Les 3 F de Macron : Floutage, Filoutage, Flicage

bulletin numéro 193 – du 29 octobre 2020


29 octobre 2020


Les 3 F de Macron : Floutage, Filoutage, Flicage

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 193 – du 29 octobre 2020


Les 3 F de Macron : Floutage, Filoutage, Flicage

Un commissariat est bombardé à coups de feu d’artifice pour venger un copain blessé suite au pare-chocage de son scooter par les flics, d’autres flics jouant aux cowboys sont piteusement dépouillés de leurs armes. Ce contexte est pris comme prétexte par le pouvoir pour satisfaire les exigences du FN/RN et de ses alliés de la droite, retransmises par les syndicats policiers.
Désormais, obligation de floutage des vidéos filmant les actions des forces de l’ordre qui circulent sur les réseaux, éloignement des journalistes et des observateurs humanitaires, peine planchers pour ceux qui sont qualifiés d’« agresseurs » de policiers.
Il ne reste que le droit de tirer à vue sur la foule. A ce rythme là, ça ne va pas tarder.
Jusqu’ici les actes de barbarie de la police, yeux crevés, mains arrachées, morts par asphyxie et étranglement ou encore pare-chocages… sont restés pratiquement impunis. Mais une partie des ces crimes pouvaient au moins être démasqués grâce aux vidéos et témoignages. Avec les nouvelles mesures décidées ou dans les cartons, la police peut maintenant les camoufler encore plus.
Cette logique de floutage, filoutage, flicage est dans l’ADN du pouvoir. C’est elle qui est à l’œuvre dans la gestion de l’épidémie de coronavirus. Toutes les données statistiques de la 1ère vague ont été floutées ; le pouvoir n’a pas cessé de filouter concernant les masques puis les tests et le suivi des contaminations ; plutôt que d’ouvrir des lits d’hôpitaux le pouvoir en a supprimé (comme au CHU de Nantes où 100 lits ont été fermés), la seule réponse a été répressive et liberticide : le couvre feu qui assure le flicage de la population.
Floutage, filoutage, flicage , les 3 F de Macron agissent comme une logique aveugle et cynique même dans le cas de la tragédie de l’assassinat du professeur du collège de Conflans, Samuel Paty. Floutage des circonstances exactes qui ont conduit à ce meurtre ignoble ; filoutage du discours sur l’unité nationale qui conduit directement à la stigmatisation des musulmans ; flicage avec la chasse aux sorcières lancée contre tous ceux qui oseraient dénoncer l’islamophobie ambiante.
Gardons les yeux ouverts malgré l’obscurité de l’époque, la logique des 3F continuera d’agir. Ne baissons pas la garde.



« Maltraitance institutionnelle » dans l’éducation
Ce sont les mots avancés par les communiqués de profs afin de dénoncer les conditions dans lesquelles s’est faite la rentrée scolaire : aucun moyen matériel ou humain supplémentaire n’a été octroyé à l’école pour lutter contre la propagation de la pandémie et une volonté de dissimuler les informations concernant les cas de coronavirus dans les établissements. Les lycéens de Mozart au Blanc Mesnil qui ont organisé un blocus pour dénoncer cette incurie n’ont reçu pour réponse que les provocations et violences des EMS et des médiateurs de la mairie d’extrême droite couverts par un responsable de l’Académie. Finalement, le seul dispositif de protection obligatoire est le port du masque par tous les enseignants et tous les élèves à partir du collège mais l’Etat a refusé d’équiper ces derniers et a fait distribuer cinq masques en tissu de la marque DIM à chaque enseignants, masques retirés en octobre car ils contiennent un biocide toxique...
Par contre, concernant les suites de la répression acharnée de tous ceux qui se sont mobilisés l’année dernière contre le nouveau « bac » Blanquer (voir les témoignages édifiants de lycéens de la région lyonnaise publiés par le site Rebellyon : https://rebellyon.info/Violences-policieres-dans-les-lycees-la-22557), le ministère reste très actif : les lycéens qui ont refusé jusqu’au bout de passer les épreuves dites E3C ont été informés à la rentrée qu’ils devraient les passer dans des salles d’examen délocalisées cet automne et les 4 profs du lycée de Melle qui s’étaient mobilisés aux côtés de leurs élèves sont toujours suspendus et passent devant des commissions chargées de les sanctionner.



On oublie pas, on ne pardonne pas !

