Le bonneteau de la mort

bulletin numero 165 - septembre 2017


11 septembre 2017


Le bonneteau de la mort

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 165 / septembre 2017


Le bonneteau de la mort

Vous connaissez sûrement le jeu de bonneteau. Deux cartes noires et une carte rouge, la dame de cœur, tournées puis retournées par le bonneteur sur un carton. Tout parait simple, clair, transparent. Vous êtes sûr de votre vérité, la dame de cœur rouge est là, mais non, vous avez perdu, le bonneteur vous a eu. En toute transparence.
Eh bien l’État, sa justice, sa police joue à ce jeu avec votre vie. Tenez, le dernier cas, c’est Lucas M. qui se serait suicidé, pendu à ses chaussettes au commissariat d’Arpajon (voir l’article). Les experts médico-judicaires avalent cette histoire invraisemblable. C’est leur rôle. Si ce n’est pas le suicide, c’est le cœur malade, trop gros qui a lâché, comme pour Ali Ziri, Adama Traoré, Lamine Dieng, Wissam El-Yamni… Leurs conclusions, qu’ils prétendent « scientifiques » restent dans de telles ambiguïtés car elles permettent de dédouaner les crimes policiers. Les non-lieux deviennent un système, et quand très rarement un policier est condamné, car c’est trop gros et on n’a pas pu planquer le crime, c’est à quelques mois de sursis. On condamne alors un policier ripoux mais en aucun cas la responsabilité de l’institution policière n’est reconnue, comme pour l’ex-directeur de la BAC de Rennes (voir article). Alors, quand au bout des années de luttes judiciaires et de mobilisations dans la rue, le crime policier est couvert par un non-lieu (au bout de 10 ans pour Lamine Dieng, 7 ans pour Ali Ziri), les familles, les soutiens se posent légitimement la question : est-ce que la lutte paye, le pot de terre peut-il gagner contre le pot de fer ?
C’est clair, la justice on ne l’aura jamais dans le monde tel qu’il est. En revanche, la lutte peut faire éclater la vérité face aux calomnies de l’État et laver l’honneur des morts et des blessés. Elle permet le rapprochement avec d’autres collectifs et ainsi le partage des expériences et une conscience politique plus aiguisée et avertie. La lutte du collectif pour Adama est à ce titre exemplaire ; l’échange des informations a notamment permis de refuser de céder à la pression de la justice pour enterrer immédiatement le cadavre, ce qui aurait empêché toute nouvelle autopsie.Lutter sur le plan judiciaire permet aussi de transformer les procès en tribunes politiques ; c’est ce que rappelle le collectif « désarmons les » dans son appel à assister au procès sur l’incendie d’une voiture de flics (voir rubrique agir).
Au jeu de bonneteau des crimes policiers, c’est la raison d’État qui gagne. Mais notre lutte peut renverser toutes les cartes et démasquer les tricheurs.




> chronique de l’artitraire

La parole des experts, argument de l’impunité policière ?
C’est une constante depuis des décennies, les expertises médicales et les déclarations des experts auprès des cours de justice servent d’alibi aux forces de l’ordre qui obtiennent des non-lieux pour la mort d’interpellés dans les fourgons de police ou dans les commissariats. Le plus souvent, lors de « pliage », de plaquage ventral ou de clé d’étranglement – trois techniques policières causes de mort par asphyxie -, les experts attribuent la mort à une « potentielle défaillance cardiaque ». Certes lorsqu’on meurt…le cœur s’arrête. Mais pourquoi s’arrête-t-il lorsqu’on croise une BAC, une BST ou la Gendarmerie ? Les experts laissent ouverte l’alternative suivante : l’arrêt du cœur est dû soit à « l’état de stress et d’agitation de l’intéressé au moment de l’interpellation », soit à une asphyxie mécanique due à une contention… La « justice » peut alors conclure qu’on ne peut pas savoir quelle est la cause de la mort, et qu’en conséquence les forces de police n’en sont pas responsables !

Rennes : Pour une fois un flic est condamné, mais…
C’est Philippe Jouan, ex-chef de la BAC de Rennes condamné à 10 mois de prison avec sursis pour violences et faux en écriture, il devra aussi verser à la victime 1 800 euros d’amende au titre du préjudice moral.
Extraits de l’excellent CR publié sur : https://expansive.info/Il-etait-une-fois-dans-l-Ouest-555
« ... ce qui est reproché au chef de la BAC, ça n’était absolument pas d’avoir éclaté la gueule de Sony, mais plutôt d’avoir omis de le justifier auprès de l’OPJ, et pire, d’avoir tenté de biaiser la procédure en faisant rédiger un PV par un autre flic, et une main-courante par un autre… (on est) loin d’une remise en cause des pratiques policières »

