Pas de miracles, qui que soit le premier ministre

bulletin numéro 204 – du 29 mai 2022


29 mai 2022


Pas de miracles, qui que soit le premier ministre

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 204 – du 29 mai 2022


Pas de miracles, qui que soit le premier ministre

Le costume de premier ministre est enivrant. On a envie de l’enfiler avant même d’y avoir droit. Mélenchon n’a pas échappé à cette tentation. Suite à la manifestation parisienne du 1er mai, il a qualifié de“parasitaire“l’attaque des agences bancaires, immobilières et bureaux d’assurance,par des jeunes du cortège de tête. Voilà des paroles dignes d’un homme qui aspire à être le premier ministre du président Macron. Approuver ou pas l’efficacité anticapitaliste du cassage de vitrines, la question n’est pas là. Mais comment peut-on mépriser la volonté de s’attaquer au capitalisme d’une partie de la jeunesse, quand on prétend représenter le peuple exploité et opprimé ?
Le programme de la NUP pour un gouvernement partagé nous éclaire davantage sur le contenu des paroles de Mélenchon. Ces 650 propositions engourdissent l’esprit . Les points importants, comme la retraite à 60 ans ou le SMIC à 1500 euros, la suppression des lois dites « sécurité globale » et contre le « séparatisme », côtoient des propositions qui les dévaluent, par exemple : exiger que Macron refuse le titre honorifique de chanoine de Latran (une église de Rome) accordé par le Pape, ou la création d’un service public national pour l’éradication des punaises de lit.
D’une part la NUP est pour la régularisation des sans papiers mais de l’autre elle se tait sur l’exigence minimale de la fermeture des centres de rétention.Elle veut amnistier les manifestants mais à condition qu’ils participent à des manifestations « légales et non violentes ».Comment faire confiance à Mélenchon et ses alliés pour définir ce qui est « légal et non violent » quand ils proposent de redéployer les principaux outils des violences policières,la BAC et la BRAV, au lieu de les supprimer ? Après cette belle entente quant à la police, arrive la torpille du PS contre une proposition juste et essentielle qui vise à remplacer le sinistre IGPN par une Commission d‘enquête indépendante sur les violences policières. Pour le PS, les “violences policières“ n’existent pas. Rappelons- nous que le 19 mai 2021 le syndicat policier d’extrême droite Alliance avait manifesté devant l’Assemblée Nationale, avec la participation de Darmanin, Marine le Pen pour le RN et, toute honte bue, les chefs des partis dits de gauche : PS, PCF et Verts. (Voir RE 197). Seul Mélenchon en était absent, ce qui lui a en partie valu ses 22 % aux présidentielles, acquis en très grande partie grâce au vote des quartiers populaires.Leurs habitants ont espéré qu’il pourrait être un rempart contre le racisme et l’islamophobie de l’Etat et de sa police, mais aussi être enfin représentés politiquement à l’échelle nationale. Mais, quand est arrivée l’heure des bureaucrates chargés de distribuer les candidatures investies par la NUP, ces populations ont été brutalement mises de côté.
Finalement les 650 propositions de la NUP ne sont pas inutiles : elles permettent de voir comment des mesures qui vont dans le sens des besoins des populations travailleuses et nécessiteuses sont abîmées ou annulées par les contorsions des apparatchiks.
La victoire de la NUP aux élections législatives de juin permettrait-elle de respirer un peu entre deux attaques de Macron ? C’est possible, mais pas d’illusions, pas de miracle.
Mélenchon élu serait, de toute façon, le premier ministre de la Vème République dirigé par le président, Bonaparte Macron.




> C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E

Refus d’obtempérer ? La police tire à vue
Dimanche 24 avril, une voiture est garée sur un passage clouté quai des Orfèvres près du Pont Neuf, un homme monte à l’arrière. Des policiers de l’unité mobile d’intervention et de protection (créée en 2019 après qu’un informaticien de la préfecture de police de Paris a tué certains de ses collègues)décident de procéder à un contrôle. Ils s’approchent, la voiture démarre pour fuir, l’un des flics tire avec son arme de guerre, un fusil d’assaut HKG36, près de 10 fois, en rafale sur la voiture. Il tue le conducteur et le passager avant, deux frères habitants du quartier des Amandiers dans le XXème,et blesse le troisième homme. Il est mis en examen pour homicide volontaire. Le syndicat policier Alliance crie au scandale et appelle à un rassemblement le 2 mai pour défendre la « présomption de légitime défense des policiers », mesure des programmes de Le Pen et Zemmour. Bref, pour eux, les flics ont un permis de tuer et la justice n’a pas à se mêler des leurs affaires. C’est ce qui a conduit certains collectifs a appeler à une contre manifestation à la Fontaine Saint Michel afin de protester contre l’impunité policière et réclamer l’abrogation de la loi L 435-1 de 2017, qui permet l’élargissement de la légitime défense pour les flics auteurs de violence. Cette manif a été tout de suite réprimée par la police : nasse , verbalisations et interpellations de 3 participants dont Amal Bentousni infatigable militante contre les violences policières et sœur d’Amine, abattu dans le dos en 2012 par un policier qui a été condamné ,avant la loi de 2017, à cinq de prison (avec sursis et sans interdiction d’exercer). Amal est convoquée le 11 août devant le Tribunal de Paris pour participation à une manifestation interdite.

