Quand les deux corps ne feront plus qu’un

bulletin numero 171 – mars - avril 2018


21 mars 2018


Quand les deux corps ne feront plus qu’un

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 171 – mars/avril 2018


Quand les deux corps ne feront plus qu’un

Karim a traversé mers, montagnes et déserts, affronté mille dangers pour mourir sur un trottoir de la porte de la Chapelle. L’État et ses services l’ont traité comme un chien, non, pire : pour les chiens il y a la SPA. Idem pour Nour, mort noyé dans la Seine le 14 février.
Ce sont deux des victimes, avant même son adoption, de la nouvelle loi dite « asile et immigration » qui va être discutée au parlement en avril. Une fois adoptée elle permettra d’emprisonner dans les CRA jusqu’à 105 jours un réfugié, un sans papier sur une simple décision administrative. On est loin du maximum de 6 jours en rétention adopté en 1981. Et ce n’est pas tout : un nouveau délit est créé, le « délit de franchissement non autorisé des frontières », puni d’un an de prison. Comme si l’on pouvait demander le droit d’asile sans passer « illégalement » la frontière… Rappelons que quand il y a quelques années le gouvernement hongrois d’extrême droite d’Orban a inventé ce même délit, toutes les « démocraties occidentales » avaient crié au scandale. Aujourd’hui elles se taisent ! Puis, dans cette loi, il y a la démultiplication des restrictions, obstacles et humiliations immondes qui rendent presqu’impossible l’obtention du droit d’asile.
Le pouvoir nous raconte que tout cela ne concernera que les migrants « économiques », pas les « politiques ». Mensonge. Cette distinction entre deux sortes de migrants n’existe tout simplement pas. Tous sont des victimes d’une politique des États rapaces capitalistes qui ravagent la Terre par les guerres et le pillage économique. Tous sont réfugiés. Tous exigent leur dû pour leurs familles et leur pays et leur venue en Europe est à comprendre comme un acte de résistance face à la barbarie.
Le soi-disant « problème migrant », constamment invoqué dans les discours des hommes politiques, est le carburant de l’évolution vers des régimes fascistes partout en Europe, France de Macron comprise.
Alors le seul mot d’ordre de « solidarité » suffit-il à répondre à cette nouvelle situation ? Non. La solidarité avec les réfugiés contient l’acceptation d’une différence, comme s’ils étaient extérieurs à nous, comme s’il y avait « eux », les victimes, et « nous » leurs défenseurs. Deux corps qui se pensent comme différents, séparés, hétérogènes ne seront pas assez forts pour gagner contre l’Etat raciste et anti-pauvre, l’oppresseur commun.
La lutte doit maintenant prendre la forme d’une désobéissance active aux ordres donnés. Et cette désobéissance doit venir de chacun, quelle que soit sa couleur de la peau, sa culture d’origine, sa nationalité. Un exemple ? Le syndicat CGT des cheminots de Bordeaux dénonce, dans un communiqué du 18/2/18, sa direction qui parle d’ « absolue nécessité » de dénoncer les migrants ; il considère qu’il s’agit d’une « incitation à des pratiques de discrimination et de délation » De telles prises de positions et leur mise en pratique par un refus de devenir des « chasseurs » de réfugiés va de pair avec la lutte des cheminots pour défendre la SNCF. C’est en se pensant et se mettant tous ensemble du même côté, contre l’État et ses lois, que les mécanismes de leur machine de guerre pourront être grippés.



> chronique de l’arbitraire

Argenteuil, 10 mars, la police tire à balle réelle sur un jeune conducteur de 19 ans !
Cette intervention qui aurait pu se terminer de façon tragique, s’ajoute aux violences policières du « contrôle qui a dégénéré » du 5 janvier 2018 (voir RE 169). La version policière : « une policière blesse par balle le chauffard qui tentait de l’écraser », en légitime défense donc ! Ce qui vaut au jeune homme une mise en examen sous la qualification criminelle de tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité publique. Il risque 10 ans de prison. Mais cette version policière est contestée par les témoins et l’avocat de la victime. Devinez à qui est alors confiée l’enquête : au commissariat d’Argenteuil (!), comme ce fut le cas lors de la mort de Monsieur Ziri, et on connaît les conséquences d’absence d’enquête indépendante… c’est « la vérité » de la police qui s’impose.

Bagui Traoré relaxé : la lutte pour Adama se poursuit !
Poursuivi pour avoir fait devant les flics le signe d’un rappeur qu’ils ont pris pour un mime d’arme à feu, Bagui Traoré a été relaxé. Après près de deux ans d’acharnement (deux autres frères sont en prison), suite à la mort d’Adama tué par des policiers en 2016, la famille va pouvoir enfin un peu souffler. Pour Assa, sœur combattante, « cela montre que la lutte paie ». « Il faut qu’on la fasse cette belle révolution » dit-elle car le gouvernement est « en train de créer des zones de guerre ». Le combat se poursuit pour réclamer la mise en examen des flics responsables de sa mort.

