Dans le « nouveau monde » de Macron, les proviseurs sont des gendarmes

bulletin numero 177 - novembre - decembre 2018


21 novembre 2018


Dans le « nouveau monde » de Macron, les proviseurs sont des gendarmes

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 177 – novembre/décembre 2018


Dans le « nouveau monde » de Macron, les proviseurs sont des gendarmes

Dans le dernier numéro du bulletin RE nous étions déjà inquiets d’apprendre que les revendications des professeurs du lycée Utrillo de Stains (93) portant sur davantage de moyens humains et matériels avaient trouvé pour seule réponse le recrutement par le rectorat de Créteil d’un ancien gendarme en guise de proviseur adjoint.
La réalité est bien plus grave : ce proviseur n’est autre qu’un chef d’escadron de gendarmerie détaché dans ce lycée afin de faire son sale boulot répressif sur au moins tout le nord-ouest du département en liaison avec la préfecture depuis l’intérieur même de l’établissement. Le fait est sans précédent. Après l’envoi de CRS au sein de l’université de Nanterre pour évacuer une AG, Macron a décidé d’en finir définitivement avec l’idée d’une école « sanctuaire », inaccessible à la police et à l’armée. Les conséquences de cette nomination sont absolument désastreuses. D’abord pour tous les élèves des quartiers populaires, clairement désignés comme délinquants potentiels et plus encore pour ceux d’entre eux qui commettent des délits avérés comme les élèves sans-papiers ou encore les élèves bloqueurs et militants.
Et, attention, cette initiative n’a rien d’un fait isolé : elle n’est que la suite logique de la politique menée par le gouvernement dans le domaine de l’éducation. Les suppressions massives de postes et les « réformes » du lycée professionnel et du lycée général qui leurs sont associées vont achever d’ôter tout espoir de réussite sociale aux élèves des quartiers populaires, alors, comment maintenir le calme si on ne peut plus rien espérer de l’école ? Le désespoir causera encore plus de colère, et cette colère il faudra la mater : d’où le proviseur-gendarme et son escadron de professeurs sous surveillance militaire. En effet, dans ces conditions, quel prof osera encore protester ? Comment prétendre encore transmettre des savoirs ? Enfermés dans ces « camps de redressement » à la Macron, comment encore convaincre les élèves qu’un prof n’est pas un flic ?
Le cas d’Utrillo a assurément valeur d’expérimentation, parions qu’il a vocation à s’étendre. La preuve ? Fin octobre , l’affaire de la professeure du lycée Branly de Créteil « braquée » par un élève brandissant un flingue postiche alors qu’elle était en train de relever les absences sur internet ( fonction policière s’il en est), a constitué pour le ministre Blanquer l’occasion d’ annoncer son plan : il suffira désormais à la « communauté éducative » d’en faire la demande pour obtenir qu’un flic s’installe au sein d’un établissement.
C’est terrible, mais c’est vrai depuis que le « nouveau monde » de Macron est devenu notre monde.
Les professeurs d’Utrillo ont répondu à cette nomination par la grève, la mise en ligne d’une pétition (« de vrais moyens pour Utrillo » sur change.org ) et d’une caisse de grève (https://www.lepotcommun.fr/pot/udxsg8y1) ; des dizaines de lycées ont voté des communiqués pour les soutenir ; un rassemblement de plus de 200 personnes a eu lieu le 14 novembre devant la basilique de Saint Denis. Cela suffira-t-il ? L’enjeu est de taille, car chasser ce proviseur-gendarme c’est mettre à bas l’un des piliers du monde tel qu’il est désormais. Alors, il faut que tous et toutes, professeurs, élèves, parents d’aujourd’hui, d’hier et de demain, nous mettions du cœur à l’ouvrage.





> chronique de l’arbitraire

L’État attaqué pour contrôle au faciès
Il y a un an une classe du lycée Louise Michel (92) revient d’un voyage scolaire à Bruxelles. Gare du Nord, seuls trois élèves sont contrôlés, avec palpations, tutoiements et menaces contre leur professeure enceinte qui protestait. Le 22 octobre a eu lieu à Paris, le procès qu’ils ont intenté à l’État pour contrôle au faciès, estimant qu’ils étaient contrôlés, car noirs de peau. En dépit des témoignages du reste de la classe et de leur professeure, les représentants de l’État ont nié l’existence de cette discrimination honteuse. Jugement le 17 décembre.
Et en province c’est pareil. Le 6 novembre à Nantes (44), un groupe de 4 hommes en civil, a procédé en 1h à une dizaine de contrôles d’identité, uniquement sur des personnes noires et en majorité des exilé-es ! Selon leurs dires, même si les exilé-es leur montraient un document d’identité ou de minorité « ce sont tous des baratineurs, des menteurs » et s’il y a un doute « ben on embarque et on auditionne ».

