« Le peuple aide le peuple » graffiti à Marseille

bulletin numéro 190 – du 10 mai 2020


10 mai 2020


« Le peuple aide le peuple » graffiti à Marseille

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 190 – du 10 mai 2020


« Le peuple aide le peuple » graffiti à Marseille

C’est le chaos. Face au virus ce pouvoir de bras cassés criminels est incapable d’assurer ses devoirs les plus élémentaires. En plus du désastre sanitaire, une nouvelle vague de chômage et de malnutrition déferle. La seule activité étatique qui émerge c’est la répression, le contrôle et le fichage de la population laborieuse. Le régime de la « double peine » (voir RE 189) qui frappait déjà les quartiers populaires s’étend à tout le pays.
L’État se croyait tout permis. Les dernières batailles contre la loi travail, le mouvement de Gilets Jaunes, la grève contre la réforme des retraites n’ont pas été victorieuses, néanmoins cela a laissé des appuis et une certitude : si on laisse la direction entre les mains de ces gens-là, ils vont tous nous crever.
Sur ce terreau riche des expériences politiques, poussent des collectifs, des réseaux de solidarité inédits et autonomes : fabrication de masques, de blouses pour les hôpitaux, aide aux devoirs, collectes de nourriture, de médicaments, manifs de casseroles, banderoles de solidarité aux fenêtres, manifs de premier mai pourtant interdite, grèves des loyers... C’est local, basé sur la confiance et dans cette résistance populaire, jeune et vieux, immigrés, militants, sans papiers, mères de familles, chômeurs arrivent à se retrouver.
Face aux violences et crimes policiers dus aux « opérations de respect du confinement », les plus jeunes ont riposté dans les quartiers populaires. Suite à l’agression d’un jeune homme par la BAC à Villeneuve-la-garenne, des syndicats et organisations ont refusé de mettre dos à dos la police et les jeunes et appellent à constituer une chaîne humaine le 11 mai au départ de l’Ile Saint Denis où a eu lieu une autre agression filmée. Allant plus loin, des groupes des GJ et autres soutiens légitiment, dans une tribune, le droit des quartiers à répondre par la violence aux violences policières.
Souvenons-nous, à la fin des années 60, le Black Panther Party for Self Defense, une organisation révolutionnaire de Noirs américains, entendait contrôler la police armes à la main, et, en même temps, organisait des petits déjeuners pour les enfants des quartiers et travaillaient étroitement avec les autres révoltés sociaux, comme des étudiants blancs d’extrême gauche et des groupes de latinos ou d’indiens américains.
Les résistances actuelles tendent vers les mêmes buts, ici et là des formes organisées apparaissent, comme les Brigades de solidarité populaire ou comme l’appel « Bas les masques ! « pour un mouvement populaire » lancé par des personnels de la santé en lutte (www.baslesmasques.co). L’État macroniste se prépare à l’éventualité d’une révolte populaire, la preuve ? cette fiche par du ministère de l’éducation nationale à l’occasion de la réouverture de écoles qui enjoint les équipes éducatives de repérer « les replis communautaristes portant atteinte au pacte républicain » et « toutes les manifestations de séparatisme » passant notamment par la « critique des discours d’autorité », afin d’« effectuer des signalements » des élèves concernés.
Le philosophe allemand Friedrich Nietzsche affirmait que c’est du chaos que naîtra une « étoile dansante ». Dans le chaos créé sur le dos du Coronavirus par Macron et sa troupe, la promesse d’une étoile dansante, d’une autre société digne et libre est bien là.




Le fiasco français face à l’épidémie

L’État n’a pas hésité à jouer trois fois le même sketch pour tenter de dissimuler l’incurie de sa gestion. D’abord avec les masques « inutiles », « recommandés » puis « obligatoires » (voir RE 189). Ensuite, avec les enfants, d’abord désignés comme très dangereux, asymptomatiques et contaminants, puis, quand il a fallu justifier la décision politique de rouvrir les écoles, « pas tant que ça », et finalement, avec l’affaire des enfants hospitalisés à l’hôpital Necker, « on ne sait pas ».
Voici désormais le 3e acte : les tests, outils majeurs d’une sortie rationnelle du confinement. Le problème est de taille, il faut les remettre en cause car on n’en a pas. Les médias ont là encore été forcés de révéler un nouveau scandale : si on a autant tardé à tester en France, c’est d’abord que les équipes en charge des tests n’ont pas reçu le matériel de protection, puis les labos qui auraient pu le faire ont été refusés, puis pas d’appareils fermés nécessaires pour les effectuer (à cause d’un marché passé avec les mauvaises entreprises), enfin pas assez de tests qui respecteraient le « protocole » et seraient 100 % fiables (alors que les allemands s’en contentent bien, eux).
C’est encore cette invocation du « protocole » qui empêche les médecins de prescrire des anti-inflammatoires de type anti-paludéens à leurs malades alors qu’ailleurs, en Afrique notamment ou à Marseille plus proche, les bons résultats relatifs devraient suffire à convaincre qu’il faut s’en contenter en temps de pandémie.
La décision de déconfiner le 11 mai a été uniquement prise pour des raisons économiques puisqu’il fallait bien remettre au travail les pauvres afin que les plus riches retrouvent leurs profits, et politiques, puisqu’il ne fallait pas que trop de gens se déshabituent trop de leur vie d’avant. Les soignants croisent donc les doigts pour éviter une deuxième vague en juin. La réouverture des établissements scolaires uniquement pour les enfants qui ne sont pas autonomes (de la maternelle à la 5ème) va dans ce sens. Cette décision ayant été prise contre l’avis du « conseil scientifique », il fallait se couvrir : le retour en classe se fera sur la base « volontariat » des parents et les responsabilités juridiques et pénales sont renvoyées au niveau local. Par contre, si l’école d’un enfant est ouverte, fini le chômage partiel pour les parents. Le cynisme est donc à son comble.




