Le nouvel habit du peuple des travailleurs

bulletin no 187 du 15 janvier 2020


15 janvier 2020


Le nouvel habit du peuple des travailleurs

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 187 – du 15 janvier 2020


Le nouvel habit du peuple des travailleurs

Vous connaissez cette situation, vos habits sont trop serrés ou trop larges, en tout cas au lieu de vous protéger… ils vous entravent. Jusqu’au moment où vous vous dites qu’il faut les changer. Quand la majorité de la population considère sa vie actuelle comme insupportable et se met à la recherche de nouveaux habits alors on est dans un tournant de l’histoire.
Pour le moment, le mouvement de grève en est à la recherche et à l’assemblage des pièces. En voilà quelques-unes . Multiplier les caisses de grèves autonomes comme syndicales (contrairement à 1995 quand les syndicats s’y opposaient vigoureusement) abondées avec enthousiasme par l’énorme solidarité populaire dont ne peuvent qu’attester les sondages, le calme dans les transports même quand ils sont bondés et le fait que les télés ont du mal à trouver des voyageurs se déclarant « otages » des grévistes. Organiser des AG dans lesquelles l’appartenance syndicale ne compte plus et qui refusent de déléguer les décisions comme les tâches. S’intégrer dans des cortèges joyeux et déterminés où se mélangent des manifestants de tous âges, de toutes professions, statuts et auxquels les GJ participent activement sans que cela ne fasse plus débat ni ne semble problématique à personne (sauf encore aux centrales syndicales qui n’ouvrent toujours pas la Bourse du travail de Paris après 16h30 empêchant ainsi la tenue d’AG géantes et intenables qui permettraient de renforcer cette convergence de fait). Se désintéresser des élections municipales comme présidentielles pour ne s’intéresser qu’aux impératifs de la lutte en cours. Rester radical dans la revendication : toute le monde veut le retrait de la réforme sans condition, tout le monde s’en fout de « l’âge pivot » (le soi-disant « recul » des macronistes ne satisfait que les bureaucrates de la CFDT ou de l’UNSA) ou encore de « la clause du grand père » comme celle « du père ». A cet égard, le refus de la proposition de négociation par les danseurs de l’opéra de Paris est exemplaire.
Partout, le mouvement est imbibé d’une haine profonde du pouvoir (encore nourrie par les affaires Black Rock et Delevoye).
On peut alors craindre que la répression déjà acharnée, qui est la seule réponse de l’Etat, s’affirme elle aussi comme inédite : le terrible assassinat de Cédric Chouvat en plein Paris en est un signe avant-coureur et les manifestants en tête de cortège ne s’y trompent pas en en demandant déjà des comptes à L’Etat.
Tout le monde sent confusément que ce mouvement est affronté à des problèmes qui vont au-delà du retrait du projet Macron/Medef : comment se débarrasser du corset électoraliste ? Quel pouvoir, quelle nouvelle société ? Mais pas de panique, le mouvement est fort et intelligent. Dans la lutte il fera le tri tôt ou tard.
Le voilà le peuple des travailleurs. Il est en train de se coudre son nouvel habit mais celui-ci n’est pas encore prêt. Tout est encore possible.


> chronique de l’arbitraire

La réforme et la matraque
Contre la réforme des retraites, la révolte bat son plein.
Dès le 5 décembre, les matraques sont de sortie. Une vidéo montre des forces de l’ordre frappant un homme au sol. L’homme ne sera pas même interpellé. Retransmis sur les réseaux sociaux, forçant le parquet de Paris à ouvrir une enquête…
Toujours le 5 décembre au cours de la manifestation clermontoise, William M. écrit sur le passage piéton le prénom "Wissam", en mémoire de Wissam El Yamni, décédé en 2012 suite à son interpellation à Clermont-Ferrand. Il est immédiatement interpellé par 5 policiers, inculpé… alors que malgré les années la justice n’a toujours pas daigné entendre les témoins du commissariat qui ont vu et entendu Wissam se faire torturer à mort.
Au Havre, après gazage et dispersion, deux frères quittent le blocage de voies rapides organisé dans le cadre de la grève. Arrivés à leur véhicule, une remarque lancée en direction de gendarmes mobiles leur vaudra une interpellation violente.
Alors que depuis plusieurs jours des enseignants du 93 participent chaque matin au blocage d’un dépôt de bus d’Aubervilliers en soutien aux grévistes, le 11 décembre les forces de l’ordre opèrent un tournant répressif. « Mais là, la police a tout de suite opposé un rapport de force. On comprend que c’est une stratégie de l’Etat pour mettre fin au mouvement » explique un participant. Soudainement la police se rue sur les bloqueurs pour interpeller violemment un des enseignants. Il est accusé d’avoir jeté un plot en direction de policiers, ce que contestent les témoignages. Est-ce un hasard s’il est aussi une figure des luttes sur Aubervilliers ?
Le summum est atteint le jeudi 9 janvier où la police déploie une extrême violence, multipliant les charges, un vrai déchaînement. Rue de Châteaudun les forces de l’ordre tirent au LBD à bout portant, rue de la Pépinière elles lancent une dizaine de grenades de désencerclement au beau milieu de la foule qu’elles nassent , chargent, distribuant coups de matraque, coups de poing, visant la tête, sans jamais chercher à arrêter personne. A la manière d’un règlement de compte mafieux , le gouvernement voudrait imprimer la peur dans les corps et les esprits. Plus d’infos : https://paris-luttes.info/videos-jeudi-9-janvier-la-police-s-13272