À Bure (Meuse), la stratégie de l’asphyxie policière et judiciaire
Des centaines de mois de sursis distribués, près de 2 ans de prison ferme, des milliers d’euros d’amende, des interdictions de territoire, contrôles judiciaires, perquisitions et un escadron de gendarmes mobiles installé sur place depuis l’été 2017. Le 16 octobre, le TGI de Bar-le-Duc jugeait en son absence le militant et journaliste Gaspard d’Allen. Et pour cause, celui-ci n’a jamais été informé de son procès. Le procureur d’expliquer qu’il lui avait été adressé une convocation à une adresse à Paris, or Gaspard est domicilié à proximité de Bure depuis cinq ans et y a été filmé durant des semaines presque quotidiennement par les gendarmes. « Radicalement introuvable », c’est le procureur qui le dit, et pendant ce temps-là les perquisitions se multiplient…
Plus d’infos à lire sur le nouveau site lié à la lutte contre CIGEO : https://bureburebure.info

Mort pour vol à l’étalage
Le vendredi 19 octobre à la Trinité, près de Nice, il est 5 heures moins le quart, lorsque des vigiles interpellent Fehmi, 21 ans, accusés de vol à l’étalage. Encore une fois les médias ressassent la version officielle décrivant un jeune homme violent, connu des services de police, comme si cela pouvait justifier sa mort. Il était épileptique, il est vrai… il est donc décrit comme « souffrant d’une santé très dégradée ». Des « sortes de convulsions », des « gestes désordonnés » révélés par la vidéo surveillance sûrement due à une crise d’épilepsie se transforment en « comportement agressif », sur l’intertitre de l’article de presse. En guise de « traces de violences » il aurait eu au moins le nez cassé le visage tuméfié et la thèse d’un œdème au niveau du crâne cause de sa mort et du à l’épilepsie disparaît à l’autopsie. Une enquête a été ouverte pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Le lundi 22 octobre, quelque 300 personnes défilaient dans les rues de la Trinité pour réclamer vérité et justice.

Arrêt cardiaque ? Et le Taser ?
Le 10 octobre à Hendaye un trentenaire entre dans une pharmacie. Apparemment connu des riverains, il est dans un « état d’excitation extrême ». Il se dit menacé de mort. Lorsque la police intervient, le jeune homme s’est réfugié dans une maison. Aurait-il été victime d’un malaise lors de son interpellation ? Les secours le réaniment sur place avant de le transporter à l’hôpital où il décède 3 jours plus tard. La famille qui dénonce l’utilisation d’un taser électronique comme cause de l’arrêt cardiaque appelait à une marche silencieuse le samedi 20 octobre en direction du commissariat d’Hendaye.

Course poursuite avec la BAC
Bakary, 26 ans, a été retrouvé mort dans l’étang du bois de Boulogne à Paris. La famille s’interroge sur les circonstances de sa mort. Les faits remontent au 9 septembre. Lorsque la police prévient les proches du décès, ces derniers apprennent qu’une équipe de la BAC avait pris en chasse le jeune homme au moment des faits parce qu’il était « soupçonné d’avoir tenté de commettre une infraction ». Bakary aurait alors chuté dans l’étang, pourtant il savait nager et le plan d’eau n’est pas réputé pour sa dangerosité. Le père de la victime qui a pu voir le corps a également remarqué « des traces de sang sur son corps ». La famille du jeune homme a porté plainte pour faire toute la lumière sur cette affaire.

Au départ, un refus d’obtempérer…
Mercredi 17 octobre, à Toulouse, la police prend en chasse une Twingo. La course poursuite dure près de 20 minutes, et se termine lorsque le conducteur, âgé de 16 ans, perd le contrôle du véhicule. Deux passagers sont blessés, l’un d’eux grièvement, le conducteur est décédé des suites de ses blessures au CHU.

Dernière tendance en matière de répression
Une proposition de loi en vue de durcir encore les possibilités de répression concernant les manifestations a été votée au Sénat le 23 octobre. Le projet devra passer à l’Assemblée où la majorité est autre, mais pas complètement opposée à l’esprit. Pour une bonne part il s’agirait de pérenniser des pratiques disparues avec la fin de l’état d’urgence (la loi du 30 octobre 2017, qui a fait entrer dans le droit commun beaucoup de ses mesures ), ou encore de valider des pratiques de fait.
Contrôle préalable et fichage des manifestants, interdiction préventive et nominative de manifester, durcissement des peines pour dissimulation du visage, ou encore faire payer les dégradations à n’importe quel manifestant pris dans une manif interdite ou après les sommations d’usages appelant à la dispersion… ça donne le ton. Plus d’info sur https://rebellyon.info/Les-7-ambitions-du-senat-pour-prevenir-et-19720

3 mois de sursis pour deux yeux crevé
Le 9 mai 2009, une patrouille de 3 flics sur laquelle des jeunes du quartier de la Cerisaie à Villiers-le-Bel ont lancé quelques projectiles, réplique en tirant au LBD éborgnant Bruno et Alexandre. Ce fait nous avait inspiré l’édito « œil pour œil, dent pour dent » du bulletin RE 76. Plus de 9 ans plus tard, le flic tireur a été condamné à 3 mois de prison avec sursis. On est très loin de la loi du talion.

