17 novembre 2005


Je tombe des nues !?!?!?!

Texte de l’envolée


Non, les "jeunes" des banlieues ne sont pas devenus méchants. Bien au
contraire, cela fait longtemps qu’ils sont trop calmes face à un
acharnement policier qui n’a jamais hésité à employer toute la force
brutale pour étrangler et maintenir dans l’ordre social des centaines de
milliers de pauvres pour qui plus rien n’est possible. Ce n’est pas une
accumulation sociologique hasardeuse qui a mené à l’élaboration et à
l’application de textes de lois relatifs à la gestion des travailleurs,
des chômeurs et des précaires. Dans les années 60, l’Etat faisait
construire des cités béton proches des sites industriels pour "loger"
les ouvriers souvent immigrés dont ils avaient besoin. Au début des
années 80, délocalisations, informatisation, etc. obligent, il n’y avait
plus de travail pour les habitants de ces cités qu’il fallait du coup
gérer : c’était le début d’une politique de la ville réfléchie et
appliquée au travers des Contrats Locaux de Sécurité. Ces contrats
encadrent depuis vingt-cinq ans les conditions de "vie" dans les
quartiers populaires. Leurs objectifs : étendre toujours plus le
contrôle, non seulement en multipliant la présence des forces de l’ordre
sur le "terrain" mais en transformant progressivement le plus grand
nombre posible en "citoyen", c’est à dire en délateur et relais local de
la police.

La police en uniforme à qui l’état a donné de plus en plus de pouvoir et
de moyens pour excercer son autorité : contrôles au faciès permanents,
perquisitions à tout-va, garde à vue pour un oui ou pour un non,
comparutions en justice pour outrage et rebelion,... et rares sont les
quartiers qui n’ont pas à déplorer un des leurs tué par la police.

Le travail de police assuré par des associations de quartiers qui, pour
recevoir quelques subventions, doivent travailler main dans la main avec
les maires, les commissaires et assurer une surveillance de proximité
pour maintenir l’ordre en dénonçant tous les comportements jugés
incontrôlés ou dangereux pour le pouvoir en place.

Le travail de police de l’institution scolaire à qui il est demandé de
signaler tout écart de conduite aux pouvoirs publics ; une des fonctions
de l’école est de détecter et de ficher ce qu’ils appellent les "signes
d’une délinquance juvénile", ce qui contribue en fait à renvoyer les
plus démunis dans des classes relais, des centres éducatifs fermés, des
prisons pour mineur grâce à l’abaissement de l’âge pénal à treize ans.
Des parents d’élèves sans-papiers sont même interpellés à la porte des
écoles...

Le travail de police des éducateurs de rue, des médiateurs qui sont
sommés de donner les noms des familles en difficulté à la mairie, les
désignant comme étant de fauteurs potentiels de trouble avec la menace
pour les familles de suppression des allocations familiales, accréditant
l’idée que c’est une poignée de "voyous" qui seraient responsables de
tous les maux.

Le travail de police des sociétés de transports en commun qui pratiquent
des prix exorbitants, qui inondent leurs réseaux de vigiles et de
contrôleurs et qui invitent leurs conducteurs à assurer la surveillance
de la fraude qui est passible d’incarcération.

Le travail de police de colocataires qui signalent au force de l’ordre
la présence "illégale" et pénalement répréhensible de personnes dans les
halls d’immeuble et qui pratiquent légalement la dénonciation anonyme.

Le travail de police des commerçants, des vigiles, des maîtres-chiens...

Après quinze jours d’émeute, "l’opinion" admet "que c’est dur de vivre
dans les banlieues, mais que c’est pas en brûlant tout que cela va
s’arranger et que ces jeunes sont des voyous qui se livrent à une
compétition dans la destruction aveugle, et qu’ils sont forcément
manipulés par des mafias ou des intégristes".

Et pourtant, les mouvements sociaux d’envergure, celui des
sidérurgistes, des enseignants en 2003, des postiers, des lycéens en
2005, des traminots de Marseille, semblent impuissants face à la
détermination de l’état qui continue de faire voter ses lois sur les
privatisations, la décentralisation, les retraites, la réforme du code
du travail, de l’éducation nationale, le durcissement du code pénal, les
lois sur la prévention de la délinquance, le renforcement des lois
anti-immigrés... Même deux millions de manifestants en 1995 se sont
heurtés à un autisme imperturbable.

Alors que ceux qui ont la bonne méthode la donnent. Et en attendant, il
est plus sage de ne pas donner de leçons à ceux qui expriment leur
colère et de ne pas se transformer en criminologues, en militants
experts, en sociologues en quête d’un terrain de lutte à vampiriser, ou
en moraliste de gauche appellant une fois de plus l’état au secours pour
rétablir l’ordre républicain. Qu’est-ce que ce "devoir républicain" pour
des enfants de parents immigrés qui n’obtiendront la nationalité
française qu’en échange d’une bonne conduite au risque de se faire
expulser du territoire à leur majorité ? Qu’est-ce que ce "devoir
républicain" pour des jeunes qui naviguent entre petits boulot de merde
payés des miettes et allocations sociales ou RMA ?

Et puis, on peut remarquer que dans toute cette destruction on retrouve
des cibles privilégiées : des locaux d’entreprises installées dans les
zones franches, exonérées d’impôts en échange de création d’emplois dans
les quartiers mais qui préfèrent embaucher ailleurs, une trésorerie
principale, des commissariats, une ANPE, des écoles, des bus qui sont
perçus comme des symboles de l’état, un laboratoire pharmaceutique, des
dépôts de voitures appartenant à France Télécom, à l’EDF et à la
police,des concessionnaires automobiles. Pas de pillages systématiques,
pas d’accumulation de marchandises, mais la destruction.

Ah ! mais ils brûlent aussi les voitures des voisins, de ceux qui
galèrent pour survivre... Primo, il n’y a jamais eu dans l’histoire de
révoltes et de révolutions qui n’aient pas été génératrices de désordres
et c’est dans le développement de l’émeute que se réfléchissent et se
précisent les objectifs. Deuxio, c’est presque indécent de pleurer sur
de la ferraille quand ça fait des années que la misère est orchestrée
par les plus nantis qui ne se soucient guère de la vie des enfants des
quartiers populaires. Tertio, c’est toujours la même rengaine du bouc
émissaire et de la victime : il faut un responsable pour cacher sa
propre misère, c’est forcément le plus pauvre. Ceux dont les voitures
crament qui appellent à la responsabilité citoyenne se trompent de
"tortionnaires" .

Le plus grand risque est que ce feu de vie ne dure qu’un instant, qu’il
ne se propage pas et qu’il se fasse le lit d’un nouveau durcissement du
contrôle social sur chacun de nous et particulièrement sur les mineurs
cordialement invités dans les prisons en construction. Les policiers
interpellent à la pelle, les tribunaux condamnent sans vergogne et le
pouvoir décrète l’état d’urgence... Mesures d’une véritable guerre
sociale. Ne laissons pas les émeutiers seuls face à la répression, ne
laissons pas se développer la chasse aux étrangers, soyons présents dans
les tribunaux, refusons concrètement le couvre-feu, occupons les
rues,exigeons l’amnistie pour tous les émeutiers d’hier et de demain.

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