9 décembre 2003


Les deux mamelles de l’Etat.

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 13 / décembre 2003


- Les deux mamelles de l’Etat.
- Bauer, larbin d’Etat.
- Encore plus liberticide…

- [sur le vif]
Condamnations dans l’affaire de Pantin

- [chronique de l’arbitraire]
Devant la prison de la Santé à Paris…
Un cauchemar disparu avec Vichy ?
Condamné pour délit de solidarité
Les condamnés de Fumel…
Sans-papier et victime

- [agir]
Roger Gimenez en correctionnelle, non à la criminalisation de l’action syndicale !



Les deux mamelles de l’Etat.

D’habitude ce n’est pas comme ça. D’habitude c’est la violence sécuritaire qui sévit. Qu’on meurt, qu’on aille en prison, les victimes sont les mêmes, des pauvres, des enfants d’immigrés, habitants des cités, des quartiers. Police, justice, prisons, l’arsenal des lois répressives et liberticides assurent l’ordre social. Mais cette fois-ci ça change.
La mamelle répressive de l’Etat a été prise de court. Ali et Mohamed, jumeaux de 22 ans, se sont suicidés le 28 octobre.
Ils étaient emploi-jeunes à la Mairie de Bordeaux, Mairie qui refusait de les engager à la fin de leur contrat. Peu de cas a été fait de leur mort. À part une centaine de jeunes qui manifestent, qui s’en soucie ? Leur suicide n’est pas devenu une affaire nationale. Pour cause. C’est l’autre mamelle de la société, la mamelle sociale qui les a assassinés. Des jeunes beurs qui ne dealent pas, qui ne brûlent pas des bagnoles mais qui meurent pour ne pas subir la misère, pour avoir du travail... ça dérange la machine de propagande étatique.
Le capitalisme tue, ici et là, par les armes et par la misère. N’oublions pas Ali et Mohamed !



Bauer, larbin d’Etat.

Lionel Jospin rêvait d’un Observatoire national de la délinquance Sarkozy a exaucé ses vœux, il vient d’en créer un, organisme indépendant, dont la fonction officielle est de produire des chiffres, des statistiques au-dessus de tout soupçon. Cet organisme sera présidé par un certain Alain Bauer co-auteur avec le fasciste Xavier Raufer d’un « Que sais-je » intitulé « Violences et insécurité urbaine » où l’on peut lire « C’est qu’au-delà de toutes les théories d’inspiration sociologique, l’origine la plus certaine du crime, c’est le criminel lui-même ». Ce petit pamphlet, d’inspiration américaine, servira de bible à la droite et à la « gauche » pour mettre en place en France la théorie de la vitre brisée dont l’application concrète est : la Tolérance Zéro, que l’on connaissait sous la formule populaire, inventée par les libéraux du 19’ siècle : qui vole un oeuf vole un bœuf. Cet individu qui se prétend criminologue n’est en fait qu’un prestataire de service, qui a fait fortune en vendant des contrats locaux de sécurité aux municipalités, après avoir hurlé aux loups et avoir joué un rôle ignoble dans la mise en place de la politique sécuritaire.



Encore plus liberticide…

Le projet de loi Perben vient d’être adopté en catimini le 27/11 à l’Assemblée Nationale. Perquisition de nuit en l’absence des intéressés ; écoute et pose de micros dans les véhicules et domiciles privés ; garde à vue allant jusqu’à 96 heures (la plus longue d’Europe) sans l’assistance d’avocats pendant les interrogatoires ni permanence de juge la nuit ; instauration d’un plaider coupable (chantage institutionnel : réduction de peine contre aveux, le tout sans procès) qui intervient après plusieurs jours de GAV, nier sa culpabilité c’est à présent prendre le risque concret de voir sa peine alourdie… impossible de tout dire, plus de 400 articles du code de procédure pénale sont concernés.
Ce projet de loi, sûrement le plus répressif, dans un jargon technique déjà rodé pour semer la confusion et sous couvert de « lutte contre la criminalité organisée » (notion assez vague pour devenir un instrument d’accusation facilement mis en œuvre, d’autant plus que la procédure se poursuivra même si les infractions ne relèvent plus de ce délit), vient compléter l’arsenal liberticide déjà mis en place par les gouvernements successifs. En modifiant profondément certains aspects de la procédure il nous concerne tous. Son but : gérer au plus vite la plus grande partie des affaires pénales en décuplant les moyens de l’accusation au détriment des droits de la défense. En bref, dégager encore plus les mains de la répression pour mieux nous imposer le silence…



> Sur le vif

Condamnations dans l’affaire de Pantin
Le 10 novembre avait lieu le procès de Mehdi et Tewfik dans une affaire présentée à tort par les syndicats de police comme un "guet-apens tendu par une bande de jeunes armées de battes de base-ball". L’accusation fut même par la suite démentie par un des policiers.
Arrivée dès 11h, la famille et les personnes, venues en soutien, attendent devant la porte d’une petite salle blindée par les syndicats de police rentrés en priorité et protégée par des flics. Tous les membres de la famille ne peuvent assister au procès. L’accès est même refusé au mineur dont le violent contrôle d’identité était à l’origine de l’affaire. Interpellé extrêmement brutalement en juillet 2002, un autre jeune s’inquiète de son sort, et reçoit immédiatement un coup de tonfa d’un des policiers. Une bagarre s’en suit. Une policière reçoit un coup très violent sur la figure. On ignore encore d’où il est parti. Les jeunes accusés ont toujours nié l’avoir blessé et aucune preuve de leur culpabilité n’a été apportée. Mais à l’intérieur, le procès se passe mal, la présidente du tribunal refuse d’entendre les témoins. Les contradictions dans l’accusation ne sont pas soulevées. Des gamins ne pouvant pas être là au moment des faits sont mis en cause sur le fondement d’une vidéo déclarée inutilisable par la suite…
Verdict : 3 ans et demi dont 1 an avec sursis et 30 mois dont 8 avec sursis. De l’indignation de 2 jeunes face à la brutalité d’un contrôle de police, on arrive à de la prison ferme ! Une famille est détruite…



