« Nous ne sommes pas des terroristes, mais le peuple en difficulté ! »

bulletin numéro 181 du 31 mars 2019


31 mars 2019


« Nous ne sommes pas des terroristes, mais le peuple en difficulté ! »

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 181 du 31 mars 2019


« Nous ne sommes pas des terroristes, mais le peuple en difficulté ! »

Lu sur une pancarte de GJ, Acte XIX

Souvenons-nous : en 2015, lors de l’attaque du Bataclan, on a interdit aux militaires présents d’intervenir ou de prêter leurs armes aux policiers sur place : « nous ne sommes pas en zone de guerre » disait le pouvoir. Alors comment le gouverneur militaire de Paris peut-il tranquillement parler en mars 2019 d’« ouvrir le feu » sur les GJ ? Les GJ sont-ils plus dangereux que Daech pour le pouvoir ?
C’est que tout a été fait pour construire l’image d’un GJ voyou, pilleur, casseur et finalement terroriste … Et par extension, ce sont tous ceux qui participent aux manifestations qui sont assimilés par Macron à des terroristes : « lorsqu’on va le samedi dans des manifestations violentes, on est complice du pire ». L’ex-candidate de la gôche à la présidentielle, Ségolène Royal, crache aussi son venin : « certes les black blocs ne sont pas des terroristes, mais ils sèment la terreur. Et donc c’est la même chose. »
La manif sur les Champs Elysées le 16 mars sert de justification pour sortir les Famas contre le peuple. On a été inondés par des images censées être terrifiantes : des lieux de luxe en feu, la médiatisation à outrance de la peur d’une femme et de son bébé alors même que la mort, vraie, de Zeineb Redouane, 80 ans, à cause d’un jet de grenade lacrymo de la police à Marseille, est soigneusement occultée depuis décembre dernier. Des magasins de marque, des restaurants symboles de la richesse insolente ont été saccagés. Mais les bijoux de chez Bulgari, les vêtements de chez Hugo Boss n’ont pas été volés par ceux qui les ont attaqués, mais jetés par poignées à la foule. Chacun peut être d’accord ou pas avec ces formes de lutte mais quand le pouvoir nie leur caractère politique il ment et se sert de son mensonge pour justifier de nouvelles violences. Le 23 mars, à Nice, une dame de 73 ans est gravement blessée à la tête et le nouveau Préfet de Police de Paris, qui remplace l’ancien, jugé trop « mou » (!), fait charger les LBD de munitions encore plus mutilantes.
Les bottes qu’on craignait voir aux pieds de Le Pen, sont chaussées par Macron. Le « Grand débat » ayant pris de l’eau, il ne reste à ce pouvoir que la répression, la censure, la manipulation et les calomnies. Les sourires condescendants du plus jeune président que la France ait connu cachent le visage hideux de la dictature. Pendant qu’il réprime les GJ et braque les regards sur les violences Macron passe ses réformes destructrices au bulldozer (retraites, santé, loi Blanquer sur l’éducation, loi « anticasseur »…)
Pourtant, malgré le recours à l’armée pour le « maintien de l’ordre », une première depuis les grandes grèves de 1947, ça continue, le « peuple en difficulté » n’a toujours pas eu peur et sort dans les rues parisiennes le 24 mars. Et l’horizon de ses luttes ne cesse de s’élargir : quel plaisir de voir les drapeaux algériens applaudis par leur cortège à Barbès ! L’Assemblée de Assemblées réunie à Commercy le 26-27 janvier appelle à lutter contre le racisme et l’antisémitisme et convoque une nouvelle assemblée du 5 au 7 avril à Saint Nazaire. Gageons que l’esprit de la Commune de Paris de 1870 y soufflera là-bas encore (provoquant encore plus de panique du côté des possédants.



