Café, sucre et Gilets jaunes

bulletin numero 183 – du 2 juillet 2019


2 juillet 2019


Café, sucre et Gilets jaunes

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 183 – du 2 juillet 2019


Café, sucre et Gilets jaunes

Vous avez déjà fait l’expérience. Vous mettez un morceau de sucre debout dans un fond de café…. Et miracle, le liquide noir du café envahit peu à peu le sucre, il monte, finalement le morceau devient tout noir et friable. Le café a gagné. Ce phénomène s’appelle la capillarité. Les forces moléculaires individuelles, éparses, gagnent sur la structure apparemment solide du morceau.
Les mouvements sociaux véritables sont à l’image des forces de la nature. Les GJ, comme le café qui monte, se débarrassent de l’influence de tout le carcan du vieux monde : partis, bureaucraties syndicales... Les puissants se moquent d’eux, ils ne seraient « que » deux cent mille, vingt mille… c’est peu par rapport aux 65 millions habitants de ce pays nous raconte-on. Mais comme les gouttes de café, la lutte inventive, en apparence désordonnée, envahit peu à peu moralement toute les consciences individuelles de ceux qui vivent ou constatent les injustices du système.
L’appropriation de la défense des services publics devient une question d’honneur et de survie face au rouleau compresseur du pouvoir. Les infirmières utilisent les congés maladie pour éviter les réquisitions et faire valoir leur droit de grève, les enseignants font grève lors des surveillances du bac et refusent de corriger ou de rendre les copies, refusent des audiences qui ne répondent pas à leurs conditions… Ce sont des méthodes « peu acceptables », sacrilèges, crie le pouvoir, mais les calomnies ne marchent plus. Comme le café qui monte, en dépit de la fondamentale loi de la pesanteur qui attire vers le bas, la loi capillaire du bouleversement social déclenché par les GJ se passe aussi des vieilles leçons de morale. Sur la base de l’enracinement local, des GJ existent et résistent en dépit du silence des médias à la botte. Les ronds-points, l’ouverture des autoroutes, les actions d’éclat continuent… en dépit aussi de la répression féroce et multiforme : mutilations, GAV massives, peines de prisons à la louche, fichage général et proprement liberticide comme celui des participants à la cagnotte de soutien au GJ boxeur de l’Acte XVIII peut être même des signataires de la pétition pour un référendum contre la privatisation des aéroports de Paris.
Malgré tout, ça continue. Même des convergences, jugées impossibles avant, comme en témoignent de nouveau le rassemblement Adama/GJ le 20 juillet à Beaumont sur Oise, le soutien de parents aux profs et de patients au personnel hospitalier, ou encore la présence des GJ aux côté des ouvriers en lutte de GE à Belfort…. Qui aurait pu imaginer cela ? C’est la vraie convergence des luttes qui se prépare, pas par un accord des appareils syndicaux et des partis de « gauche », y compter serait retomber dans le vieux monde, se résigner à la défaite.
La capillarité est une force irrésistible, indomptable. Question : l’Etat deviendra-il assez friable pour faire qu’il s’écroule ?



GJ : bilan de la répression

Fin mai, le procureur de la république de Paris, Rémy Heitz, dans une interview au Parisien, livre le bilan officiel du traitement judiciaire du mouvement des GJ : sur 2907 GAV, 1304 ont donné lieu à des classements sans suite, récusant, au mépris des faits, que ces GAV aient joué comme une interdiction de manifester. Le procureur annonce également que des informations judiciaires mettant en cause des policiers lors des manifs de GJ ont été ouvertes (pour l’instant seuls 8 dossiers dont celui ayant coûté un œil à Jérôme Rodriguez) et que des policiers seraient renvoyés en correctionnelle d’ici la fin de l’année ! Cela a déclenché l’ire des syndicats policiers qui n’ayant pas peur du ridicule, ont estimé que leurs collègues étaient « donnés en pâture à la vindicte populaire » et réclamé la mise en place de « magistrats spécialisés », un policier n’étant pas, à leurs yeux, un « justiciable comme un autre ». La où on peut les rejoindre c’est sur l’idée que ces violences ne sont pas le fait « d’un seul individu tout seul derrière son LBD » mais relève de la responsabilité du « ministère ».
Mais ce bilan est malheureusement destiné à s’alourdir suivant toujours le même schéma : chaque nouvel Acte affronte la brutalité policière et l’arbitraire judiciaire. À titre d’exemple, le mardi 11 juin suivant l’Acte 30 de la mobilisation à Montpellier, la juge Boussaguet a été au delà des réquisItions du procureur en envoyant 2 GJ en prison pour 6 mois, un autre est sorti avec 8 mois de sursis et 3 contrôle judiciaires pour ceux qui ont réclamé un report de leur procès. Les accusations ? Outrage et rébellion pour ceux qui ont été filmés faisant un doigt d’honneur, violence envers agent alors même qu’aucune victime ne s’est déclarée du coté des flics et participation à un attroupement en vue de commettre des violences pour ceux qui portaient des protections (lunettes de chantier). À Montpellier, comme en Ile-de-France, la solidarité s’organise : dispense de conseils juridiques, mise à disposition d’avocats, réunions publiques, évènements comme des rassemblements de soutien aux détenus tous les 1ers dimanche du mois devant la prison de Villeneuve- lès-Marguelone. Autre source solidaire pour préciser l’horreur du bilan : le travail de recensement des victimes prises en charges par les équipes de street médics à lire pour chaque Acte sur https://coordination-1ers-secours.fr/category/communiques/.