Soutenir financièrement la grève
Liens vers des caisses de grève en région parisienne sur https://paris-luttes.info/ancrer-la-lutte-dans-la-duree-13089

Contre profs et élèves mobilisés, Blanquer choisit toujours la répression
C’était déjà le cas l’an passé pour étouffer la révolte des lycéens contre la réforme des lycées née en plein mouvement des GJ. L’exemple qui a le plus frappé les esprits ? 151 enfants, agenouillés et mains sur la tête pendant plusieurs heures, victimes d’une violence policière inouïe, le 6 décembre 2018 à Mantes-La-Jolie. Un an après 1500 personnes ont marché depuis Barbes à l’appel des mamans. Pétition de soutien : https://www.change.org/p/marche-des-mamans-de-mantes-la-jolie-pour-la-justice-et-la-dignité-le-8-décembre-2019. Dans ce cas comme dans celui d’Achraf, lycéen marseillais dont la mâchoire a été fracassée suite à un tir de flash ball, l’Etat refuse d’admettre sa responsabilité, l’IGPN classe sans suites les plaintes.
Et cette année ça continue .La semaine même du 5 décembre qui a marqué le début du mouvement contre la réforme des retraites, un article violemment islamophobe paraît dans l’Express immédiatement suivi d’une réaction du ministre Blanquer qui promet des sanctions : les profs des lycées Joliot-Curie de Nanterre et Angela Davis de Saint Denis, qui n’ont de cesse de dénoncer publiquement les conditions déplorables dans lesquels leurs élèves sont forcés d’étudier et de réclamer des moyens, se retrouvent sur le banc des accusés sur la base de témoignages totalement farfelus. On leur reproche des manquements au principe de laïcité (!) car, par exemple, ils permettraient à des élèves voilées ou en robe longue de fréquenter le lycée ou encore car ils ont invité Assa Traoré à intervenir dans le cadre d’un débat organisé dans le cadre de la formation à la citoyenneté. On connaît bien la méthode directement inspirée de celle des flics quand ils se servent de l’outrage contre leurs victimes.
Toutes les tentatives de blocus lycéens ont entraîné une intervention immédiate de la police qui n’a souvent pas hésité à charger à coups de flash ball et lacrymos, tabasser et interpeller certains lycéens comme au lycée Maupassant de Colombes où les profs ont soutenu les élèves placés en GAV. Ou encore le 6 décembre devant le lycée Ampère-Saxe à Lyon où un lycéen a reçu en pleine joue un tir de LBD. Ça se confirme : les macronistes ont une peur bleue des lycéens, enfants des GJ (voir RE 178).

