La police « républicaine » ? Mais elle est déjà là !

bulletin numéro 194 – du 11 décembre 2020


11 décembre 2020


La police « républicaine » ? Mais elle est déjà là !

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 194 – du 11 décembre 2020


La police « républicaine » ? Mais elle est déjà là !

Construire un « continuum de sécurité » telle est le but affirmé dès l’introduction dans le projet de loi dite « de sécurité globale ». Une chape de plomb étanche qui impliquerait toutes les forces de l’État : de la police municipale, des vigiles privés, des policiers et gendarmes nationaux jusqu’aux militaires de Sentinelle. Drones en toute liberté avec reconnaissance faciale en prime, interdiction de filmer et de diffuser les images des agressions policières, droit de tirer des militaires… tout y est, même le droit exorbitant de supprimer aux détenus la possibilité de réductions de peines.
Ce projet ultra liberticide a une sœur en préparation, la loi contre le « séparatisme », qui au nom de la « défense de la République » s’attaque aux libertés en commençant par celles de ceux qui dénoncent l’islamophobie, son article 25 est pire que le sinistre article 24 de la loi sur la « sécurité globale ».
Mais ce projet de « sécurité globale » rencontre des difficultés.
En haut, c’est la pagaille. Le Sénat, le gouvernement et le parlement s’embrouillent, entre magouilles et crocs-en-jambe, Macron est contraint de faire des tours de passe passe à l’attention de la jeunesse et pour certains juges ça pue vraiment trop (voir ci-dessous les nouvelles pour Adama et Théo).
En bas, un demi million de manifestants dans la rue le 26 novembre, 15 millions de vues de la vidéo du lynchage de Michel et une vague de protestations suite à la diffusion des images de l’évacuation des migrants de Saint Denis place de la République le 23 novembre… du jamais vu. Pourtant en matière de violences policières on a malheureusement vu mille fois pire. Ni Ali Ziri, Lamine Dieng, Amine Bentousi, Babacar Gueye, Adama Traoré, Cédric Chouviat et tant d’autres, morts entre les mains de la police, ni les 25 GJ éborgnés et les 5 autres aux mains arrachées n’ont suscité un rejet aussi massif.
Ces mêmes migrants chassés de la place de la République avaient vécu une évacuation bien plus violente une semaine plutôt de leur campement situé sous la bretelle de l’autoroute A1 sans qu’aucune voix ne s’élève vraiment.
Des vents nouveaux commencent à souffler. La gestion de la Covid par l’État de Macron n’a été et n’est encore que mensonges, embrouilles, répression, chômage et des milliards aux patrons. Sur la base de cette expérience, des millions et des millions de personnes commencent à réaliser qu’il y a bien deux camps aux intérêts diamétralement opposés : celui des pauvres et celui des riches, ce qu’on appelait par le passé, la « lutte des classes ». Qu’il n’y a pas d’État-papa-gâteau, car sa seule fonction est, derrière le camouflage « démocratique », d’opprimer pour mieux faire régner les intérêts des puissants.
Bien sur les partis parlementaires, de gauche comme de droite, accourent pour tenter de recoller les institutions. Ils nous expliquent qu’en débarrassant la police des ses « brebis galeuses » elle deviendrait une belle « police républicaine ». C’est une arnaque. La police actuelle est déjà républicaine, elle est déjà le parfait outil et serviteur de la République.
Les médias veulent faire croire que la loi se résume à son article 24 et qu’il suffirait de le « réécrire » de manière à ce qu’il épargne les journalistes, pour que ça s’arrange. Attention, le pouvoir pourrait accéder à une telle fausse reculade car ceux qu’il craint le plus ce ne sont pas d’abord les journalistes mais les témoins de ses violences qui s’improvisent « cop watchers », filment et font tourner sur les réseaux sociaux des vidéos qui deviennent virales et mobilisent la force vive du mouvement actuel : la jeunesse. Alors, un seul mot d’ordre : retrait de TOUTE la loi sur la « sécurité globale » et du projet de loi contre le « séparatisme » !



