Parole de flic

bulletin numéro 202 – du 02 février 2022


2 février 2022


Parole de flic

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 202 – du 02 février 2022


Parole de flic

Vous êtes jeune et vous n’êtes pas blanc. Une patrouille de police vous sélectionne tout naturellement. Vous ne portez pas de masque, c’est parti pour un PV de 135 euros. Vous déclinez votre qualité de chômeur, alors les représentants de l’État vous annoncent le verdict : « Quand on est pauvre, on respecte la loi ».
Autrement dit, quand on est riche tout est permis.
On doit reconnaître une vertu au Covid : sous le vernis sanitaire, l’État peut affirmer sa nature véritable c’est-à-dire créer et appliquer ses lois, soumettre et écraser les pauvres.
Le flic a visé juste. Alors que la pression du virus semble faiblir et qu’il est communément admis que le vaccin n’empêche pas la propagation de la maladie, le passe vaccinal entre en vigueur. Dans l’immédiat la loi frappe des récalcitrants à la vaccination et en même temps, l’État met en place l’ossature d’un « contrôle social » à l’image de celui déjà en vigueur en Chine.
Les « amendes punitions » distribuées en cascade, largement expérimentées dans les quartiers populaires, sévissent désormais partout.
En tout cas, il ne faut pas se laisser faire, voir l’excellent guide de contestation des amendes, élaboré par la Legal Team (https://paris-luttes.info/contre-la-matraque-financiere-15653).
Quant à l’avenir, Macron prévoit, alors que l’hôpital public s’écroule et l’éducation est assommée, 15 milliards pour son plan sécuritaire en cas de réélection. Un avant-goût ? l’achat de toutes sortes d’armements super perfectionnés pour la police (lire https://desarmons.net/2022/01/06/flingues_bagnoles_si_vis_pacem_etat_francais/)
Désormais, grâce à un forcing parlementaire, la loi sur les drones a aussi été votée permettant ainsi à la police d’espionner, en toute légalité manifestants, militants, passants, amoureux, tous ceux qu’il jugera suspects.
Sous la bannière de la lutte contre le virus, l’État agit lui-même comme un monstrueux virus. Il entend pénétrer, neutraliser, asphyxier et écraser toutes les cellules vives de la société. Les pauvres disposent d’un vrai vaccin pour s’y opposer : la lutte sociale.




> C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E

La guerre anti-migrants continue
4400 noyés dans la mer Méditerranée (deux fois plus que l’an passé). Une dizaine de morts de froid en trois ans dans les Alpes alors qu’ils tentaient d’échapper aux patrouilles incessantes comme Zakaria dont le corps congelé a été retrouvé le 2 janvier.
Les démantèlements de campements sont de plus en plus nombreux et brutaux. D’après « l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels », 1350 démantèlements en un an , 30% de plus qu’en 2019-2020 alors que le nombre de campements est stable. Ce serait dû au zèle des préfets qui décident d’ignorer la loi leur imposant de procéder à un diagnostic social avant toute expulsion préférant mettre à la rue 427 personnes à la rue chaque jour.
Le Covid circule dans les CRA sans aucun frein et aucun protocole sanitaire n’y est appliqué. Au CRA de Marseille, les retenus qui refusent le test PCR afin d’échapper à l’expulsion sont roués de coups dans une pièce réservée au sous-sol. Ce sont notamment des tunisiens car l’Etat tunisien a commencé à coopérer avec l’Etat français depuis la réduction des visas décidée par Macron, en délivrant des laisser-passer et faisant exception à l’obligation de test. Au Mesnil Amelot la situation est catastrophique, les cas sont innombrables (un bâtiment entier a été confiné) : très peu de masques, pas de gel, deux infirmières et un médecin présents seulement deux jours par semaine, des chambres surpeuplées, des sanitaires insalubres... S’ajoute à cela que les retenus sont interdits de présence (même en visio !) aux audiences des JLD qui ordonnent désormais quasi-systématiquement la prolongation des rétentions ruinant tous les efforts des avocats militants et des soutiens qui ne parviennent plus du tout à peser.
Quant au gouvernement Macron il entend simplement se donner les moyens d’enfermer davantage : en 2018, a été décidé de construire 3 nouveaux CRA (une première depuis 10 ans) dont un à Lyon ouvert le 17 janvier à côté de l’aéroport et qui aura coûté 20 millions d’euros dans les poches de BTP Eiffage. Et puis si cela ne suffit pas, pourquoi pas délocaliser ? le Danemark a ouvert la voie en signant un accord avec le Kosovo pour la location de 300 cellules de prison qui seront réservées à des détenus non européens condamnés à l’expulsion... Glaçant.

