8 décembre 2009


Artur mort en prison…

Octobre 2008 à Strasbourg


Une bagarre impliquant une dizaine de personnes a lieu une nuit en début d’été 2008 au pied de l’appartement de la famille Harutyunyan, à Strasbourg. Il s’agit d’un différent entre membres de la communauté d’origine Arménienne, et malheureusement l’un des protagonistes est mortellement poignardé dans la mêlée nocturne.

Le père de famille Harutyunyan se retrouve en détention préventive suite à cette bagarre. Comme le père, les 2 fils Harutyunyan se disent innocents, mais compte tenu des règles de vengeance familiale qui prévalent encore dans cette communauté, ils estiment ne pas avoir le choix et pour protéger leur famille (l’ainé, Artur, âgé de 25 ans, est marié et a 3 jeunes enfants), ils quittent la région pendant 3 mois.

Le 14 octobre 2008 à 10h30, accédant aux demandes de sa mère qui souhaite que l’affaire se règle selon les règles de la justice française, a confiance en ces fils et dans l’enquête policière, Artur Harutyunyan suit de son plein gré la police. Sa mère l’accompagne jusqu’au commissariat. Artur est logiquement placé en garde à vue.

Le 17 au matin, sans nouvelles du commissariat ni d’Artur, Madame Harutyunyan se rend chez l’avocate qu’elle avait contacté pour son fils quelques jours avant son retour en France. L’avocate la reçoit et lui explique que le 16 octobre, elle a été appelée pour visiter Artur à l’hopital en soirée, suite à une tentative de suicide. Le jeune homme aurait tenté de s’égorger avec ses ongles. L’avocate précise à la mère d’Artur qu’elle a beaucoup parlé avec lui, que ses jours ne sont pas en danger et que Madame Harutyunyan ne doit pas s’inquiéter. Elle l’a quitté vers 21h. Le téléphone sonne alors dans le cabinet : on averti l’avocate qu’Artur s’est suicidé en prison durant la nuit. C’est un choc terrible pour Alice Harutyunyan.

La version officielle est donc qu’Artur aurait été transféré de l’hôpital à la Maison d’arrêt de Strasbourg le 16 octobre vers 18h. Il se serait suicidé en soirée, en se pendant au lit superposé, à l’aide des lacets de son co detenu (endormi, qui n’a rien entendu), en se liant les mains avec une serviette. Ses talons touchaient le sol.

Lorsque la famille découvre le corps d’Artur à la morgue, il présente de nombreuses blessures : nez cassé, entailles profondes au cou et aux bras, large hématome dorsal, bosse au front, bosses à l’arrière du crâne. La famille prend des photos et une vidéo.

Depuis, Alice Harutyunyan, la mère, vit dans une douleur infernale. La famille est dévastée et ne peut croire au suicide d’un jeune homme équilibré, travailleur, père de famille et plein de projets. L’enquête administrative s’est conclue sur un classement. Le fait qu’Artur ait été précédemment condamné à 2 petites peines de prison pour des bêtises de jeunesse ne justifie en aucun cas qu’il soit mort dans des conditions très troubles qu’il faudra absolument élucider. Les rares documents que la mère a pu obtenir sont approximatifs, tronqués ou totalement contradictoires. Le déroulé des 2 jours qui ont suivis l’arrivée volontaire d’Artur au commissariat, son transfert à l’hopital puis à la maison d’arret est un tissu d’impossibilités et de zones d’ombre. Rien ne coïncide, ni les horaires, ni les constatations des divers acteurs.

Alice Harutyunyan, avec un courage incroyable, s’est épuisée depuis plus d’un an à tenter de comprendre les arcanes extrêmement complexes du fonctionnement de la justice française. Elle a frappé à toutes les portes possibles, où on l’a reçue parfois mal. Ses lettres ultimes au Ministère de la Justice sont restées sans la moindre réponse. A plusieurs reprises, volontairement ou non, l’administration s’est montrée inhumaine avec elle : le 20 octobre 2008 par exemple la prison de Strasbourg lui a affirmé à 2 reprises que son fils était bien vivant et qu’elle pouvait prendre rendez vous pour un parloir !

Cela fait plus d’un an qu’Artur a trouvé la mort et sa famille ne peut toujours pas le faire enterrer, faute de disposer d’une heure et d’un jour fiable pour sa mort. L’administration ne veut pas prendre la responsabilité d’une date, et la famille ne veut pas cautionner par sa signature le jour et l’heure s’ils sont erronés.

L’association Vérité et Justice pour Abou Bakari Tandia, par solidarité, a accompagné cette mère à une entrevue avec Amnesty International, ONG auteur d’un rapport remarqué sur les violences policières en France en Avril 2008.

L’association Vérité et Justice pour Abou Bakari Tandia souhaite que cette famille trouve l’accompagnement associatif, juridique et administratif qui lui fait défaut depuis plus d’un an, et qu’une enquête sérieuse, indépendante et impartiale permette un jour d’apprendre ce qui a provoqué la mort de ce jeune père de famille.

Vous êtes avocat soucieux des Droits de l’Homme, de la situation des gardés à vue et détenus en préventive ? Vous pouvez aider cette famille désespérée. Contact 06 47 01 99 63