8 novembre 2011


« Si tu manifestes, tu vas en garde à vue »

Le jeudi 13 octobre, les élèves bloquent leur lycée à Noisy (93)


Le jeudi 13 octobre, les élèves d’un lycée de Noisy (93) se sont mis à bloquer pour exprimer un ras le bol global. Il y a eu quelques incidents (feu de poubelles et quelques pierres qui ont volé), mais rien de très grave ni d’inhabituel en Seine Saint-Denis à mon avis. La proviseure a présenté les bloqueurs comme des voyous et a sorti le grand jeu pour empêcher le blocus et éliminer toute contestation : intervention musclée de la police en tenue anti-émeute, arrivée des EMS (équipes mobiles de sécurité), alors même qu’il n’y avait eu aucune menace réelle. Résultat : ils sont en train de mettre le feu à la cité du Londeau. Et la tension est palpable en dehors du lycée :

D’après des témoignages, les flics ont coursé des élèves terrorisés avec des flash balls en les menaçant de leur tirer dessus s’ils restaient groupés à plus de quatre, et plusieurs élèves ont été embarqués. Une collégienne de 11 a été arrêtée et amenée au poste à la sortie du collège par des policiers en civil parce qu’elle n’a pas voulu traverser la route au moment où le policier lui demandait de le faire. Le père a été cherché sa fille au commissariat et a écopé d’une amende pour quelque chose comme non-respect du code de la sécurité routière. Un jeune de 15 ans a été molesté, il a une marque sur la nuque qu’a laissée la matraque d’un CRS. J’ai vu une élève pleurer et s’essuyer les yeux en m’expliquant que des flics lui avaient envoyé du gaz lacrymogène. Des élèves s’inquiètent de voir que les policiers font de la provocation en leur disant des choses du genre : on préfère quand vous foutez le feu ou allez y, continuez, revenez demain… Des parents d’élèves téléphonent au lycée scandalisés par l’interpellation des élèves et inquiets de la présence des EMS au point que certains ont préférés garder leurs enfants chez eux. Des élèves expliquent aussi que des personnels du lycée filmaient les élèves devant le lycée pour identifier les bloqueurs et qu’ils avaient peur d’être ensuite accusés de participer au blocus. Une élève raconte que quelqu’un l’avait filmée et lui avait dit que si elle restait là il l’accuserait d’avoir mis le feu aux poubelles. S’agissant des EMS, ils sont à l’entrée du lycée comme des casseurs de grève pour intimider. Ils interdisent de rester par groupe de plus de quatre aux abords du lycée, ils sont agressifs et parlent mal (« dégage de là »). Un prof a d’ailleurs été agressée par un ems alors qu’elle organisait une sortie avec ses élèves, celui-ci sous entendant qu’elle incitait les élèves à ne pas rentrer dans le lycée. D’après la proviseure, l’ems aurait même envoyé un rapport à l’inspection après l’incident. Des élèves témoignent que des policiers leurs ont dit « si tu manifestes, tu vas en garde à vue » et globalement, les élèves disent aussi "on ne nous laisse pas nous exprimer" et "pourquoi ils font ça ?", « pourquoi on n’a pas le droit de manifester ? ».

Finalement, vendredi, une vingtaine de profs ont débrayé pour protester contre tout cela et les élèves se sont rassemblés en assemblée générale le lundi suivant. Prenant en main la situation, les élèves ont rédigé une super « lettre ouverte » au recteur et au parisien : ils dénoncent la surcharge des effectifs, de mauvaises conditions d’étude et veulent aussi rétablir la vérité sur leur action, présentée par le Parisien de manière indigne et dénigrante à leurs yeux. Ils dénoncent « l’intervention musclée des forces de l’ordre qui n’a fait qu’attiser la colère qui grondait dans le milieu lycéen ». Et de s’interroger : « est-il vraiment nécessaire de réprimer une manifestation pacifique par l’usage de la violence ? ». Du coup, les profs ont suivi et ont voté un communiqué de soutien. Les élèves ont décidé de bloquer le lycée de manière pacifique et organisée jusqu’à ce que leurs revendications soient acceptées. Ils ont réussi à virer les EMS. Mais avant de partir ils ont dit aux élèves, que tout ça c’était de la faute des profs et qu’à cause d’eux ils allaient rater leur bac. Pour l’instant les flics ne peuvent pas faire grand chose, mais ils restent menaçants et revanchards (l’un d’entre eux a fixé un élève leader en passant le doigt sur sa gorge...) » et ils commencent à accuser certains élèves. La proviseure est dépassée. Elle filtre les élèves à l’entrée du lycée au point que certains élèves ont cru que c’était elle qui bloquait ! Elle a voulu convoqué trois élèves dans son bureau avec leurs parents en les menaçant de sanctions disciplinaires s’ils continuaient à manifester, mais elle a finalement dû reculer car les élèves ont organisé une autre assemblée générale et ils ont pu dire à la proviseure ce qu’ils avaient sur le cœur. Ils lui ont demandé pourquoi avec la proviseure adjointe, elle a pris les banderoles des élèves pour les déchirer ? Pourquoi la proviseure adjointe les a bousculés devant le lycée alors qu’ils manifestaient pacifiquement ? Pourquoi une personne extérieure au lycée est à ses côté et pourquoi cette personne les a agressé verbalement, les a menacé de leur donner des gifles et en a bousculé plusieurs ? Pourquoi est ce qu’on leur envoyait la police et les EMS alors qu’ils veulent seulement manifester pour leurs conditions de travail ? Pourquoi trois élèves étaient menacés de sanctions alors qu’ils n’avaient rien fait de plus que manifester comme les autres ? Et comme la proviseure a esquivé à chaque fois, pourquoi est ce qu’elle ne répondait jamais à leurs questions ? Un élève m’a raconté qu’ils avaient beaucoup ri quand la proviseure à dit que les policiers étaient là pour les protéger et ils ont pu lui ont rappelé qu’elle leur avait dit auparavant qu’ils étaient là pour protéger les biens matériels, et non pas les personnes.

On a appris aussi qu’un élève présent le jeudi matin, parmi beaucoup d’autres, se voit maintenant accusé par un flic d’avoir jeté un bout de carton dans le feu de poubelle et le lycée a porté plainte pour cela, sur se simple témoignage. Comme l’élève est convoqué en plaidé coupable, on lui a mis la pression pour qu’il reconnaisse les faits, et passe aux aveux sans passer par le tribunal. On ne sait pas encore ce qu’il va en être, mais manifestement, on veut faire un exemple.