> chronique de l’arbitraire

Nantes : Steve porté disparu après une intervention policière musclée
La nuit du 21 juin, c’est la fête de la musique. À Nantes, plusieurs centaines de jeunes participent, comme chaque année, à une free party quai Wilson. Une demie heure après l’heure autorisée, la musique retentit encore et la police saisit ce prétexte pour intervenir et lancer, d’après les témoins, une trentaine de grenades lacrymos, une dizaine de désencerclement et une dizaine de balles de LBD. Dans la confusion, 14 personnes tombent à l’eau dans la Loire et sont repêchées par la brigade fluviale. Le lendemain, ses amis et sa famille constate que Steve Maia Canico, 24 ans, n’est toujours pas rentré de la fête. Ils pensent qu’il serait tombé à l’eau et ne sachant pas nager se serait noyé. Castaner a ouvert une enquête auprès de l’IGPN afin de déterminer si les "forces engagées ont été légitimes et proportionnelles". Pour les fêtards et les amis de Steve, la réponse est claire : c’est non et loin de là. Un miller de personnes ont marché dans les rue de Nantes, le samedi 29 juin, pour exiger
« vérité et justice » pour Steve.

Violences à l’encontre des prisonniers des CRA
Début juin, au centre de rétention de Oissel près de Rouen, des retenus prisonniers sont entrés en grève de la faim, ils dénoncent leurs conditions de rétention : impossibilité d’accès aux soins pour les personnes très malades, nourriture immangeable, saleté, absence d’activités, bruits constants dus aux travaux engagés pour réparer les lieux suite aux dégâts causés par un incendie déclenché il y a quelques mois par des retenus déjà à bout. « Face à tous ça, on appelle les prisonniers de Rennes et de tous les autres centres à nous rejoindre dans la lutte ! » finissent-ils. Cet appel a été entendu mi juin par les retenus du CRA 2 de Mesnil Amelot qui ont incendié tout un bâtiment du centre. Des rassemblements ont été organisés devant des CRA de toute la France contre l’enfermement des migrants et en soutien aux retenus accusés d’avoir été à l’origine de l’incendie. A l’initiative de la Cimade, 22 associations « engagées en faveur des personnes migrantes et réfugiées » ont interpellé publiquement le ministre Castaner sur sa politique d’enfermement (en mettant en cause la loi Asile et immigration de septembre 18 qui permet d’enfermer une personne jusqu’à 3 mois) et lancé une pétition « Faisons cesser les violences » signable sur le site de la Cimade.

Le bannissement des Rroms s’accélère !
Cette semaine, à Tourcoing, Paris, et Herblain, des familles sont mises à la rue, nourrissons et vieillards compris, en pleine canicule ! Une offensive générale des Procureurs et des Préfets qui suit la tendance de l’année écoulée : les Préfets expulsent à tour de bras, souvent au mépris de la légalité, et continuent d’exclure de l’accès aux soins, à la scolarisation, à l’emploi une population qui outre le poids des persécutions historiques est toujours victime de racisme et de stéréotypes dégradants.
À cela les sénateurs ont ajouté en novembre 2017, un délit assorti d’une amende forfaitaire de 500 €, (Article 322-4-1 du Code Pénal) qui permet à un Commissaire de Police de menacer une famille rom en ces termes : « vous devez partir aujourd’hui, sinon demain on vous met en garde à vue pour le délit d’occupation illicite en réunion d’un terrain privé, et vos enfants seront placés ! »
Le 18 juin à Argenteuil, une citoyenne Roumaine, rom, qui mendiait avec ses 2 enfants finit en GAV. Ses enfants (2 ans et 5 ans) sont placés à l’ASE sur ordonnance du Procureur. La mère a été libérée le soir même sans charge retenue contre elle, mais ses enfants ne lui ont été rendus qu’au bout de 7 jours.Les parents ont été plongés dans un désespoir total sur fond de véritable terreur de ne plus les revoir. Beaucoup de familles ont pris peur : Argenteuil, c’est la ville où on prend leurs enfants aux Roms !