L’Etat bénéficie d’une nouvelle arme…
… un alinéa de la loi « relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure » de Janvier 22 qui permet désormais de prendre par la force la signalétique (empreintes digitales, photos et ADN) de personnes refusant de la donner. Le 22 avril dernier, plusieurs personnes s’étant rassemblées pour protester contre l’expulsion du squat du Marbré, en ont fait les frais.

« On veut la vérité ! »
Le 17 mai 2020, Sabri jeune Argenteuillais de 18 ans meurt au volant de sa moto après avoir croisé la BAC. Le Parquet de Pontoise classe l’affaire comme accident. Mais la famille a porté plainte avec constitution de partie civile en 2021, et attend de l’instruction des réponses sur les très nombreuses zones d’ombre de l’affaire.
Ce 21 mai 2022, une nouvelle marche a traversé Argenteuil de la gare à la Dalle. De nombreux collectifs Vérité et Justice étaient présents pour soutenir la famille et son combat, ceux de Babacar, Olivio, Ibo, Lamine, Adama... ainsi que celui des mutilés par la police. Assa Traoré a annoncé que la marche pour Adama aurait lieu le samedi 2 juillet à Beaumont sur Oise, ce sera la sixième !

Torturé en GAV au commissariat de Juvisy-sur-Orge
Le 13 mai, Mahedine Tazamoucht 19 ans et sa famille ont déposé une plainte à l’IGPN. Quelques jours plus tôt, Mahedine et deux amis passaient la soirée dans leur voiture garée sur un parking près de chez eux, buvant des coups et écoutant de la musique. Vers 3h du matin, il rentre chez lui mais s’apercevant qu’il n’a pas ses clefs, il fait demi-tour et voit alors que 3 flics sont en train de contrôler ses copains. Ceux-ci s’approchent de lui et sans un mot l’agrippent, le jettent au sol et le menotte après l’avoir gazé plusieurs fois en plein visage. Les 3 amis sont embarqués, sur le chemin, Mahedine a du mal à respirer, il est emmené aux urgences. À peine arrivé dans le hall de l’hôpital, il crie que les flics l’ont violenté sans raison. Ceux-ci le ramènent dans la voiture direction le commissariat où il va vivre la pire nuit de son existence : « c’était de la torture, de l’humiliation. J’étais assis sur une chaise, en caleçon, menotté, et ils me tapaient. » Il témoigne également des coups de tasers qu’ils lui ont appliqué notamment sur les parties intimes, pour s’amuser. Le lendemain il est méconnaissable et profondément choqué. Ses parents n’entendent pas lâcher l’affaire.

L’éducation nationale choisit son camps
L’affaire est ubuesque. Depuis le début de l’année scolaire, les enseignants de l’école Pasteur de Saint Denis alertent les autorités sur la gestion, maltraitante pour les personnels et dangereuse pour les élèves, de la directrice.La direction des services décide de diligenter une enquête administrative dont personne ne connaît encore les conclusions. La directrice qui a dénoncé ses collègues sur un média d’extrême droite , les diffamant en les nommant et en diffusant leur numéro de téléphone et les accusant de « gauchisme », est promue à un poste administratif. 6 des enseignants sont quant à eux mutés « dans l’intérêt du service » alors même qu’ils sont soutenus par les parents d’élèves et l’ensemble de leurs collègues présents et passés. Le Pen/Macron même cible, même combat ?

« Violence policière en milieu rural »
C’est ce que considèrent les 80 participants au rassemblement organisé le 21 mai dernier à Trivy en pleine campagne bourguignonne. Ils sont venus, à l’appel de la famille, pour réclamer justice pour Jérôme Laronze. Ce paysan accablé par les contrôles administratifs qui avait fui sa ferme et a été dépeint comme dangereux par les médias locaux, a été tué par les gendarmes de 3 balles dans le corps alors qu’il était au volant de sa voiture, il y a cinq ans, le 20 mai 2017. Depuis l’instruction n’avance pas mais les contrôles qu’il subissait ont été jugés illégaux. Sa famille veut la vérité : la moindre des choses.

