivée sur place en Xsara Citroën, ils l’ont frappé pendant
vingt minutes. Ils lui ont mis des coups de matraques dans la tête. Ils
lui ont ouvert la tête. Une flaque de sang était encore visible, deux
jours après, sur le trottoir juste devant le 8, rue St Polycarpe.

Ces deux jeunes, lorsqu’ils étaient frappés, criaient « arrêtez de me
frapper » sans insulter ces policiers. Une dame qui habite dans l’immeuble au-dessus a ouvert sa fenêtre et a dit aux policiers :
« Arrêtez ! Vous allez les tuer ! Ils sont menottés ! ». Un policier lui
a répondu : « Soit tu descends nous aider, soit tu fermes ta gueule,
connasse ! Rentre chez toi. » Et un autre : « Si t’as peur du sang, nous
on en veut du sang ! » Du coup, elle a fermé sa fenêtre. Mais, un peu
plus tard, elle a fait des recherches pour retrouver d’autres témoins de
cette scène dramatique en pleine rue.

Un couple de passants descendait la rue St Polycarpe. Quand ils ont vu
que les policiers s’acharnaient sur ces jeunes, l’un des deux est allé
vers les policiers en leur demandant de stopper puisqu’ils étaient
menottés. Un des policiers s’est approché de cette personne, et lui a
donné un coup dans la figure, ce qui lui a cassé une dent. L’autre
personne du couple a ramassé aussi un coup et aurait l’arcade
sourcilière éclatée. Apparemment, ces deux personnes auraient porté
plainte. D’après des témoins, c’était comme si ces policiers étaient
sous l’empire d’une drogue pour s’acharner de la sorte et pour s’en
prendre même aux passants.

Les deux autres personnes, qui se trouvaient avec les deux frères, ont
été menottées tout de suite. Ils ont reçu des giffles et ont finalement
été relâchés. D’autres personnes qui se trouvaient dans le coin, et
notamment de très jeunes mineurs, ont dû se mettre contre le mur et ont
été maltraités par les policiers, avant aussi d’être relâchées.

Les deux frères, blessés par les policiers ont été emmenés d’abord au
commissariat du 1er arrondissement, place Sathonay. Dans une salle du
commissariat, alors qu’ils étaient prêts à s’évanouir, ils ont été de
nouveau frappés, à tour de rôle, par de nombreux policiers, chacun à
leur tour. Ils s’échangeaient les gants et se défoulaient sur ces deux
jeunes, comme si c’était un jeu. Et cette fois, cela a duré environ une
demi-heure. Ils leur disaient : « sales bougnoules ! sales arabes de
merde ! ta mère la salope ! » tout en les frappant à coup de pieds, à
coup de poings, à coup de matraques ou en utilisant des menottes. Ils
n’hésitaient pas à mettre des coups de pieds dans la gorge. A ce
moment-là, l’un des deux jeunes a vraiment cru que les policiers
voulaient les tuer. Dans la rue, il y avait des témoins qui pouvaient
observer la scène, tandis que là, au sein du commissariat, les policiers
savaient qu’ils étaient tranquilles pour se défouler sur ces deux
jeunes.

Ensuite, ils ont été emmenés à l’hôtel de police Marius Berliet. Sur le
parking, un inspecteur, chauffeur de la 306, a prit à part l’un des deux
jeunes en lui faisant un chantage : « Fait comme si de rien n’était. On
t’a rien fait. Dès que tu sortiras, on ne te cassera plus les couilles
dans le quartier. Mais ne dis rien. » Or les policiers n’ont pas
attendu, eux, pour porter plainte immédiatement contre ces deux jeunes
pour violences en réunion, violences sur personnes dépositaires de
l’autorité publique, outrages et rébellion.

Dans les locaux de Marius Berliet, alors qu’ils étaient déjà en sang,
ils ont eu droit à un troisième tabassage qui a duré entre cinq et dix
minutes. L’un des deux jeunes a demandé un mèdecin qui a refusé de le
soigner, ni ne lui a donné un cachet pour la douleur. Comme il disait
qu’il aurait du mal à reprendre son travail dans cet état, le mèdecin a
fini par lui donner trois jours d’ITT, en disant qu’il ne pouvait donner
plus car il ne voulait pas de problèmes avec la police. Et l’avocate de
permanence lui a dit qu’il risquait d’aller en prison. C’est tout ce
qu’elle a lui dit.

Ils ont passé la nuit dans ces locaux. A huit heures du matin, il s’est
aperçu que son frère n’était plus là. On lui a dit que son frère était à
l’hôpital Jules Courmont pour un traumatisme crânien. Quant à lui, il a
été relâché samedi vers 19 heures. Il est allé très vite voir un mèdécin
qui lui a donné tout de suite huit jours d’ITT. Quinze jours après il
avait encore un oeil au beurre noir énorme et des cocards sur la figure
en ne parlant que de ce qui était visible.

Les parents, très inquiets, n’ont eu aucunes nouvelles de leur fils
hospitalisé. Quand ils ont téléphoné à l’hôpital Jules Courmont, on ne
voulait rien leur dire. Les parents n’ont pas eu l’autorisation d’aller
le voir, tout comme l’avocat. Ils ne savaient pas si leur fils était
dans le coma, s’il était encore en vie... Maintenant, il est sorti de
l’hopital, mais il a immédiatement été incarcéré à la prison St Joseph.

La famille a envie de se battre contre ces violences policières, en
rassemblant le maximum de preuves, de témoignages. Ils aimeraient former
un groupe de soutien, retrouver le couple de passants qui aussi a été
blessé. Ils sont décidés à porter plainte en se constituant partie
civile. Une saisine auprès de la Commisssion Nationale de Déontologie de
la Sécurité est en cours.