Clé d’étranglement
Cette technique d’interpellation policière, à l’origine de nombreux homicides, mise à l’index par les familles de personnes tuées par la police, a encore frappé. Philippe F. 36 ans, père d’un enfant de 7 ans, avait l’interdiction de s’approcher de son ex-compagne, Karen, ses addictions avaient eu raison de son couple. Il aurait dû être jugé le 29 mai au tribunal après avoir défoncé la porte d’entrée de son ex.
Le 23 mai à Drancy, il se rend chez elle. « Si j’ai appelé la police, c’était pour le protéger pas pour le tuer. » déclare Karen « Mais on a entendu des cris, on s’est mis à la fenêtre, Philippe se prenait des coups. Il s’est écarté, il était prêt à capituler. Mais il ne voulait pas être menotté. Il les a juste repoussés, pas frappés. Ils ont voulu le faire tomber avec la matraque télescopique, ça a été si violent qu’elle s’est envolée, et c’est mon fils qui l’a reçue. Ensuite j’ai vu Philippe au sol, sur le ventre, menotté. Il était tout blanc, les lèvres bleues, je ne comprenais pas. » Des premiers éléments de l’enquête il ressort qu’un des trois fonctionnaires a pratiqué un « étranglement ». L’autopsie pratiquée depuis pointe une « asphyxie mécanique par compression cervicale associée à un traumatisme crâno-facial » comme origine du décès. Le samedi 22 juin une Marche blanche au départ de Drancy s’est rendue au tribunal de Bobigny derrière une banderole « Justice pour Philippe ».

Le crâne fracassé
Le samedi 8 décembre des milliers de personnes manifestaient dans le centre ville de Marseille, gilets jaunes, militants contre le changement climatique ou contre les logements insalubres.
Une jeune femme de 19 ans qui quitte son travail prend la direction de son domicile. La fin de manif est calme, pourtant la police charge. La jeune femme apeurée se réfugie dans une rue lorsqu’elle est atteinte à la jambe par un tir de LBD. Des témoins observent « plus de dix agents de police en jean, casqués, matraque à la main et brassard à l’épaule arriver en courant et mettre chacun à leur tour des coups de matraque et de pied à la personne clouée au sol ». Elle a le crâne enfoncé, le cerveau est atteint, problème de vision à l’oeil droit… La jeune femme, en état de stress aigu depuis, a porté plainte le 30 avril auprès du parquet de Marseille.
Ce même jour, dans la même ville, un adolescent de 14 ans rentrant chez lui a lui aussi reçu un tir de LBD. Atteint en pleine tête et de dos, il a le crane fracturé, perte de connaissance. Le parquet de Marseille vient seulement d’ouvrir une enquête préliminaire pour « violences volontaires aggravées par personne dépositaire de l’autorité publique » confiée à l’IGPN.Pourquoi un tel délai ? « Cela empêche de prendre rapidement en compte la gravité de l’infraction, et de saisir les images de vidéosurveillance en temps utile » commente l’avocat de la famille.



> Agir

Marche Adama III - Ripostons à l’autoritarisme !
« Cela fera trois ans de lutte après la mort d’Adama Traoré, tué par trois gendarmes à Beaumont-sur-Oise. Trois ans de lutte contre le déni de justice, contre la répression étatique, pour la libération des quatre frères Traoré emprisonnés. »
Samedi 20/07 départ 14h30 de la Gare de Persan-Beaumont.
« La France a découvert à l’occasion de ce dernier mouvement social l’ampleur des violences policières, c’est pourquoi nous avons décidé de créer un front large pour « Riposter à l’autoritarisme ». […] Soyez tous présents, habitants des quartiers populaires, gilets jaunes, militants du mouvement social, etc. Ne ratons pas cette occasion historique d’une alliance des luttes ! » Suite et infos sur : https://paris.demosphere.net/rv/70167

3ème assemblée des assemblées - Gilets jaunes
« Nous, Gilets jaunes du Magny, mobilisés depuis le 17 novembre 2018, appelons toutes les délégations Gilets jaunes de France à nous rejoindre à l’occasion de la troisième Assemblée des Assemblées à Montceau les Mines, le 28 juin à partir de 17h et les 29 et 30 juin 2019. Venez nombreux ! On lâche rien ! » Suite et infos sur : https://montceau.assembleesdesgiletsjaunes.fr/2019/05/29/appel-video/

Nouveau numéro du Groupe légal de la coord anti-rep Paris-idf
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