Garde à vue à ciel ouvert, la nasse en procès
Le 21 octobre 2010, place Bellecour à Lyon, en pleine mobilisation sur les retraites quelques 700 personnes ont été empêchées de manifester par des force de l’ordre en surnombre, séquestrées, humiliées, contrôlées au faciès, nassées durant 7 heures dans des conditions choquantes (voir RE 91). Dès le lendemain, individus et organisations se sont réunis pour dénoncer cette violation des droits fondamentaux. Le collectif du 21 octobre était né. La plainte contre cette garde à vue à ciel ouvert a abouti à un non-lieu en 2017. L’ensemble des personnes individuelles et organisations plaignantes ont fait appel de cette ordonnance. Un rassemblement était organisé le 22 février pendant que la cour d’appel se réunissait à huit clos. L’examen du dossier a été renvoyé au 27 avril prochain. Infos https://rebellyon.info/Proces-en-appel-de-la-garde-a-vue-a-ciel-18716

Répression brutale des universités en lutte
Le 15 février, deux occupants sans papiers de l’université de Paris 8 à Saint Denis (occupation du bâtiment A depuis le 30 janvier pour réclamer papiers et moyens pour les migrants et dénoncer les violences qui leur sont réservées en Europe voir RE 170), dont l’un est aussi membre du collectif « des vendeurs de la gare de Saint Denis », ont été violemment arrêtés par la police avec la collaboration très active des agents de sécurité RATP et des contrôleurs de la station du métro Saint Denis Université. Les soutiens venus en nombre depuis la fac ont été gazés et menacés au flash ball. Un autre occupant, Omar, a, quant à lui, été interpellé aux guichets de la préfecture où il été allé renouveler sa demande d’asile. Il a été enfermé au CRA du Mesnil-Amelot.
Ailleurs en France, comme à Montpellier, Poitiers, Besançon (où 19 étudiants qui avaient tenté d’intervenir lors du CA de la fac le 14 février sont poursuivis pour « dégradations en réunion »), la mobilisation contre la loi Vidal qui introduit la sélection à l’entrée de l’université (voir RE 170), continue de s’organiser. Mais les obstacles sont nombreux et la répression féroce : à l’université Paul Valéry de Bordeaux, le président refuse d’accorder un amphi pour que des AG puissent se tenir ce qui a contraint les étudiants à en occuper un de façon permanente ; la police a alors été appelée pour les évacuer à coups de matraques et d’insultes telles « bande de bougnoules, vous êtes que des PD ».

Deux victimes ordinaires du flash ball policier
Le 16 novembre dernier, lors d’une manif contre la loi travail XXL réprimée à coups de grenades, une étudiante nantaise reçoit une balle de LBD 40 dans le mollet. Trois jours plus tard en proie à des vomissements et des douleurs violentes, elle se retrouve aux urgences : elle passera près de 25 jours à l’hôpital après que lui soit diagnostiquées une septicémie et une nécrose des tissus. Elle est toujours sous surveillance médicale et en rééducation.
Le 7 mars vers 21h la BAC du 94 patrouille dans le quartier des Hautes Noues à Villiers sur Marne. Suite à un prétendu jet de projectile, les flics se déploient le long de l’avenue Mandela. Sabrina, habitante du quartier, rentre du boulot en voiture. Un baqueux tire au LBD, la vitre avant de sa voiture explose et Sabrina reçoit la balle dans l’aisselle. Les flics commencent par se mettre en retrait, ce sont les habitants qui appellent les pompiers et tentent de la secourir. Adama, son mari, arrive sur les lieux et invective les policiers qui l’aspergent de lacrymo avant de le mettre en garde à vue. Sabrina et Adama comptent porter plainte. Il faut rappeler qu’il y a 9 ans, un autre habitant du quartier, Ali Alexis, avait été éborgné suite un tir de flash ball dans des circonstances similaires. Sa plainte a été classée sans suite (voir l’interview d’Ali réalisée par le collectif Désarmons-les : https://www.youtube.com/watch?v=hVSbY9hC_G0 ).

La police tue aussi en Suisse
Après Hervé Mandundu en 2016 et Lamine Fatty en 2017, ça a été au tour de Mike Ben Peter de mourir suite à un contrôle policier qui s’est achevé par une immobilisation violente et une perte de connaissance. Une manif contre la violence et le racisme de la police (les trois hommes étaient noirs et en situation de précarité) a été organisée par proches et militants et le 8 mars certains d’entre eux peignent un graffiti sur un terrain pourtant légal quand la police intervient pour les arrêter : l’inspecteur qui les interroge leur assure « c’est politique ça ira loin ». Le texte du graffiti incriminé : « ici aussi la police assassine , Lamine, Mike… ».