Ibrahima Bah
Samedi 10 octobre à Sarcelles (95) une marche en l’honneur d’Ibrahima Bah avait lieu, un an après sa mort au volant de sa moto en percutant un poteau, aux abords d’une opération de police.
Des centaines de personnes venues pour la marche ont écouté les familles de victimes des violences policières qui ont fait le déplacement : Assa Traoré, soeur d’Adama, Awa Gueye, soeur de Babacar abattu par la police de Rennes dans la nuit du 2 au 3 novembre 2015. Etaient présents aussi Mahamadou Camara, frère de Gaye abattu par la police le 16 janvier 2018 à Épinay-sur-Seine (93), ainsi que Fatou Dieng, soeur de Lamine, tué à Paris le 17 juin 2007, ou encore Makan Kebe, dont la mère, Fatouma Kebe, avait été blessée par un tir de LBD, mais aussi Nancy, la petite soeur de Makomé M’Bowolé, tué par balle à bout portant au commissariat du 18eme de Paris en 1993, ainsi qu’ Eleonore, la soeur de Théo Luhaka ou enfin la sœur et le père de Sabri Choubi, décédé lui aussi à moto le 17 mai dernier à Argenteuil dans des circonstances non élucidées, et adepte de la "Bike life". Dans la continuité des mobilisations pour Adama et pour Sabri, un réseau de lutte se construit, indépendant, et sur sur la base d’une implantation sur le quartier, comme chez les GJ. Facebook Justice pour Ibo

Gaye Camara
2018, mi janvier, Gaye a été abattu dans son véhicule alors qu’il ne représentait aucune menace, 8 tirs de la police dont un le touchant mortellement à la tête. L’appel sur le non-lieu prononcé par la juge d’instruction a été renvoyé au 15 décembre 2020. Facebook Vérité et Justice Pour Gaye

Mahamadou Fofana
Dans la nuit du 13 au 14 septembre, Mahamadou Fofana, cousin germain d’Adama Traoré, est mort à Bougival (Yvelines). Selon les autorités, il se serait noyé après s’être jeté dans la Seine afin d’échapper à son interpellation. Mais la famille doute de la version officielle, surprise que se soit directement l’IGPN qui vienne leur annoncer la mort. Au funérarium, la famille a pu voir sur son corps une 20aine de lésions, notamment un enfoncement important sur le haut de la boite crânienne. Du sang a été retrouvé au sol et sur le t-shirt du jeune homme. La famille à porté plainte pour homicide volontaire.

Théo Luhaka
En février 2017 Théo était très violemment contrôlé par la police. Gravement blessé à l’anus, il gardera une « infirmité permanente ». Plus de trois ans après les faits le parquet de Bobigny a requis le renvoi des trois policiers pour « violences volontaires » devant les assises, écartant la qualification de « viol aggravé » pour l’un d’eux.

Toufik
Un jeune algérien sans papiers de 23 ans est mort en garde à vue, le 23 août, à Lille, dans une cellule du commissariat quelques heures après son arrestation. Les autorités avancent des explications peu crédibles visant à dégager la responsabilité de la police. Plusieurs groupes de militants lillois, ainsi que la famille via son avocat, exigent la vérité sur ce qui s’est réellement passé au commissariat. Une manifestation réunissant 200 personnes a eu lieu le 26 septembre.



Répression des manifestants :
sur tous les plans, encore et de plus en plus
Fin septembre, le ministère de l’intérieur a arrêté son nouveau « schéma national de maintien de l’ordre » (SNMO) qui ne fait qu’entériner la méthode dure ayant prévalu pendant la mobilisation des GJ : légitimation de l’usage des LBD et grenades et obligation pour les journalistes et observateurs associatifs (dont 200 ont été blessés les deux dernières années) à quitter les rassemblements après les sommations sous peine d’être interpellés. Pour le syndicat des journalistes « on veut transformer les journalistes en propagandistes », un journaliste doit « pouvoir être témoin de tout, partout et en tout moment » dans une démocratie.
Quant aux réprimés d’hier ils ne sont toujours pas sortis d’affaire. Des mises en examen tombent encore comme à Mulhouse pour des faits datant de plus d’un an et demi, et les comparutions immédiates des manifestants du 12 septembre ont encore une fois relevé de la justice d’abattage. Aussi, comme nous le rappelle un appel lancé par l’assemblée des blessés et le collectif Desarmons-les : des centaines de blessés GJ doivent encore payer des frais judiciaires et médicaux, notamment jusqu’à 15 000 euros de frais dentaires, qui ne sont pas pris en charge par les « assurances complices de la violence d’Etat » car, par une clause, elles excluent les blessures causées par la police de toute indemnisation. Pour les aider : www.helloasso.com/associations/on-n-a-qu-un-visage/collectes/soutien-aux-personnes-blessees-par-des-armes-de-police.
Le site Streetpress a également publié une enquête dénonçant les effets de l’inhalation de gaz lacrymogènes par de nombreuses femmes qui souffrent maintenant d’endométriose (règles très douloureuses, irrégulières et très abondantes causant des hémorragies). En cause, des molécules de cyanure contenues dans ces gaz qui privent les cellules de leur oxygène en contractant les vaisseaux sanguins.
Même acharnement sur le plan judiciaire. « Utiliser la loi contre les personnes qui prennent part à des manifestations se voit sans doute moins que le recours à une force excessive, mais ne porte pas moins préjudice au droit de manifester » constate Amnesty dans un rapport paru fin septembre qui dénombre 40 000 personnes condamnées entre 2018 et 2019 pour avoir simplement manifesté ou voulu le faire. Les dispositifs utilisés par la police et la justice pour empêcher ce droit fondamental sont le délit d’outrage (par exemple contre les porteurs d’une banderole « Oui au muguet, non au LBD ») , celui de « participation à un groupement en vue de commettre des dégradations » (par exemple contre une manifestante munie de lunettes de natation ou en train de gonfler un ballon de baudruche), mais aussi celui de dissimulation du visage pourtant contradictoire avec l’actuelle obligation de porter le masque.