L’abandon des plus pauvres et des plus fragiles

Il aura fallu attendre le 7 avril pour que, sous la pression des proches réclamant la vérité, le nombre des décès dans les EHPAD soit publié : la moitié des plus de 25 000 morts comptabilisés étaient des grands pères et des grands mères enfermés dans ces établissements. On apprend à quel point l’État s’est rendu coupable de cette hécatombe : en tardant à équiper de masques les soignants et aidants, en refusant l’accès à l’hôpital aux plus âgés, en rendant disponible un médicament permettant d’euthanasier les plus atteints...
Dans les foyers de travailleurs, se retrouvent également beaucoup d’anciens, les « chibanis », et leur situation se dégrade encore avec l’isolement et les conditions sanitaires déplorables. Seuls des collectifs autonomes comme celui des Gilets Noirs ont répondu aux appels à l’aide, passant pour distribuer des denrées de première nécessité. « … on va avoir des chibanis qui ont vécu dans 9 mètres carré toute leur vie et qui vont se retrouver à Rungis, ils vont être enterrés comme des soldats inconnus, ça me rend fou », déclare un responsable associatif marocain.
Virus ou pas, l’État continue d’enfermer des sans-papiers dans les CRA, et cela bien que la fermeture des frontières rendant impossibles les déportations révèle comme jamais l’absurdité et l’inhumanité de l’existence de ces lieux. Ces nouveaux retenus sortent les plus souvent de prison en application de l’habituelle double peine mais ce sont aussi des sans-papiers interpellés lors des rondes policières comme l’a montré le cas de Mehdi, militant à Barbès, arrêté alors qu’il se rendait à son travail, tabassé puis enfermé deux jours avant d’être libéré pour vice de procédure mais en ayant écopé d’une OQTF.
Malgré des cas de Covids attestés, on refuse même aux malades l’accès aux soins. Les proches de certains retenus venus leur apporter des affaires, ont même été verbalisés d’une amende de confinement.
Avec les militants anti-CRA, il convient donc de maintenir la pression en appelant les cabines afin de récolter des témoignages anonymisés, harceler les préfectures par mail, publier les photos de banderoles ou graffs en soutien aux prisonniers et réclamant la liberté pour tous, virus ou pas (voir le site abaslescra.noblogs.org).




L’état d’urgence sanitaire contre les droits des travailleurs

Parmi les 25 ordonnances découlant de l’état d’urgence, trois concernent le travail. Ainsi la n° 2020-323 se targuant de protéger l’intérêt des entreprises crée de nombreuses dérogations au Code du travail, conventions collectives, accords de branches, et ce jusqu’au 31 décembre 2020. Pour les entreprises « relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation et à la continuité de la vie économique et sociale » (énergie, télécommunications, logistique…) la durée quotidienne maximale de travail peut être portée jusqu’à 12 heures (contre 10 heures) et la durée hebdomadaire au cours d’une même semaine jusqu’à 60 heures (contre 48 heures). Le temps de repos quotidien peut être réduit à 9 heures consécutives (contre 11 heures). La durée maximale pour les travailleurs de nuit est aussi assouplie (sic). Cette même ordonnance autorise l’employeur à modifier de manière unilatérale les dates des jours de RTT et des jours de repos.
Là encore, le Covid a bon dos. Le gouvernement au prétexte d’urgence sanitaire, s’active sous la pression du Medef à l’urgence de la relance économique et des profits des entreprises du CAC 40. L’assouplissement du droit du travail ne leur suffit pas, ils veulent davantage de flexibilité et de dérégulation notamment des normes environnementales.
Avant la crise, et pour le jour d’après, ce gouvernement poursuit son programme ultralibéral destructeur et prédateur. L’état d’urgence contre le terrorisme avait été reconduit 6 fois avant d’entrer dans le droit commun. L’état d’urgence sanitaire a été prorogé le 9 mai, pour 2 mois, lesté d’un système de contrôle par fichage de l’ensemble de la population, au prétexte médical. Ainsi le pouvoir macronien complète de façon durable son arsenal policier.