Vive la Palestine
Plusieurs protestations ont eu lieu en France contre l’assassinat de la journaliste palestinienne Shireen par l’armée israélienne, l’agression honteuse du cortège funéraire et le silence complice du gouvernement français. À Paris pendant le week-end du 14-15 mai, il y a eu un rassemblement à République et devant le Palais de Chaillot où le ballet officiel israélien se produisait. Cette fête pro-sioniste a été perturbée par deux militantes courageuses qui ont réussi a déployer dans la salle le drapeau palestinien avec les cris « Vive la Palestine » ! Vidéo : https://europalestine.com/2022/05/15/la-palestine-interrompt-la-troupe-de-danse-israelienne-au-palais

« Y a des familles et ils gazent »
Le 15 avril à Aulnay-sous-Bois dans le quartier de la Rose-des-Vents la police cherche à interpeller un jeune homme à scooter pour un refus d’obtempérer. Au cœur de la cité des 3000, l’accueil est mauvais, une dizaine de voitures sont appelées en renfort. 109 tirs de lanceur de balles de défense et 106 jets de grenades incapacitantes… Une mère de famille avec sa fille de 1 an et sa nièce de 8 ans ciblées par le gaz lacrymogène raconte. « La police n’a pas trouvé mieux que d’attendre d’être à l’endroit où il y avait le plus de monde pour gazer alors qu’on n’avait rien à voir. »
Le 2 mai en fin de journée dans une zone pavillonnaire du Val-Fourré la police est à la recherche d’un jeune homme de 18 ans. Dans le quartier beaucoup sont en famille pour fêter l’Aïd, les enfants jouent dans la rue, les grands-parents au salon… Le jeune homme réfugié dans un pavillon accepte de se rendre.« Ce quartier, c’est un grand village et quand on a vu passer ces voitures de police et ces uniformes, beaucoup de monde est sorti pour voir quel était le problème » explique un témoin. C’est la que la police décide de faire usage de la force. « Ils n’ont pas cherché à comprendre, ils ont tiré des grenades lacrymogènes. On en a ramassé tout un sac ! »

Heureusement, il y a la Justice !
Dylan aura passé 18 mois en détention sur la base de faux procès-verbaux, rédigés par les enquêteurs avant d’être innocenté. C’était dans l’affaire de Viry-Châtillon, (voir RE198). Depuis le procès en appel et le travail des avocats de la défense, plusieurs prévenus ont porté plainte pour « faux en écriture publique », « violences volontaires » et « tentative d’escroquerie au jugement ». Enième pression des forces de l’ordre  : un des policier mis en accusation a depuis porté plainte à son tour contre Dylan. Il se rappelle, « à la fin de l’audience, j’ai simplement dit à l’un d’entre eux “je vais porter plainte contre vous. Vous devrez rendre compte devant la justice”. Ça n’a rien d’une menace. Mais, encore une fois, il falsifie la vérité. Il s’acharne. » Ce policier et non seulement accusé de faux en écriture mais aussi de violences sur plusieurs prévenus lors des auditions. « C’est terrifiant de constater avec quelle rapidité la justice m’a mis derrière les barreaux et avec quelle lenteur elle répare son erreur. »
Juillet 2021 la police intervient lors d’une freeparty en hommage à Steve Maia Caniço. Les gendarmes déversent plus de 1 700 grenades lacrymogènes, de désencerclement et GM2L, particulièrement dangereuses car mutilantes. 4 grenades par minute. Dans ce contexte un jeune homme a la main arrachée sans pouvoir être pris en charge par les pompiers (Voir RE 198). Après enquête, le procureur classe sans suite.




> S U R L E V I F

Dans les centre de rétention, à l’écart du monde, la violence crue de l’État
Dans la nuit de mardi à mercredi 4 mai, CRA 1 de Vincennes, témoignage de l’intérieur : « Hier soir dans la nuit, y a un gars qu’a tenté de s’évader en escaladant les grillages de la cour. Il est resté accroché aux barbelés, ses vêtements se sont accrochés. Après il est retombé. Il était hyper blessé. Il saignait de partout : des mains, du visage, de la bouche. Les flics sont arrivés de l’autre côté avec les chiens et à l’intérieur de la cour ils sont venus et ont commencé à le taper.
Le gars il était déjà super mal et eux ils se jettent sur lui. Alors nous on a gueulé, on a dit qu’il fallait appeler les pompiers, qu’il était blessé. Et là les flics, ils sont rentrés dans le bâtiment avec leurs matraques, agressifs et tout. Ils ont commencé à donner des coups et à faire sortir tout le monde dans la cour. Certains ont été emmenés à l’isolement et y sont restés quelques heures. On n’a pas de nouvelles du gars, on pense qu’il est en GAV. »
À lire sur https://abaslescra.noblogs.org/