Gilets jaunes : « on nous fait payer tellement cher pour notre révolte ! »
Les GJ , toujours mobilisés, continuent de subir la pire des répressions. D’abord par la police .Pour le 1er anniversaire de leur mouvement, les 16/17 décembre, le bilan publié par la coordination des premiers secours ( voir leur site : https://coordination-1ers-secours.fr/category/compte-rendus/) fait état de 140 blessés pris en charge par les streets-medics dont 29 pour des traumatismes à la tête, 13 évacuations aux urgences, une personne éborgnée , 3644 personnes décontaminées des gaz lacrymos. On observe également que des secouristes sont bloqués, gazés ou que leur matériel est confisqué par les flics.
La justice n’est pas en reste. A Narbonne, sur les 31 personnes qui ont comparu devant le tribunal accusées d’avoir incendié un péage le 1er décembre, 21 ont été condamnées à une peine de prison ferme. A Montpellier, un GJ, en détention provisoire depuis fin novembre, a été condamné à 2 ans de prison ferme sur la base d’une dénonciation anonyme . Début novembre, les flics disent avoir reçu un appel qui leur signale que l’homme qui aurait incendié une voiture de police le 7 septembre lors de l’acte 43, se trouve dans un kebab. Ils y débarquent et relèvent l’identité de cet homme, ouvrier du bâtiment de 45 ans. S’ensuivent deux perquisitions à son domicile où sont trouvés des objets de protection (casque, masque), un marteau et des bouts de ferraille : le « parfait attirail du Black bloc » dira le juge qui estimera qu’il s’agit bien d’un casseur, la preuve « on n’a pas trouvé de gilet jaune chez vous ». Sullivan, un autre GJ de Montpellier a quant à lui été relaxé en appel de l’accusation de violences contre agent (après avoir passé 3 mois en prison) grâce à la vidéo produite par des observateurs de la LDH. Depuis le début du mouvement des GJ, on est passé de 3 observatoires des violences policières en France à une dizaine aujourd’hui. Le 1er est né à Toulouse où la répression est impitoyable comme en a attesté le 7 décembre la condamnation à 2 mois de prison avec sursis et une interdiction de manifester pendant un an, d’Odile Maurin, figure locale des GJ, quinquagénaire handicapée accusée d’avoir blessé ,à l’aide de son fauteuil roulant, des policiers. Pour ce qui est du jugement des policiers auteurs de violences l’an passé, la police refuse le plus souvent de donner l’identité des flics responsables par exemple pour le 1er décembre, celle du tireur qui a visé et tué Zineb Redouane à Marseille ou encore celle des CRS qui se sont déchaînés à coups de matraque sur des manifestants réfugiés dans un Burger king sur les Champs Elysées. Quand les flics sont identifiés, les peines sont ridicules par exemple, le 1er mai, pour ce CRS qui a été filmé en train de jeter un pavé sur les manifestants, 2 mois avec sursis, ou cet autre CRS filmé en train de gifler un manifestant, 1000 euros à verser sans aucune inscription au casier car il ne faudrait pas que cela l’empêche de continuer à exercer. Preuve supplémentaire que, pour l’Etat, le seul bon policier est celui qui frappe ou tire dans le tas et le plus fort possible.

Course poursuite
A Grasse, dans la nuit du 23 au 24 décembre, le quartier des Fleurs, ont eu lieu des affrontements avec la police. Les autorités dénoncent le trafic de drogue comme étant à l’origine des émeutes oubliant que depuis le 20 décembre un jeune homme de 18 ans est entre la vie est la mort.Il était à bord d’une 306 qui a fini dans le décor. Le conducteur qui s’en est sorti et est mis en examen pour « blessures involontaires », « refus d’obtempérer aggravé » et « maintien sur le territoire d’une personne étrangère faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire ».Dans le quartier, des rumeurs circulent mettant en cause la police, affirmant que la 306 a été emboutie par l’arrière. Le parquet dément, mais le conducteur qui a été entendu par les enquêteurs, maintient avoir senti « un gros choc à l’arrière ».

Deux policiers mis en examen
2017, un jeune homme de 27 ans, interpellé dans le quartier du Val Fourré, est menotté au radiateur du fourgon de police(Voir RE167). Il a depuis subi deux greffes de peau et deux ans après les faits, il est toujours en rééducation. Dans cette affaire deux policiers ont été mis en examen pour blessures involontaires en décembre 2019. A suivre…

Le plaquage ventral
subi par Cédric Chouviat sera-t-il reconnu comme cause de sa mort et enfin interdit ?
S’agissant des interpellations de personnes mortes aux mains de la police on retrouve les mêmes éléments dans les déclarations précipitées du Parquet, comme des années après dans les tribunaux et jusqu’à la Cour de Cassation. La victime était énervée, violente, connue défavorablement des services de police (Cédric Chouviat, livreur, avait eu de nombreux PV ! dixit l’avocat des policiers), l’arrêt du coeur est dû aux antécédents médicaux de la victime, même inconnus d’elle (Cédric Chouviat présentait selon le Parquet "un état antérieur cardiovasculaire")
Résultat : pas de lien de causalité entre l’interpellation et la mort,même lorsque, comme c’est le cas de Cédric, la victime est filmée écrasée au sol par 3 policiers sur son dos... tel est le tour de passe-passe de la justice française pour couvrir les policiers !
Le constat d’asphyxie du au plaquage ventral, n’est établi que par une autopsie - ou une contre-autopsie- obtenue de haute lutte par les proches et leurs avocats. Mais même après cela, la justice attribue le décès à d’autres causes ( maladies, décompensation, alcool, drogue...) pour dédouaner les policiers de toute responsabilité.
La Police française continue donc d’utiliser cette technique d’immobilisation, sans même respecter les recommandations qui l’encadrent et dans des circonstances où son usage est manifestement « illégitime ,non nécessaire et disproportionné ».Les familles des trop nombreuses victimes n’ont obtenu que des non-lieux pour les policiers interpellateurs.


> agir

Une nouvelle brochure qui compile les témoignages sur les centres de rétention. A lire sur : https://abaslescra.noblogs.org/nouvelle-brochure-contre-les-cra/
La ligne de la Coordination antirépression (contact par Signal possible) : 07 52 95 71 11