Un catalyseur nommé Covid 19

bulletin numéro 192 – du 15 septembre 2020


15 septembre 2020


Un catalyseur nommé Covid 19

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 192 – du 15 septembre 2020


Un catalyseur nommé Covid 19

Le catalyseur vous connaissez ? C’est une chose étrange. Il rend possible des réactions chimiques, la naissance de nouvelles choses mais lui, ne change pas.
Nous on a notre catalyseur maison, il s’appelle Covid 19. Ni les mensonges du pouvoir par exemple sur les masques, ni ses mesures coercitives, prises dans la panique, dans le genre confinement et amendes, n’ont pu bloquer le catalyseur. Covid 19 s’en sort très bien, indemne.
La France a affronté le virus dans les plus mauvaises conditions : l’école, l’hôpital s’écroulaient alors que le pouvoir répondait aux luttes par le mépris, les lacrymos et les LBD. Pendant le confinement, chacun s’est mis à rêver d’un « nouveau monde », et Marcon a embrayé en faisant miroiter un changement : un « Etat providence » qui se mettrait au service des « premiers de corvées », caissières, éboueurs, infirmières…
À la sortie du confinement, rien de tout cela. Le catalyseur Covid 19 a certes donné naissance à un « nouveau monde » mais c’est celui dont ont rêvé les possédants : la possibilité de fourrer des milliards dans leurs poches grâce au glissement vers un Etat fascisant au nom de la soi-disant lutte contre le virus.
Déjà avant l’épidémie, Macron menait la répression contre les GJ, les grévistes de tous bords et avait introduit l’élément de langage du « séparatisme » pour diviser le peuple travailleur, voir l’édito de RE daté du 4 mars 2020 (no 188). Aujourd’hui la guerre idéologique continue et s’ajoute à l’accusation de « séparatisme », celle d’« ensauvagement » sortie des poubelles d’un passé colonial honteux, continuant de cibler les musulmans et par extension les habitants des quartiers populaires. On ne connaît pas encore le projet de loi sur le « séparatisme » mais les mesures annoncées vont de 200 € pour les consommateurs de cannabis, à l’interdiction des certificats de virginité !
Encore une fois, ne nous laissons pas abuser : sont en réalité visés par cette offensive idéologique tous ceux qui luttent pour une rupture radicale avec le système, celle qui pendant le confinement s’est imposée à tous les esprits comme étant la seule solution.
Exemples de ce nouveau Maccarthysme, de cette chasse aux sorcières à la sauce Macron ? Sur la seule base de contacts avec l’ultragauche (qu’il nie), un ingénieur du Centre national d’études spatiales a été licencié – la direction de la RATP a demandé la révocation pure et simple d’un conducteur de bus à Vitry-sur-Seine (94), responsable syndical, pour le punir de son rôle dans la grève contre la réforme des retraites – l’éducation nationale a suspendu 3 professeurs de Melle (79), sur la base d’accusations totalement fallacieuses, pour avoir soutenu leurs élèves en lutte contre la réforme du lycée.
Alors ne nous y trompons pas, ceux qui se « séparent », « s’ensauvagent », sont ceux qui se rebellent et veulent rompre avec leur « nouveau monde ». Les GJ ont ouvert un chemin, les cheminots, les grévistes anti réforme des retraites l’ont pris… Continuons donc de nous « séparer » de cette République pourrie et de nous « ensauvager » en refusant radicalement tout ce que leur pseudo civilisation engendre : nous sommes sur la bonne voie, n’en déplaise au pouvoir.



« Laissez sortir les gens »…
tel est le cri d’un prisonnier sans-papiers retenu au CRA de Vincennes, recueilli par les militants d’à bas les cra (contact : anticra@riseup.net ; tél. de l’assemblée : 06 05 94 92 87). Depuis le début du mois d’août les cas de coronavirus se multiplient parmi les prisonniers et aucune mesure sanitaire n’est prise par l’Etat qui continue d’enfermer, d’expulser, et se contente de mettre à l’écart les personnes testées positives dans un bâtiment réservé et de mettre à « l’isolement sanitaire » tous les autres. Résultat : plus de visites, plus aucune nourriture ou autre ne rentre de l’extérieur, l’isolement est total. D’autant que les associations qui y interviennent (notamment la Cimade) ne sont plus présentes physiquement dans les lieux et ne font plus rien : plus aucune demande de liberté massive comme c’était le cas pendant le confinement. Par contre les résistances individuelles et collectives n’ont jamais cessé, les prisonniers exigent d’être libérés ! Solidarité !