Luis Bico abattu par la police
À Châlette-sur-Loing, dans le Loiret, la police n’a eu aucune difficulté à assimiler la récente évolution de la loi en matière d’usage d’armes à feu. Le19 août, elle se rend dans le quartier Kennedy après avoir reçu le signalement d’un homme au « comportement menaçant » qui aurait « exhibé un couteau devant un passant ». C’est ainsi que Luis Bico, au volant d’un véhicule, se retrouve entouré par au moins 7 policiers tentant de l’en extraire à coup de tonfa et de lacrymo. Des voisins filment la scène. Finalement la voiture manœuvre et s’échappe dans la rue sans mettre en danger les policiers dont 3 tirent pourtant a une vingtaine de reprises et tue Luis, ne laissant aucune chance à cet homme de 48 ans souffrant de problèmes psychiatriques. Les témoins paniquent, parmi eux des enfants à proximité immédiate des tirs… nous expliquera-t-on que les policiers ont fait un juste usage de leur pouvoir de mort, comme la loi les y autorise ? Infos et vidéo : http://paris-luttes.info/legitime-defense-des-policiers-8577

La garde à vue, un taux élevé de mortalité
Le 3 juillet en fin d’après-midi, Lucas M. est interpellé pour excès de vitesse à moto et placé en garde à vue au commissariat d’Arpajon (Essonne). Le soir même l’homme est conduit à l’hôpital dans le coma, il succombera quelques jours plus tard. La version officielle se précise rapidement, Lucas se serait suicidé avec ses chaussettes.
Pour la famille il est difficile d’imaginer un suicide pour un simple excès de vitesse. Et puis le corps du défunt montre un fin sillon d’étranglement, pas vraiment la trace de chaussettes de sport… Alors ? « Tout est ouvert, explique l’avocat de la famille. Je n’exclus pas un acte de contention mal maîtrisé dans lequel la personne est allongée au sol et tirée en arrière par le col de son polo. »
Les conditions de son interpellation intriguent aussi. « On nous dit qu’il a commis un délit de fuite, […] que les policiers n’ont pu que lui mettre une seule menotte tellement il se débattait […] Mais juste après ça, il m’appelle. Super calme. », explique son épouse. Et puis : « Ce n’était pas la première fois qu’il se faisait arrêter sur cette route (...) Il m’avait raconté que les policiers lui avaient dit : “La prochaine fois, on ne vous ratera pas, on a repéré votre moto. On sait quand vous passez.” Et deux semaines après, il meurt dans le commissariat. »

Sevran/Aulnay, la nation fête les quartiers :
un mort, un blessé par balle

Les nuits du 13 et 14 juillet sont régulièrement le théâtre d’affrontements avec les forces de l’ordre. Les médias friands de voitures brûlées sont beaucoup plus discrets lorsqu’il s’agit de violences policières. Cette année vers 21h30 un homme d’une trentaine d’années conduisant un scooter à Aulnay-sous-Bois, est poursuivi par la police, sa chute lui coûtera la vie.
Conséquence, entre Sevran et Aulnay, la rage prend de l’ampleur, et vers minuit six motards de la CSI (compagnie de sécurisation et d’intervention), qui avaient traqué le motard décédé, sont violemment pris à partie. Un des flics descendu de sa moto pour dégoupiller une grenade de désencerclement se retrouve isolé. Il chute en fuyant. Pris à parti, apeuré, il tire 8 coups « en l’air » avec son pistolet. Suffisamment « en l’air » pour qu’un jeune se prenne une balle en plein ventre touchant poumon, rate et intestin manquant de le tuer...
À lire sur : http://paris-luttes.info/sevran-un-policier-tire-et-blesse-8494

Violences contre les réfugiés :
« c’est comme vivre en enfer »

Cet été, 9 mois après l’évacuation de la jungle de Calais (et alors que le camp de La Chapelle à Paris est évacué pour la énième fois), les violences policières contre tous ceux qui reviennent espérant toujours partir en Angleterre sont constantes et d’une brutalité inouïe. Sous les ordres du maire de Calais et avec la bénédiction du ministère de l’Intérieur (qui continue d’envoyer des renforts), les flics de toute sorte emploient tous les moyens possibles pour traquer les migrants (tabassages sans retenue, aspersions de gaz poivré surtout pendant le sommeil, confiscation de sacs de couchage, harcèlement des personnes solidaires...). Une plainte a été déposée par des militants contre le maire de Calais et appuyée par le défenseur des droits. le Conseil d’État leur a donné raison et l’ONG Human rights watch a dénoncé ces violences. Pourtant la sauvagerie policière et les exactions des milices d’extrême droite continuent.
Mais la résistance aussi. Par exemple, avec ce prêtre calaisien qui s’oppose à la présence de la police sur le parvis de son église afin de permettre un distribution de repas. Ou encore, début août, quand une forte mobilisation notamment de pêcheurs tunisiens s’oppose à l’accostage dans le port du navire C-STAR loué par un groupe de militants d’extrême droite (Génération identitaire) français, allemands et italiens (grâce à une campagne participative qui a rassemblé plus de 76 000 euros) et l’a ainsi empêché de se ravitailler dans le port de Zarzis. Il finira en panne en pleine mer refusant le secours d’un bateau ONG venu suite au signal de détresse envoyé.