Mutilations et prisons fermes

Le 24 mars la ministre de la justice dénombrait 2000 condamnations – dont 40% à de la prison ferme. S’ajoutent les 1 800 personnes en attente de jugement et les GAV plus récentes. Le bilan est lourd. Instants choisis :
Acte XVII à Lyon, Thomas 22 ans se retrouve avec d’autres piégé par la police dans une ruelle. Les manifestants présents commencent à lever les mains en signe de non protestation lorsque Thomas s’écroule au sol, inconscient. Il a été atteint par une grenade lacrymogène lancée par la police à tir tendu. Thomas a la mâchoire et les os autour de l’œil fracturés. Dans un appel à témoin sa famille commente c’est « le résultat d’une stratégie injustifiée et injustifiable pour contenir un mouvement social. »
Et les mutilations sont nombreuses (voir liste sur le site https://desarmons.net/).Un homme a été grièvement blessé au visage (mâchoire et dents) par un tir de LBD 40 à Paris le 2 mars. Le 9 mars, un homme, syndicaliste CGT, a eu une fracture du péroné (45 jours d’ITT) à cause d’un tir de LBD 40 à Lyon et Melisande, 31 ans, a été blessée à la main à Quimper. À Paris le 16 mars, David B. a perdu un œil à cause d’un tir de LBD 40, Laurence R.M. a eu une fracture des sinus et une fracture du plancher orbital à cause d’un tir de LBD 40 et un homme a eu une partie du pied arraché par une grenade GLI F4.
L’État s’attaque aussi à ceux qui dénoncent ces violences : le 25 mars après une conférence sur le maintien de l’ordre qu’il animait, un membre du collectif Désarmons-les a était interpellé à la descente du train. Il a été placé en garde à vue, il avait sur lui des munitions vides pour illustrer son exposé. Le collectif dénonce « cette interpellation aux allures d’enlèvement, qui s’apparente aux agissements d’une police politique, dont les intimidations vont croissantes à l’encontre des acteurs de la contestation sociale. » Plus d’infos : https://paris-luttes.info/ian-b-de-desarmons-les-interpelle-11869
Lanceurs de balles, grenades en tout genre, gaz incapacitant, CRS, BAC, DAR, les « voltigeurs » remis au goût du jour (deux flics à moto armés de LBD et de grenades), loi « anti-casseurs » (ou plutôt anti-manifestants), interdictions de manifestations, décret qui passe à 135 euros l’amende pour les participants à une manifestation interdite, comparutions immédiates, usage systématique de l’inculpation pour « groupement en vue de commettre des dégradations ou des violences » véritable fabrique à peine de prison ferme…



Répression dans l’éducation

Alors que le mouvement désobéissance prend une ampleur inédite du côté des profs (voir RE 180), s’étendant maintenant à ceux des écoles qui refusent d’évaluer leurs élèves selon les modalités fixées par le ministre, les chefs d’établissements, les recteurs et inspecteurs académiques commencent à paniquer et menacent de sanctions. La répression a été lourde face aux enseignants de Toulouse qui ont bloqué de leurs corps les grilles du rectorat : les flics les ont gazés à bout portant et jetés par terre. Quant aux étudiants de l’EHESS qui ont voulu lire un texte dénonçant l’hypocrisie des ministres Blanquer et Vidal venus sur place lancer un plan « Bienvenue en France » contre le racisme et l’antisémitisme alors qu’ils augmentent par ailleurs les frais d’inscription pour les étudiants étrangers, ils ont été parqués par la force dans une salle adjacente vitrée. Du côté des lycéens, l’État a comme toujours la dent encore plus dure. Des lycéens de Romain Rolland d’Ivry contre lesquels la direction de leur lycée avait porté plainte suite à un tag « Macron démission » en décembre dernier, ont été insultés et menottés lors de la perquisition de leur domicile : les flics sont repartis avec des armes servant d’accessoires à un atelier théâtre, des ordis mais aussi des drapeaux de l’Algérie et du PSG... Au moins 3 des lycéens jugés pour l’occupation du lycée Arago à Paris le 22 mai 2018 ont découvert lors de voyages à l’étranger qu’ils avaient désormais été fichés « S » pour atteinte à la sûreté de l’État. L’étau se resserre autour de tous ceux qui osent ne serait-ce que lever le petit doigt contre le pouvoir.



> chronique de l’arbitraire

Région lyonnaise : Vérité et Justice pour Adam et Fatih et pour toutes les victimes de la police
Dans la soirée du samedi 2 mars à Grenoble, Adam Soli, 17 ans, et Fatih Karakuss, 19 ans circulaient à scooter sans casque quand une voiture de la BAC se met à les poursuivre. Ils finissent écrasés contre le parapet d’un pont et meurent sur le coup. Pour la police, il s’agit d’un « accident ». Mais pour la famille c’est la police qui est responsable de leur mort comme elle l’a déjà été de celle Thomas à Vaulx-en-Velin en 1990, de Tina et Raouf à St Fons et de Moushin et Lakhamy à Villiers -le-Bel en 2007, de Malek près de Metz en 2010, d’Elyes 14 ans à Romans sur Isère en 2015, de Mehdi à Vénissieux en 2016.
La habitants du Mistral ont exprimé leur révolte en s’affrontant durant trois nuits avec la police, un jeune a perdu un œil suite à un tir de flashball. Les familles d’Adam et Fatih et leurs soutiens ont appelé à rejoindre le cortège lyonnais de la manifestation du 16 mars à l’occasion de la journée internationale contre les violences policières. Cette manifestation dont la banderole de tête clamait « on vous tue » a convergé avec la manifestation de GJ jugeant que « les combats contre les violences policières, contre les injustices sociales, contre le racisme et tellement d’autres causes font des quartiers populaires des gilets jaunes malgré eux ».