> Chronique de l’arbitraire

Devant la prison de la Santé à Paris…
250 à 300 personnes ont participé à la manifestation contre l’offensive sécuritaire et la société carcérale, au soir du 15 novembre. Les manifestants ont crié leur opposition aux quartiers d’isolement. Aux fusées de feux d’artifice lancées par des manifestants, qui ont illuminé la façade de la prison, les détenus ont répondu, depuis les fenêtres des cellules, par des briquets allumés et des draps enflammés. Peu après plusieurs centaines de policiers et gendarmes ont encerclé et embarqué tout le monde.
Moment émouvant, le cri « libérez nos camarades ! » est jailli, lancés par les prisonniers, depuis leurs cellules. Au bout d’un contrôle d’identité de 3 à 5 heures tout le monde a été libéré sans inculpation. Empêcher une manifestation autour d’un sujet "sensible", fichage des militants, la police de Sarkozy a répondu, à sa manière, au Forum Social Européen qui se terminait ce jour-là.

Un cauchemar disparu avec Vichy ?
Institutionnaliser la délation, à Douai le commissaire divisionnaire J. Marechal l’a fait. L’appel est lancé le 18 novembre dernier, la police recherche des "citoyens relais". Quel doux euphémisme ! Se cachant derrière des mots, ils nous expliquent qu’il ne s’agit pas d’inciter les citoyens à la "délation", mais tenter "d’obtenir des renseignements" : où est la différence ?

Condamné pour délit de solidarité
Le 19 novembre avait lieu la fin du procès de 3 passagers maliens accusés "d’entrave à la circulation d’aéronef" et de "violence sur agent" pour être intervenu lors d’expulsions sur un vol Air France Paris-Bamako le 11/11/2002. La nullité de procédure soulevée par les avocats n’a pas été retenue. Dans l’avion, les policiers qui étaient à l’initiative des interpellations n’ont pourtant que le statut de simple passager, c’est le commandant de bord qui doit en faire la demande. Malgré cela les 3 inculpés ont été condamnés, pour s’être indignés face à l’expulsion de sans papiers, à 100 jours amendes (de 4 à 6 euros la journée sans quoi c’est la prison) et dans les 1000 euros de dommages et intérêt dont une bonne partie ira directement dans les poches des policiers…

Les condamnés de Fumel…
Ce n’est pas la première fois que nous vous en parlons, mais voilà, les militants qui avaient neutralisé, dans un acte de salubrité publique, l’incinérateur extrêmement polluant de Fumel ont été condamné à 4 et 6 mois de prisons avec sursis ainsi que quelques 2000 euros de frais de justice sans oublier les 32 jours de prisons préventive pour 3 d’entre eux. Le président du comité de soutien déclare : "On assiste à une justice à deux vitesses qui condamne des chômeurs et qui, de l’autre, cherche à étouffer un dossier d’instruction à la suite d’une plainte déposée en décembre 99 sur les conditions d’exploitation de l’incinérateur, corroborée par une enquête de gendarmerie qui a mis en cause les élus"…

Sans-papier et victime
Le 13 juillet une équipe de 5 policiers procède à une opération anti-squat et pénètrent dans l’appartement d’une famille dont la mère, sans papier, vit en France depuis 3 ans et demi. Sous prétexte d’un contrôle d’identité ils en profitent pour la voler, 320 euros ainsi que son téléphone portable, et la giflent lorsque la jeune femme proteste. Embarquée, au commissariat, les policiers mettent au point une fausse procédure. La clandestine, vendeuse à la sauvette, les aurait insultés et aurait refusé de se laisser arrêter. L’affaire aboutit au tribunal, et la victime est condamnée à une peine d’amende. Elle décide de faire appel. Il faudra attendre qu’une des jeunes femmes adjointes de sécurité présente ce jour-là craque devant le tribunal pour enrayer la machine judiciaire et que la vérité éclate.
Depuis un brigadier et 2 gardiens de la paix du commissariat de Saint-Denis ont été mis en examen et écroués.



> Agir

Roger Gimenez en correctionnelle, non à la criminalisation de l’action syndicale !
Suite aux grèves de mai-juin, pendant un sit-in pacifique organisé lors tour de France, le déménagement brutal des manifestants a causé une écorchure accidentelle sur un garde mobile. Malgré la reconnaissance de la hiérarchie du caractère involontaire et anodin du coup reçu, Roger fait l’objet d’une plainte pour coup et blessure volontaire sur un militaire (aucun jour d’ITT pour le gendarme !), et rébellion. Il risque jusqu’à 5 ans de prison.
La CGT, la CFDT, l’ATTAC, la Confédération paysanne appellent à signer une pétition au
http://www.local.attac.org/attac83/breve.php3?id_breve=278
et à se rassembler le 17 décembre à 14 h devant le tribunal de Draguignan


dessin Faujour