La police travaille

Est-ce la situation de confinement avec davantage de voisins pour filmer qui rend plus visible le travail de la police ? Une chose est sûre la violence, le racisme ordinaire de la police, notamment et surtout dans les quartier populaires, resurgit avec force.

Des morts voués à l’oubli ?
Un article de rebellion.info (rebellyon.info/Au-nom-de-la-lutte-contre-le-covid-19-la-22174) dénombre déjà au moins 5 morts entre les mains de la police. Après Mohamed mort le 8 avril au commissariat de Béziers (voir RE 189), le 10 avril à Cambrai, une voiture dont les occupants sont sans d’autorisation de sortie, est prise en chasse par la police, la voiture part en tonneau au milieu de la route... en pleine ligne droite ? Un homme de 28 ans perd la vie. Le 10 avril à Angoulème. Boris, 28 ans, sûrement sans autorisation de sortie, prend la fuite devant la police. Il stoppe sa voiture au milieu d’un pont et saute dans l’eau. Il n’en ressortira pas vivant. Le 15 avril à Rouen. Un homme de 60 ans est placé en garde à vue pour conduite sous l’emprise de l’alcool. Vers 5h, il fait un « malaise ». Le 15 avril à la Courneuve. Un jeune de 25 ans est aperçu dans le parc de La Courneuve fermé. Les flics encerclent le jeune homme qui selon eux se serait jeté sur eux, ils tirent sur lui 5 fois, dont 3 en pleine tête... Dans la nuit du 28 au 29 avril, un homme de 43 ans interpellé en état d’ivresse dans la soirée à Albi, après un passages aux urgences de l’hôpital, est placé en cellule au commissariat et y est retrouvé mort peu après minuit.

Une violence au quotidien
L’Association de lutte Contre les violences policières a enregistré 7 plaintes contre les flics comme le 23 mars aux Ulis, Yassin, 30 ans, qui n’a pas eu le temps de présenter son attestation, et qui est tabassé par des policiers. Ou encore Walid, 30 ans, qui est gravement frappé par des policiers, 16 jours d’ITT le 1er avril à Montceau-les-Mines. Il a osé sortir son téléphone pour filmer le contrôle. Source : www.leetchi.com/fr/c/w38YMOb5. Ainsi à Toulouse, dans la nuit du 25 avril, un homme se serait évadé du service psychiatrique de l’hôpital Purpan. Des policiers le plaquent au sol. Il est maîtrisé mais un flic s’acharne sur lui, le frappant au visage avec une muselière. www.youtube.com/watch?v=DB3atsQPpo8

L’exception qui confirme la règle ?
À Marseille, le 12 avril, deux policiers arrêtent illégalement un jeune réfugié afghan, avant de l’abandonner dans un terrain vague après l’avoir frappé. Le 6 mai, fait rarissime, ils sont condamnés en comparution immédiate à 4 ans et à 18 mois de prison.

Police raciste
Asnières-sur-Seine, dans la nuit du 25 avril , la police prend en chasse deux individus soupçonnés de vol sur un chantier. Le premier qui se jette à la Seine sera intercepté plus tard, le second à pied est attrapé par les policiers qui échangent : « il sait pas nager, un bicot ça nage pas », « ça coule, tu aurais dû lui accrocher un boulet au pied »… Des habitants filment www.youtube.com/watch?v=3HrkZ8UaSS8

Ripostes dans les quartiers
Le18 avril à Villeneuve-la-Garenne (92). Un jeune homme de 28 ans circule à moto sans casque. Un véhicule de police banalisé est positionné devant lui. Une portière s’ouvre lorsque la moto passe au niveau des flics, le jeune homme chute, frappe un poteau, fracture ouverte du fémur. Pour les témoins, le geste du policier était intentionnel. S’ensuivent plusieurs nuits de révoltes dans les quartiers populaires de plusieurs villes de la région parisienne.

Empêcher la solidarité
Le 1er mai à Montreuil, une 20aine de car de CRS stationne vers la mairie en attente d’une manifestation appelée par le NPA. Désoeuvrés, les flics de la BRAV se rabattent sur une distribution gratuite de fruits et légumes organisée par la brigade de solidarité populaire : des dizaines de personnes sont nassées, verbalisées pour avoir organisé une « action revendicative ». Pétition framaforms.org/signature-notre-action-caritative-est-revendicative-1588504088