Ni oubli, ni pardon !
« J’étouffe ! »
Le 3 janvier 2020, lors d’un contrôle routier, Cédric Chouviat décède suite à son interpellation brutale par 3 policiers (voir RE 187 et 192). Le 8 janvier, cinq experts mandatés par le juge d’instruction livrent leurs conclusions ne laissant aucun doute quant à la responsabilité des policiers dans sa mort. A suivre.
L’Etat tue, mais « sans faute »
Mars 2021, la Cour de cassation enterre l’affaire Rémi Fraisse en confirmant le non-lieu en faveur du gendarme. Retour par la bande, le 25 novembre 2021 le tribunal administratif de Toulouse condamne l’Etat – en accordant à la famille une indemnité pour préjudice moral – reconnaissant une « responsabilité sans faute ».
Une dixième expertise médicale
a été demandée par les juges d’instruction dans l’enquête sur la mort d’Adama Traoré. Le dernier complément d’expertise commandé à 4 médecins belges a mis en cause la responsabilité des gendarmes, mais avant le rendu de conclusion définitif l’un des médecins est décédé : les juges viennent donc d’en nommer un nouveau.
En Cour d’Assises
c’est là que seront jugés malgré leur appel, les trois policiers qui avaient violemment interpellé Théo Luhaka pour « violences volontaires » et « violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente » pour le principal accusé.

« Si j’avais l’droit de te tuer, je le ferais »
La compagnie de sécurisation et d’intervention de Seine-Saint-Denis a été crée en 2008 sous l’impulsion de Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’Intérieur. Ces dernières années elle a fait parler d’elle, pour ses agissements violents, insultes racistes, racket, interpellations illégitimes, procédures montées de toutes pièces… 17 enquêtes judiciaires. Sous la pression le préfet de police de Paris a même annoncé sa dissolution avant d’y renoncer discrètement. La plupart de ses membres sont toujours en place et les enquêtes les concernant classées sans suite par le parquet de Bobigny…
Ainsi en mars 2020 dans la cité des Francs-Moisins, à Saint-Denis des micros posé par l’IGPN dans un fourgon captent une interpellation ou le présumé dealeur est tabassé par plusieurs agents. « Si je pouvais te pendre, si je le pouvais, si j’avais (bruit de claque) si j’avais l’droit de te tuer, je le ferais. Crois-moi que je le ferais. » L’homme sort du fourgon en sang. Comme il n’ont rien contre lui il est relâché avec une simple amende de 135 euros pour non-respect du confinement. Une enquête préliminaire aboutit à un classement sans suite.

« Violence gratuite et totalement disproportionnée »
Le 3 octobre Paris XIe, un jeune homme de 29 ans atteint d’autisme attend dans sa cour d’immeuble. L’amie d’une voisine qui ne le connaît pas s’inquiète et appelle la police en précisant « qu’il semble avoir des problèmes psy » et « qu’il n’a pas l’air agressif ». Les flics débarquent, nombreux et armés. Paniqué le jeune homme se dirige vers eux en criant, il reçoit un tir de LBD et de taser, un plaquage ventral… alors que des voisins alertés par le bruit tentent de les raisonner. Ce n’est pas la première fois que les flics s’en prennent à une personne autiste : souvenons nous de Serge Partouche tué à Marseille (voir RE 101 et 136).

Une opération de la BRI se solde par la mort d’un jeune homme
Le 19 janvier dans le centre-ville de Nice durant une opération de police un jeune homme de 22 ans qui n’était pas armé est abattu, une balle dans la tête l’ayant atteint au niveau de l’arrière du lobe inférieur de l’oreille droite, alors qu’il tentait de fuir en pleine rue. Le fonctionnaire de la BRI auteur du tir mortel, placé en garde à vue pour « homicide volontaire », fait état d’un tir « complètement accidentel ». Le procureur a depuis requalifié le chef d’accusation en « homicide involontaire ».

« Un bicot comme ça, ça nage pas »
À Asnières-sur-Seine, dans la nuit du 25 avril 2020, une interpellation violente accompagnée d’injure raciste est filmée par un habitant voisin de la scène (voir RE 190 et 201). La vidéo circule sur les réseaux. Le 6 janvier 2021 le tribunal de Bobigny, allant au-delà des réquisitions du parquet, condamne 6 policiers à des peines allant de 6 à 12 mois de prison, dont six mois ferme pour certains, condamnation assez rare pour la souligner.