L’Attiéké a été expulsé
Le 17 août à 6h30 du matin, le centre social auto-organisé et habité de Saint-Denis a été expulsé, à grand renfort de flics de tous poils, huissier, président et gestionnaire de la Fédération Française de Triathlon (propriétaire du bâtiment). De la tristesse, bien sûr, face à cette nouvelle qui tourne une page de quatre ans de luttes, d’occupations, de solidarité et d’amitiés, mais il reste encore tout à faire ! Soyez prêt-e-s, "show must go on !"
Source : https://paris-luttes.info/l-ete-des-expulsions-continue-l-8554

Pas de justice pour Lamine, pas de paix !
10 ans après la mort de Lamine entre les mains de la police, la cour de cassation a confirmé le non-lieu. La famille continue le combat et saisit la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Pour aider à financer les démarches https://www.lepotcommun.fr/pot/ed4qclxq/participer

Adama, « Pas de justice, pas de paix ! »…
… scandaient les manifestants le 22 juillet, un an après la mort d’Adama Traoré entre les mains des gendarmes, à Beaumont-sur-Oise. Un défilé impressionnant, bien organisé de 2 000 personnes qui après un passage devant la Mairie et la gendarmerie copieusement sifflées est arrivée au quartier de Boyenval. Devant une foule attentive, des interventions de la famille Traoré, de Ramata Dieng, du collectif Ali Ziri, de Geneviève Bernanos, mère d’Antonin et d’Angel, accusé dans l’affaire de voiture de police incendiée (voir agir), et d’Aurélie Garand, sœur d’Angelo, abattu par le GIGN. « On n’oublie pas, on ne pardonne pas. »

L’acharnement contre les amis de Curtis continue
Nous en parlions dans le dernier numéro (RE 164). Après Julia, c’est au tour de Karim, 19 ans, ami proche de Curtis mort le 5 mai 2017 percuté par un bus alors que la police le poursuivait ; il fait partie des 5 jeunes hommes interpellés suite aux affrontements de la nuit du 24 mai, accusé de caillassage et condamné à porter pendant 8 mois un bracelet électronique. Et les flics de Massy ne le laissent toujours pas vivre en paix : il reçoit en moyenne 4 amendes par semaine, dont certaines d’un montant de 4 euros pour avoir traversé en dehors du passage piéton. L’injustice des flics est sans fin.

Contre les puissants
Après les manifestations contre la tenue du G20 à Hambourg le site Indymedia Allemagne est interdit comme l’avaient déjà été en France le Jura Libertaire et Indymedia Grenoble. La tentative d’organisation de l’extrême gauche au sens large semble effrayer le pouvoir allemand qui répond par une répression féroce.

La grenade GLI F4
Le 15 août à Bure, lors d’une manifestation contre l’enfouissement de déchets nucléaires, la police a fait un usage intensif des grenades GLI F4. Il y a de nombreux blessés, dont un qui risque l’amputation d’une partie du pied. Plus de détail sur cette arme : http://paris-luttes.info/suite-au-15-aout-a-bure-autopsie-8576

Même plus le droit de s’amuser...
Fin juin , lors de la semaine de canicule en idf, des milliers bouches d’incendie ont été ouvertes et transformées en jets d’eau pour le plus grand plaisir des jeunes habitants des quartiers populaires. Cela a été le cas des collégiens du collège Geyter à Saint Denis qui s’en sont donnés à cœur joie jusqu’au moment où une voiture de flics est arrivée sur les lieux, ses occupants ont alors tiré sans sommation, à tir tendu des grenades lacrymogènes, tout cela sous les yeux de professeurs qui ont écrit un communiqué clamant :« nos élèves ne sont pas des cibles ». À Asnières , 3 jeunes de 16 et 17 ans ont été filmés par les caméras de surveillance du quartier des Mourinoux en train de forcer une telle bouche : ils sont tenus de payer une amende 9000 euros adressée par la mairie de Manuel Aeschlimann, adepte du tout répressif.




> Agir

Manifestation contre l’instauration d’un état d’urgence permanent !
Dimanche 10 septembre 2017 à 15h, terre-plein central.

Procès de la voiture de flics brûlée
18 mai 2016, dans un contexte de lutte sociale contre la Loi travail la police tente de casser le mouvement : une voiture brûlée le jour du rassemblement des flics place de la République a été l’occasion d’intensifier la répression.
9 accusé-e-s passent en procès du 19 au 22 septembre à 13h, TGI de Paris.
Besoin de soutien pour faire front ensemble.
À lire, l’appel du collectif Libérons-les sur
https://quartierslibres.wordpress.com/2017/08/27/1909-proces-de-la-voiture-de-police-brulee-quai-de-valmy/