En finir avec le délit d’outrage
Un collectif pour la dépénalisation du délit d’outrage (CODEDO) rassemblant notamment des personnes condamnées à ce titre, a publié une tribune dans le journal Libération du 4 septembre. Leurs arguments sont nombreux et nous les avions déjà développés dans une fiche juridique en 2004 (voir www.resistons.lautre.net/spip.php?article38). Ce délit, le plus souvent associé à celui de rébellion, construit sur la seule parole des policiers, sert régulièrement après coup de pseudo justification aux violences policières. L’accusation d’ « outrage et rébellion » est donc une composante essentielle de l’arsenal répressif. Un exemple parmi d’autres : le 7 septembre s’est tenu à Nice le procès d’Olivier Sillam, prof et militant, pour « outrage, violence et rébellion » (participant à une manif le 9 mai 2019, il avait mordu par réflexe le genou d’un flic qui lui faisait subir une clé d’immobilisation après avoir été violemment interpellé pour avoir protesté au mégaphone contre la présence du syndicat de police Alliance au sein du cortège, voir RE 182). Un rassemblement de soutien avec appel à la grève a eu lieu mais les soutiens sont sous le choc : 6 mois de prison avec sursis, et plus de 5000 € de pénalités, dont 1000 € pour le syndicat Alliance, le reste pour chaque policier ayant participé à l’interpellation. Ils n’entendent rien lâcher et s’organisent pour refuser ce verdict ainsi que celui qui a frappé les deux étudiants de SUD et la jeune femme écopant de deux mois avec sursis.



Barbouzeries : la hiérarchie couvre les flics et étouffe les affaires à tout prix
Un brigadier chef travaillant au TGI de Paris n’a pas cessé, durant deux ans, de dénoncer le système de maltraitance et de racisme qui règne au Dépôt de ce tribunal (humiliations, insultes, privations de nourriture, d’eau, refus de soins médicaux...). L’IGPN auditionne plusieurs flics qui confirment ses accusations mais aucun magistrat n’est saisi ni aucune sanction prise. Par contre, la hiérarchie policière s’en prend à lui, l’accusant de « manque de loyauté », réclamant des sanctions et le harcelant sans relâche. Il supporte aussi les brimades de ses collègues et finit par décider de porter plainte et de témoigner à visage découvert. Quelles seront les suites ? En tous cas, concernant le groupe Facebook de flics racistes dont l’existence a été révélée en juin dernier par le média en ligne Streetpress, très actif sur ces questions, toujours aucune nouvelle de l’enquête alors même qu’elle avait été publiquement appuyée par Castaner ( voir RE 191).
Il en faut beaucoup plus pour qu’on s’en prenne aux flics : les membres de la CSI 93 auront sévi pendant des années au vu et au su de tous avant que les autorités décident de dissoudre cette brigade aux méthodes ultra-violentes et mafieuses. Finalement, c’est la plainte de deux jeunes de la cité Cordon de Saint Ouen qui a valu à ces barbouzes d’être mis en GAV : cette fois, ils ont été filmés en train de jeter un sac contenant du cannabis aux pieds des jeunes avant de les accuser d’en être les détenteurs afin de les interpeller non sans d’abord les avoir brutalisés.
En juillet dernier la lumière a à nouveau été braquée sur la violence de la police d’Argenteuil grâce encore à Streetpress qui a enquêté pendant 2 mois et recueilli 39 témoignages. Dans cette ville où Ali Ziri en 2009 et Sabri en mai 2020 sont morts entre les mains de la police, les exactions des flics sont constantes : tabassages, insultes, menaces, racket, faux témoignages, amendes abusives et harcèlement administratif. Face à ces dénonciations, les autorités policières gardent le secret sur le fait qu’une enquête soit ou non en cours. En attendant la police d’Argenteuil continue de sévir : dans la nuit du 13 juillet, Mohamed, 17 ans, rentre à scooter chez lui après le travail. Il grille un feu rouge, une voiture le suit, allume son gyrophare arrivée à ses côtés. Il s’arrête, un flic lui enlève son casque et le frappe d’un coup de crosse de LBD dans l’oeil. L’œil saigne, l’un d’eux s’exclame « T’as vu, tu n’aurais pas fait de délit de fuite, tu ne te serais pas tapé le poteau ». Il est embarqué et accusé de « refus d’obtempérer ». La blessure est grave, il ne perd pas son œil, mais aura des séquelles à vie.