L’affreux Blanquer s’en prend toujours aux profs, aux lycéens et maintenant même aux petits enfants
Côté profs, après les « 4 de Melle » contre lesquels la demande de sanction a été maintenue par le ministère contre l’avis du conseil de discipline paritaire, ce sont 3 professeurs du lycée Mauriac à Bordeaux, eux aussi mobilisés l’an passé contre les E3C, épreuves du nouveau « Bac » Blanquer, qui sont dans le viseur du ministère via le rectorat : ils ont été suspendus, en attente de connaître leur sort.
Côté lycéens, beaucoup de ceux qui se sont mobilisés pour obtenir tout simplement des conditions sanitaires compatibles avec la violence de l’épidémie, se sont retrouvés nez à nez avec la police : les blocus ont été cassés à coups de lacrymos et de matraque à Paris et à Saint Denis, un élève a reçu un tir de LBD en plein visage à Compiègne, les directions ont systématiquement appelé la police, arguant des dispositions dues au confinement et à vigipirate, quand elles n’ont pas directement participé à la répression des bloqueurs comme au Blanc Mesnil.
Pour ce qui est des suites de l’assassinat de Samuel Paty, l’Etat est toujours en dessous de tout : 400 signalements pour « violation de la minute de silence » ( dont des professeurs sont en partie responsables...) ont entraîné une dizaine de poursuites pénales contre des enfants parfois âgés d’à peine 10 ans. On a également appris que Samuel Paty avait vécu une semaine d’enfer avant d’être décapité : il a été hypocritement rappelé à l’ordre par les autorités en charge « du respect de la laïcité » et, malgré les menaces, les rumeurs et les alertes de toutes parts, aucune « protection fonctionnelle » ne lui a été accordée contrairement à ce qu’a obtenu aujourd’hui le préfet Lallement pour les policiers du XVIIIème qui ont sauvagement agressé Michel Zecler...


Vous avez dit « Liberté d’expression » ?
On a appris que Blanquer et ses services étaient directement à l’origine de la création du pseudo-syndicat lycéen « Avenir lycéen » dont le but était de tuer dans l’oeuf toute contestation de sa réforme du bac et d’empêcher les lycéens de se mobiliser aux côtés des gilets jaunes en décembre 2018 (voir RE 178). Pour arriver à ses fins il n’a pas hésité à utiliser tous les moyens (manipulation, corruption, abus de confiance) comme le relatent les témoignages de lycéens impliqués malgré eux dans cette vaste opération idéologique.
Du côté de l’Université : Un amendement de la « loi de programmation de la recherche » qui a été adopté au Sénat stipule que « Les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République »... Après les attaques de Blanquer contre « l’islamo-gauchisme » à l’université , personne n’est dupe sur ce que cela signifie.



> CHRONIQUE DE L’ARBITRAIRE



La police désavouée
Dans les affaires pointant la responsabilité de la police, la règle est plutôt à l’immobilisme. Après les manifestations monstres au printemps dernier (pour Sabri, pour Adama…) le mouvement actuel contre la loi sécurité globale et la crise institutionnelle qui en résulte, plusieurs affaires ont connu, dans la foulée, une avancée remarquable.
Le 24 novembre, la Défenseure des droits publie le résultat d’un long travail d’enquête, la première du genre, sur l’affaire Théo. Les images vidéos des cameras et des témoins permettent de révéler les mensonges des policiers et d’isoler une série de gestes condamnables humainement, mais aussi légalement. Le déchaînement de violence contre le jeune homme bien sûr, même après qu’il ait reçu le coup de matraque, pointe en avant, le blessant grièvement à l’anus, lorsque menotté il continue d’être brutalisé. Mais aussi les multiples agressions envers les témoins, frappés, aspergés de gaz, cibles de grenade lacrymogène MP7, de grenades de désencerclement, de tir de LDB… Interrogés les policiers se défendent en expliquant que ces pratiques sont leur quotidien dans les quartiers populaires. Pour une fois les choses sont claires.
Le 30 novembre dans une contre-expertise basée sur les vidéos une ONG de journalisme d’investigation prouve que la mort de Zineb Redouane, touchée en pleine tête par une grenade lacrymo en décembre 2018 alors qu’elle fermait ses volets lors du passage d’une manif de GJ, était bien issue d’un tir volontaire non réglementaire (www.youtube.com/watch?v=bhsbnmci04U). L’avocat de la famille précise « nous pensons que le policier l’a visée, car il imaginait que Zineb Redouane enregistrait à sa fenêtre les violences policières qui avaient lieu en bas de chez elle. » En fait, elle était au téléphone avec une amie, en mode haut parleur.
Le 1er décembre la justice annule une expertise médicale qui disculpait les gendarmes incriminés dans la mort d’Adama Traoré. L’avocat de la famille précise « cette annulation confirme qu’il s’agissait bien d’une fausse expertise qui avait comme unique objectif d’exonérer les gendarmes. La dernière expertise médicale valide qui a été versée au dossier met clairement en cause le plaquage ventral pour expliquer le décès d’Adama Traoré. »