« L’État assassine renversons-le ! »
« Pas de justice, pas de paix », « Mur par mur, pierre par pierre, nous détruirons vos centres de rétention » autant de slogans qui ont résonné ce samedi 17 mars dans les rue parisienne. Une manifestation a réuni plus de 10 000 personnes au départ de l’Opéra et ceux malgré le froid et la neige intense. Au cœur de cette « marche des solidarité » la lutte contre les politiques migratoires honteuses et les crimes policiers racistes. Des collectifs des familles de victimes de violences policières suivies des collectifs de soutien aux migrants ont ouvert la déambulation qui s’est terminée à Stalingrad où se sont enchaînées les prises de paroles au milieu des stands associatifs.

« Ici on est dans un État de droit… on se tait et on obéit »
Réplique de la BSQ. Fin 2015, 18 jeunes du XIIe arrondissement à Paris portaient plainte contre les policiers de la BSQ (dit « les Tigres ») dénonçant leur quotidien fait de contrôles au faciès, d’arrestations arbitraires, d’insultes racistes, de gazages et de violences [voir RE 148]. Malgré un dossier bien rempli, seul 4 policiers étaient jugés au TGI de Paris pour « violences par personnes dépositaires de l’autorité publique » les 21 et 22 février. Le procureur a requis 5 mois de prison avec sursis, le jugement est attendu pour le 4 avril. Depuis la plainte le quotidien de ces jeunes n’a pas vraiment changé, c’est peut être même pire pour les plaignants, sujets aux coup de pression des policiers visés. Seul changement : une camera piéton a depuis été imposée à la brigade. Bien entendu c’est les policiers eux même qui déclenchent l’appareil, pourtant, malgré cela, les images sont révélatrices : contrôle sans motifs, fouille au corps répétée, fausse accusation… les images sont visibles sur https://www.youtube.com/watch?v=MZaLvGsQMcc L’histoire ne dit cependant pas ce qui se passe la caméra éteinte…

Plus Bure sera leur chute !
Le 22 février, 500 gendarmes affrontent une douzaine d’occupant·e·s du bois Lejuc, propriété de l’État acquis frauduleusement, devenue il y a deux ans et demi une ZAD qui lutte contre le projet d’enfouissement de déchets radioactifs dans un village de Meuse, Bure. Expulsé·e·s, les occupant·e·s sont revenus occuper les cabanes qui restent. Bure est la nouvelle ZAD phare depuis l’abandon de l’aéroport de NDDL obtenu grâce à une lutte acharnée.Après l’aéroport, virons l’Etat de Bure pour se réapproprier nos territoires et les aménager collectivement. Plus d’infos : https://vmc.camp/



> agir

Tabassé par la BAC il y a 5 ans, c’est Mathieu Rigouste
qui passe en procès le 10 avril à Toulouse à 14 heures. Il est accusé par la police de violences, d’outrage et rébellion. Un rassemblement est prévu devant le tribunal à cette occasion avec le comité vérité et justice 31. Ils appellent à renforcer les solidarités avec toutes les victimes des violences d’Etat.

Angelo Garand tué par le GIGN ou l’engrenage carcéral
Dans l’émission du 5 mars, l’Actualité des Luttes - FPP – diffuse l’enregistrement d’une réunion publique sur l’engrenage carcéral, organisée par la famille et le comité de soutien d’Angelo Garand, qui se tenait à Blois ce 22 février 2018. A écouter sur https://paris-luttes.info/radio-angelo-garand-tue-par-le-9681

Autopsie des techniques policières et journalistiques pour maquiller les violences policières
« La récurrence des violences policières a obligé les policiers et certaines rédactions journalistiques à la botte de la préfecture, à développer des techniques pour masquer la violence manifeste des pandores. » ainsi est introduite cette analyse des techniques mises en œuvre, à lire sur https://paris-luttes.info/autopsie-des-techniques-policieres-9334

Le Collectif des vendeur-e-s de la Gare et de leurs soutiens
Sur le parvis de la gare de Saint-Denis, lieu de vente de rue, de vie et de rencontres, s’opère depuis plusieurs mois une répression inacceptable contre les vendeurs et vendeuses. Un collectif s’est constitué, un rassemblement et une manifestation ont déjà eu lieu respectivement les 15 décembre 2017 et 12 janvier 2018. Une lettre adressée à la mairie est jusqu’à présent restée sans réponse. Le collectif lance un appel à signature en vue de la rendre publique. Contact : chouettesbrochettes@netcourrier.com

Débats –justice violence quotidienne
dimanche 25 mars, 10h, Bourse du Travail de Saint-Denis, M° Porte de Paris.

Justice pour tous 2
discussions, concert, buffet, samedi 31/3, à partir de 15h, à la CNT, 33, rue des Vignoles, 75020 Paris.