Roland Veuillet en prison pour avoir manifesté
Ce n’est pas la première fois que nous parlons de Roland Veuillet dans ce bulletin, notamment pour ses luttes menées dans l’Éducation nationale. Depuis Roland Veuillet, devenu GJ, a subi diverses mesures de rétorsion et son refus de s’y soumettre l’ont conduit en détention provisoire en décembre 2019. Après une grève de la faim et de la soif de 15 jours, Roland est remis en liberté en attendant son procès avec un contrôle judiciaire particulièrement sévère. Le 31 mai lors d’une simple discussion de GJ sur un rond point, il est contrôlé, il retourne en prison. Le 2 juillet, accusé d’« actes d’intimidation envers des policiers, participation sans arme à un attroupement, entrave à la circulation des véhicules, dénonciation calomnieuse », il est condamné dans un procès sans public sous prétexte d’épidémie à 1 an de prison, dont 6 mois ferme avec mandat de dépôt. En taule il participe aux luttes dénonçant les conditions d’incarcération,et se retrouve, le 17 juillet, à l’isolement… https://rolandmanifeste.fr/



Répression financière et police politique
Dans le Gard, lors de mobilisations de GJ les 15 et 22 juillet 2019, des manifestants, contrôlés en amont des évènements, se sont vus menacés d’une amende de 750 euros. Quelques mois plus tard une quarantaine de personnes recevaient une Ordonnance Pénale de 781 euros, sans convocation, sans possibilité de contester. Les forces de l’ordre le 15 juin et le 22 juillet étaient-elles déjà informés de la décision de ce jugement sans même que celui-ci n’ait eu lieu ? Les manifestants font appel, avant de se retrouver quelque mois plus tard avec des Saisies Administratives à Tiers Détenteur (SATD) sur les comptes bancaires, peu importe les irrégularité constatées. Mais la lutte paye et fin août le collectif apprend que les ordonnances sont annulées.
Les 12 et 22 mai en Aveyron, des gens se rassemblent contre la gestion gouvernementale de la crise du Covid et pour soutenir les personnels de santé. Les rassemblements ne sont pas déclarés, mais aucun avertissement, aucun contrôle n’est effectué… Fin mai, certains commencent à recevoir des amendes à leur domicile : 135 € soit la fameuse interdiction de manifester à plus de dix sur la voie publique. La méthode des verbalisations interroge : comment identifier des manifestants, même avec la vidéosurveillance, alors que ceux-ci étaient masqués ? La réponse filtre lors d’une rencontre de conciliation : la présence de deux agents des renseignements territoriaux. De quoi se faire une idée du niveau pointu de surveillance de cette police politique. En 2015, en plus de surveiller la population en vue de prévenir du terrorisme ou de la criminalité organisée, la loi Renseignement prévoyait d’élargir le domaine de compétence en la matière, on voit ce que ça donne…



Le combat pour la vérité continue
La mobilisation se poursuit, le 2 juin devant le Palais de Justice de Paris à l’appel du Comité Adama, le 6 juin au Champ de Mars et encore le 13 juin, place de la République. Le 20 juin le collectif Vies volées appelait à commémorer la mort de Lamine Dieng.
Le 18 juillet à Beaumont-sur-Oise, plusieurs milliers de personnes manifestaient à l’appel du Comité Adama et de militants écologistes. Sous la pression de la mobilisation la justice s’active : 17 demandes d’actes depuis le rassemblement du 2 juin. Notamment de nouvelles investigations centrées sur les rapports passés entre le jeune homme et les gendarmes, et un possible contentieux. Aussi les appels radio, rendu publics mi-juillet, montrent que 7 minutes se sont écoulées entre l’arrestation d’Adama – confirmant au passage le placage ventral pourtant réfuté par l’avocat des gendarmes – et le départ vers la caserne…
Dans un communiqué le collectif Lumière[S] pour Sabri présent lors de ces événements se félicite des liens établis entre collectifs et appelle à manifester le 19 septembre prochain depuis la Dalle d’Argenteuil Place de la Commune de Paris jusqu’à la Sous-Préfecture.
Mi juillet les conclusions de l’IGPN concernant la mort de Cédric Chouviat filtrent dans la presse contredisant la version policière. D’abord, et contrairement aux dires de la police, il y a bien eu « étranglement arrière ». Ensuite prenant conscience de l’état de Cédric Chouviat, les policiers n’ont pas « immédiatement » prodigué les premiers secours comme ils l’affirment, mais bien « à l’issue d’une période de flottement relativement longue »…
La chambre d’instruction de la cour d’appel de Riom refuse encore la demande de la famille de Wissam El-Yamn d’entendre les témoins qui étaient présent dans le commissariat au moment des faits. Pour Farid El-Yamni, le frère de Wissam, cette décision est un nouveau signe que dans cette affaire, la justice ne se donne pas tous les moyens de faire la vérité.
Pour Angelo Garand, le pourvoi en cassation est rejeté. « Cette nouvelle confirme en tant que permis de tuer l’article L435-1 – introduit […] un mois avant qu’Angelo soit tué de 5 balles dans le torse par deux tireurs de l’AGIGN de Tours. » https://www.facebook.com/Justice-Pour-Angelo-1307118499372039/