« École ouverte » à coups de répression
Le gouvernement de Macron aura beau fanfaronner, le bilan est tiré : il n’aura jamais rien fait pour protéger les profs et les élèves ni prendre en compte la pénibilité accrue de leur travail à l’ère du Covid. Au lycée Hélène Boucher à Paris, il aura fallu qu’un élève se défenestre, pour qu’une équipe de psychologues soit dépêchée sur place et constate que près de 110 jeunes ont besoin d’un suivi psychologique sérieux. Ailleurs, seul le manque criant d’infirmières et de médecins scolaires ou d’assistantes sociales permet de cacher la catastrophe. Mais, comme si de rien n’était, Blanquer continue sur la seule voie qu’il connaisse : la répression. Deux profs de Clermont Ferrand qui ont participé en janvier 2020 au mouvement contre la réforme du bac et ont fait appel de leur condamnation, sont encore convoqués devant le tribunal le 1er février ; en janvier 2022, un prof d’Epinal a été suspendu 4 mois pour avoir dénoncé le protocole sanitaire. Du côté des élèves, c’est par la brutalité de la sélection sociale que l’Etat entend assommer. Pour ceux qui ont réussi à passer le barrage de Parcoursup rien n’est encore joué : le manque de places dans le supérieur empêche nombre d’entre eux de poursuivre leur licence ou de s’inscrire en Master. C’est ce que dénonce le collectif des « sans-facs » qui occupent le bâtiment de la présidence de l’Université de Nanterre depuis le 27 octobre afin d’obtenir l’inscription de 21 étudiants restés sur le carreau. Soutenons les !Cagnotte sur https://www.cotizup.com/soutien-occupation-sans-fac.

La justice à l’œuvre
Un quartier populaire à l’ouest de paris, des jeunes passionnés de deux roues, une moto dite volée qui dans les faits ne l’était pas, des policiers surarmés qui tirent à 14 reprises – LBD, lanceur Cougar, grenades de désencerclement, gaz lacrymogène – pour interpeller un innocent, et une fillette de 5 ans. Ce jour là à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) Meryem est touchée au visage par un tir de la police (voir RE 189). Sa blessure est très grave, avec une possible infirmité permanente. Au départ les autorités nieront toute implication, avant que la famille ne leur présente le projectile recueilli sur place. Lorsque qu’une recherche de trace génétique y décèle la présence d’un ADN masculin exploitable, la procureure de la République de Versailles ne juge pas nécessaire de faire procéder à des recherches alors qu’elles auraient pu conduire à identifier le tireur. L’enquête préliminaire est classée sans suite en avril 2021, au motif de ne pas avoir pu identifier l’auteur... En 1983 un graffiti sur un mur à Chatenay-Malabry disait « Nous sommes tous du gibier à flic », presque 40 ans plus tard, qu’est-ce qui a changé ?
Le 7 novembre 2021 des policiers recherche une adolescente de 15 ans qui aurait fugué selon ses parents. Ils se rendent au domicile de son petit ami et s’en prennent à lui très violemment. Sa mère filme la scène. Elle souhaite dénoncer les violences à l’IGPN mais la veille du rendez-vous elle est placée en garde à vue pour 48 heures par les même policiers qui ont maltraité son fils. Elle passe devant un substitut du procureur qui lui fait signer des aveux alors que sans avocat ni traducteur, elle ne maîtrise pas le français, et ne sait ni le lire ni l’écrire. Une plainte avec constitution de partie civile a ainsi été déposée le 23 décembre 2021 pour « faux en écriture publique et usage de faux », « violences volontaires » et « tentative d’escroquerie au jugement » contre cinq policiers et contre X.




> A G I R

« La folle volonté de tout contrôler »
La brochure de la caisse de solidarité qui recense 85 fichiers et les moyens d’en sortir a été mise à jour à lire sur https://rebellyon.info/La-folle-volonte-de-tout-controler-MaJ-et-23573

Guide « Sans-papiers : S’organiser contre l’expulsion – Que faire en cas d’arrestation ? »
Cette brochure, mise à jour en octobre 2021, décrit la procédure à laquelle sont confrontées les sans-papiers lorsqu’ils sont arrêtés par la police et donne des conseils juridiques et pratiques pour s’en sortir au mieux. À lire sur https://paris-luttes.info/guide-s-organiser-contre-l

Ni contrôleur.e ni contrôlé.e
Pour lutter contre le passe sanitaire, échanger, s’organiser… réunion publique tous les mercredis à 18H30 à la Bourse du travail, 3 rue du Château d’eau à Paris, métro République (si changement de lieu, sera indiqué sur https://www.agendamilitant.org/).

Vengeance d’Etat
10 anciens militants italiens des années 70 qui vivaient légalement en France depuis des décennies comme les y autorisait la « doctrine Mitterand », ont été visés début janvier par des demandes d’extradition remises pour examen à la justice français désormais complice d’un Etat italien assoiffé de vengeance, les décisions sont renvoyées en mars et en avril. Cagnotte pour soutenir la campagne : https://www.onparticipe.fr/cagnottes/iw2UtPdQ




> D e r n i è r e m i n u t e

« Porter la plume dans la plaie »
le ministère de l’intérieur engage une procédure de dissolution contre Nantes Révoltée (https://www.nantes-revoltee.com/), un média indépendant auto-produit, bénévole, sans publicité ni subventions et de proximité qui comme d’autres, dans la même veine, mettent le doigt là ou ça fait mal notamment quand il s’agit de violences policières. Tribune à lire sur https://reporterre.net/Nantes-Revoltee-et-nous-avec-elle Solidarité !