Quartiers dangereux, ou quartiers en danger ?
Le samedi 10 octobre dans la nuit deux policiers en faction devant le commissariat de Champigny-sur-Marne (94) voient arriver une quarantaine de personnes masquées qui s’en prennent au bâtiment à coup de feux d’artifice. Les autorités parleront de « tirs de mortiers », condamnant « des actes d’une grande sauvagerie », de la part de « caïds », de « voyous »…
C’est que quelques jours auparavant deux policiers en civil, qui planquaient sur un parking, se faisaient agresser violemment par trois individus qui ne les ont pas cru quand ils ont dit être des flics et se sont emparés de leur arme leur tirant dessus à plusieurs reprises dans le bas du corps. Dans ce contexte, l’interprétation de l’« attaque au mortier » comme une « scène de guerre », où trafiquants s’opposent aux forces de l’ordre, semblait s’imposer.
Le site « Nantes revoltée » (https://nantes-revoltee.com/%f0%9f%94%b4-attaque-au-mortier-la-double-intox-du-weekend/) revient sur cette agitation, rappelant la définition d’un mortier. Les feux d’artifices utilisés à Champigny sont bien loin de ces armes de guerre utilisées lors des conflits armés, pour envoyer des obus. Mais ce mot, utilisé par les syndicats policiers, repris par les médias aux ordres, permet d’imposer un point de vue, leur point de vue.
Il convient aussi de revenir sur le contexte local : quelques jours plus tôt dans le quartier du Bois-l’Abbé à proximité du commissariat attaqué, les forces de l’ordre prenaient en chasse deux jeunes de 22 ans à scooter. Le deux roues avait emprunté un rond-point en sens inverse sur une dizaine de mètres. Le conducteur témoigne avoir été « tamponné » par le fourgon de police pendant la course-poursuite, provocant sa chute, et une fracture du fémur. L’événement n’est pas passé inaperçu et plusieurs militants associatifs fustigent l’ambiance dans le quartier : « c’est le résultat de tensions anciennes avec la police. Ça ne date pas d’hier ».
Parler d’« attaque de la police » dans une équation caricaturale opposant police et trafiquants, revient à nier le contexte de violences dans lequel vivent les populations des quartiers populaires : violences policières, mais aussi sociales. C’est nier l’histoire d’un rapport de domination où les forces de l’ordre protègent un système inégalitaire et raciste. Il ne s’agit pas de valoriser la violence en guise de réponse mais de redonner du sens là où syndicats policiers et politiques se donnent tant de mal à le faire disparaître, et pour cause.



Détermination des luttes de sans papiers
Les conditions de vie dans les CRA continuent de se dégrader et ceux qui y sont enfermés continuent de se révolter au quotidien à l’instar de cette prisonnière de Mesnil Amelot interviewée par l’émission l’Envolée racontant comment elles ont du se mobiliser pour faire intervenir les pompiers suite à une infection subie par l’une d’entre elles du fait du rationnement en serviettes hygiéniques ou encore pour refuser le chantage dégradant imposé par leurs gardiens exigeant qu’elles chantent « joyeux anniversaire » au chef de centre sous peine d’être privées de repas.
https://lenvolee.net/emission-du-9-octobre-2020-idir-tue-a-corbas-violences-policieres-au-cra-parloirs-sauvages-et-mouvements-a-linterieur/
Le 16 octobre , une marche de solidarité a eu lieu en direction du CRA de Vincennes, elle précédait d’un jour la grande marche nationale des sans papiers, partie des quatre coins de la France et arrivée à Paris le 17 octobre. L’Etat a usé d’intimidations pour empêcher que s’organise cette solidarité allant jusqu’à interdire la dernière partie du parcours quelques jours avant la marche alors que celui-ci avait été annoncé publiquement dès juillet dernier. En écho à cette marche, les prisonniers du Mesnil Amelot se sont engagés dans une nouvelle grève de la faim « jusqu’à ce que quelqu’un nous entende. Ici on est pas des esclaves, c’est fini l’esclavage, ici on vit comme des merdes » dit leur communiqué.