Olivio Gomes
Le policier qui a tué par balles Olivio Gomes dans la nuit du samedi 17 octobre à Poissy a été mis en examen le 21 octobre pour homicide volontaire. Présenté comme un acte de légitime défense suite à une course poursuite, cette version policière est mise a mal par le rapport balistique.
Au départ la BAC remarque une Clio, lorsque les flics se manifestent auprès des 3 jeunes à bord, ceux-ci leur font comprendre qu’ils vont sortir de l’autoroute pour le contrôle. Olivio qui n’a plus son permis voulait absolument ramener la voiture à sa femme, en effet il réside à proximité. À l’arrivée au quartier Beauregard à Poissy, la police bloque la porte avant conducteur de la Clio. Les flics sortent et demande aux jeune d’en faire autant. D’après le policier tireur, Olivio aurait alors foncé sur lui, mais l’expertise balistique montrera que les tirs provenait du côté du véhicule, confirmant le témoignage de ses amis selon qui Olivio aurait sûrement avancé pour chercher à dégager sa portière et sortir du véhicule.
facebook Lutte-pour-Olivio-Gomes-Collectif-OlivVitHaut


Il n’est même pas question de poser la question
Mars 2017, dans le 19e arrondissement de Paris, Shaoyao Liu est abattu par la BAC, chez lui, devant ses enfants (Voir RE 162). Au départ un problème de voisinage, à l’arrivée une équipe de la BAC arme au poing, pistolet Sig-Sauer, fusil d’assaut HK G36, qui tambourine à la porte et Shaoyao, mort, un trou dans le coeur. En juillet 2020 le Défenseur des droits souhaite que des poursuites disciplinaires soient engagées envers les trois policiers et leur hiérarchie présente sur les lieux. Pour la Préfecture, aucun manquement n’est constaté. Le 17 novembre, en appel, a été confirmé le non-lieu prononcé en juillet 2019 par les juges d’instruction chargés de l’enquête. Il n’y a pas matière à procès…
Début octobre le parquet de Marseille classait sans suite l’enquête sur la mort de Medhi, abattu le 14 février 2020 aux Marronniers par un flic de la BAC nord. Légitime défense pour la police, pourtant des témoins affirment le contraire, mais, que vaut la vie d’un habitant des quartiers populaire, présenté de surcroît comme potentiel délinquant ? Là encore, il n’y a pas matière à poser question…


La prison tue
Le mercredi 9 septembre 2020, Idir était à deux semaines de sa sortie, lorsque l’administration pénitentiaire apprend à sa famille qu’il se serait suicidé, mort pendu dans sa cellule au quartier disciplinaire de la prison de Lyon-Corbas. Mais voilà il y avait un autre détenu au mitard qui, malgré les pressions, a décidé de témoigner. « Pour vous expliquer l’histoire d’Idir : il a fini au mitard. Il s’est embrouillé avec les hessess et la brigadière et à la fin ils lui ont fait une clef de bras, ils l’ont frappé, ils lui ont mis le genou sur le cou, il l’a pas supporté et il est mort. Et ils l’ont pendu à la fin pour cacher la vérité. Et voilà personne dit rien, tout le monde s’en bat. » La famille a monté le collectif « Idir Espoir et Solidarité », une marche blanche a réunit plus de 150 personnes jusqu’à la prison. Facebook Idir Espoire Solidarite Plus d’infos https://lenvolee.net/



> SUR LE VIF

« On a envoyé chez moi à 7h une dizaine de policiers cagoulés »
Moustapha M., militant associatif contre l’islamophobie et les violences policières, musulman et habitant à Argenteuil, est perquisitionné le 22 octobre.
« Darmanin a envoyé chez moi à Argenteuil, dès 7h du matin, une dizaine de policiers cagoulés, casqués et armés, qui ont fait irruption y compris dans les chambres de mes enfants. […] Ils repartiront comme ils sont arrivés avec un PV où ils noteront que leur « visite » n’amène à la découverte d’aucun élément en rapport avec les motifs de la perquisition.[…] L’objectif avoué de ces mesures est d’abord de faire peur à certains segments de la société. Nous sommes ce jour victimes de cette chasse aux sorcières qui nous éloigne de l’Etat de droit. Alors disons-le nous ne sommes pas intimidés, nous restons debout grâce à notre foi qui dans cette période où règne l’islamophobie nous aide intérieurement, nous sommes transparents car nous n’avons rien à nous reprocher et affirmons que l’Islam est une religion d’amour et de paix quoi qu’en disent ses détracteurs : ceux qui assassinent en son nom ou ceux qui nous gouvernent en le salissant. »



> AGIR

Non à l’acharnement contre Jean Marc Rouillan
Il s’agit cette fois de tenter de le ré-incarcérer en milieu fermé, au prétexte d’avaries de son bracelet électronique. Décision le 14 décembre prochain. Pour signer la pétition stop-acharnement(at)protonmail.com ou http://linter.over-blog.com/2020/11/la-petition-pour-jean-marc-rouillan-non-a-l-acharnement.signer-faire-signer.html


Le collectif Urgence notre police assassine lance une application
qui permet d’envoyer immédiatement une vidéo avant que la police puisse saisir votre téléphone :
https://apps.apple.com/fr/app/urgence-violences-policières/id1493754560
https://play.google.com/store/apps/details?id=com.onpvp.uvp