Pour Adama, pour Wissam la bataille en justice des expertises médicales
En septembre dernier, les juges d’instruction s’apprêtaient à enterrer l’affaire Adama Traoré , après la livraison d’une expertise médicale concluant à une mort naturelle d’Adama. C’est pourquoi la famille a fait réaliser, à ses frais, une contre-expertise par des spécialistes indépendants, qui mettent en cause le plaquage ventral, cause documentée de la mort par asphyxie posturale de plusieurs autres victimes de violences policières. Avec son avocat, Maître Bouzrou, elle demande une reconstitution et une nouvelle audition des gendarmes.
Ce rapport à été remis à la justice et porté à la connaissance de la presse.
Dans maintes affaires de personnes décédées aux mains des forces de l’ordre, les expertises médicales ont une tendance récurrente à attribuer la mort à une crise cardiaque dans le but d’innocenter la police ou la gendarmerie. Pourtant, suite à un pliage, un plaquage, causes d’asphyxie, le cœur s’arrête !
La dernière expertise ordonnée par la Cour d’appel pour Wissam El Yamni, rendue en Janvier 2019 l’affirme : ni pathologie cardiaque, ni mélange alcool-cocaïne, mais « un arrêt cardio-respiratoire asphyxique » dû au pliage.

Techniques de pointe pour un flicage généralisé
À Saint-Etienne, une cinquantaine de « capteurs sonores intelligents seront capables de distinguer les bruits anormaux » ont été installés. « Que les gens se rassurent, nous n’allons pas les espionner », assure la municipalité. Ben voyons !
En Île-de-France, Valérie Pécresse, présidente d’IDF Mobilités, souhaiterait expérimenter la reconnaissance faciale dans les transports en commun à l’image de Christian Estrosi, le maire (LR) de Nice qui l’a testé lors du Carnaval. « C’est une question de volonté politique, car la technique est là », ajoute Péchenard, vice-président de la région chargé de la sécurité.
Sur tout le territoire la DGPN a mis en place des cellules spéciales d’enquête sur les Gilets jaunes qui examinent des images de caméras de vidéosurveillance, ou postées sur les réseaux sociaux, ou encore celles des agents infiltrés du mouvement. Leur but : identifier, interpeller et présenter à la justice les auteurs de violences commises dans le cadre des manifestations.
Pour la prévention du terrorisme, la loi prévoit aussi la mise en place de dispositifs de traitement automatisé de ces données récoltées donc de mettre en place un système de surveillance de toute la société. Ce « capitalisme de surveillance » qui se développe menace nos libertés mais pire encore entend modifier nos comportements individuels !

« Comme on a pas de papiers on a pas de droits
mais on est des êtres humains comme tous »

Début mars un retenu du CRA de Bordeaux témoignait : « au CRA de Bordeaux on se fait traiter comme des chiens. Une seule toilette pour 20 personnes. Si t’étais pas toxico avant, tu deviens toxico dedans avec les cachets du médecin. C’est censé nous calmer mais ça rend les gens fous, tout le monde essaye de se suicider. Les flics,ils viennent la nuit, tu te fais scotcher ; on te met le casque direct. Si tu résistes les policiers ils parlent pas ils envoient direct du gaz et ils s’en vont ils te laissent dans le gaz ».
Avec ces conditions de vie inhumaines et l’allongement du délai maximal de détention à 90 jours, la lutte à l’intérieur de ces prisons pour étrangers se développent, Bordeaux, Paris, Lyon, Lille… les grèves de la faim se multiplient. Diffusion de témoignages, parloirs sauvages, rassemblements, manifestations en solidarité avec les prisonniers en lutte.
Le 17 mars en soutien à la grève de la faim au CRA de Lyon Saint Exupéry les soutiens ont pu se faire entendre des détenus, des familles ont pu communiquer avec leurs proches, le rassemblement à été interrompu par la police. À l’intérieur la PAF a réprimé les détenus à coups de matraque et de gaz.
Infos : https://abaslescra.noblogs.org/.

Agressions contre les Rroms
extrait du communiqué de l’association la Voix de Rroms : « Suite aux “fakes news” racistes parlant de tentatives de kidnapping d’enfants, des agressions ultra-violentes de personnes rroms, roumaines, ou perçues comme telles, se multiplient depuis (le 26/03) en Île-de-France. Des milliers de gens terrorisés (...) Nous appelons chacun à contribuer à la protection urgente des personnes ciblées par ces attaques criminelles ». Contact : polejuridiquem16m@gmail.com
Comment de telles exactions sont-elles possibles ? L’État français depuis des décennies mène à l’égard des Rroms une politique raciste d’exclusion, une politique qui n’a pu qu’encourager les agresseurs actuel, alors que l’extrême droite manifeste au grand jour comme avec l’occupation de la CAF de Bobigny par le groupuscule Génération identitaire.