Un logement pour tous les baras !
En bambara le mot « bara » signifie « travailleur », étrange coïncidence, à Montreuil, le foyer habité par des travailleurs africains depuis sa construction en 1968, se trouve dans la rue Bara. Le bâtiment tenu au mieux par ses habitants, constitue un refuge pour tous ceux qui voudraient manger un bon plat à bas prix, se faire couper les cheveux ou coudre un costume ... Mais faute d’entretien et d’investissements réguliers, il tombe en morceaux. En 2013, un projet de reconstruction a été décidé par l’État, la mairie et les sociétés propriétaire et gestionnaire du bâtiment ce qui supposait de reloger les 440 habitants titulaires, provisoirement ou définitivement (le nouveau foyer n’étant prévu que pour 160 personnes). D’après leurs calculs, 180 personnes doivent l’être encore, ce qui a conduit le maire de Montreuil, Patrick Bessac, pressé d’en finir avec cette procédure, à déclarer les locaux insalubres et à réquisitionner un bâtiment inoccupé, appartenant à l’État, afin d’abriter une centaine de personnes. Mais le 19 novembre, le tribunal a condamné cette décision et ordonné l’expulsion des « squatteurs ».
2013 c’est aussi l’année où s’est formé le « collectif bara », du nom de ce même foyer de Montreuil, mais désignant des travailleurs africains arrivés de Lybie et s’étant regroupés sur une place à proximité. Depuis, ces hommes se déplacent de squatt en squatt, le dernier est l’ancien bâtiment de la sécurité sociale à Bagnolet. Le 5 novembre, le tribunal a encore demandé son expulsion.

À Marseille, la politique du logement fait 8 morts
Le mot d’ordre général de "sécurité" n’inclut manifestement pas celle des logements de Marseille : rue d’Aubagne, au cœur du quartier Noailles en plein centre, deux bâtiments se sont écroulés le 5 novembre causant huit morts. « C’est à cause de la pluie » dit le maire Gaudin, alors qu’il s’agit d’immeubles vétustes qui n’ont jamais été entretenus par les propriétaires malgré plusieurs expertises qui les mettaient en garde. En même temps que des murs tombent sur les habitants, un mur est construit autour de la Plaine, l’une des places historiques et populaires de la ville, afin de sécuriser un chantier qui va coûter 20 millions d’euros à la ville. Une marche de la colère a réuni les habitants de ces quartiers populaires du centre-ville devant la mairie pour exiger la démission de Gaudin et s’est terminée avec une charge de la police qui a blessé huit manifestants.





> agir

Pour lancer une campagne nationale contre les armes de police,
l’Assemblée des blessés organise une conférence sur le thème « Armes de police et blessures de guerre » le 22 / 11 à 17h30 à la Faculté de Médecine de Paris, Amphi P, 15 rue de l’École de Médecine, Métro Odéon et s’adressera à la presse le 24/11 à 10h30 à la Bourse du Travail de Paris, rue du Château d’eau, Métro République.

Babacar Gueye on oublie pas !
Samedi 1er décembre à 13h12 à Maurepas, quartier populaire du nord de Rennes, le Collectif Justice et Vérité pour Babacar Gueye appelle à venir en soutien à Awa Gueye et à ses proches pour commémorer la mémoire de son fils, tué par un flic de la BAC le 3 décembre 2015 de 5 balles dans le corps.

Après l’adoption définitive de la loi ELAN
mi-octobre, il devient urgent de se procurer le ォ Guide pratique d »autodéfense ・ destination des personnes menacées d’expulsions de leurs lieux de vie édité par le collectif anti-expulsions de Lille :
https://mars-infos.org/guide-pratique-d-autodefense-a-3175.

Pour la libération de Georges Abdallah
Le 20 octobre environ, 500 personnes ont manifesté devant la prison de Lannemezan (65) où Georges Abdallah entame sa 35ème année de détention pour exiger sa libération. Ils sont venus de partout (de Bordeaux, de Nantes, de Marseille, de Paris, de Belgique...). Cette lutte s’inscrit dans le cadre d’une semaine internationale pour sa libération : plus de 30 actions ont eu lieu en Europe et de par le monde. Prochain RV : meeting à Paris, le 26 janvier 2019. Contact : campagne.unitaire.gabdallah@gmail.com
Facebook : https://www.facebook.com/detouteurgence/