Connaissez-vous Mathieu Poli ?

bulletin numéro 207 – du 15 novembre 2022


15 novembre 2022


Connaissez-vous Mathieu Poli ?

bulletin numéro 207 – du 15 novembre 2022


Connaissez-vous Mathieu Poli ?

Trop peu. C’est normal dans notre monde « étouffé par la chape de plomb de la désinformation ». Il s’est suicidé le 17 octobre. Il était convoqué à la police avec ses camarades grévistes du RTE (Réseau de Transport d’Électricité), suite à une plainte de la direction. Il n’a pas pu résister à cet harcèlement, il avait 29 ans. Il est des nôtres.
Comme ces 4 ouvriers du même groupe qui, suite à une action de grève anodine, ont été arrêtés le 4 octobre à 6 heures du matin, menottés devant leurs enfants, perquisitionnés et mis en garde de vue 96 heures par la sécurité intérieure, la DGSI, là encore suite à une plainte de la direction du RTE pour, tenez vous bien… cyberterrorisme. Ils passent en procès l’année prochaine.
La liste des soi disant terroristes de la lutte des classes ne fait que s’allonger. Des défenseurs de ce bien commun qu’est l’eau, face aux rapaces de l’agro business et leur projet de méga-bassines, comme à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, sont rangés dans la catégorie des « éco-terroristes ».
Encore dans le viseur du pouvoir l’association Bloc Lorrain menacé de dissolution. Son crime ? Une opposition radicale et militante aux violences policières, aux méga-bassines... (https://www.youtube.com/watch?v=gWL0mg6Aozc).
Et le sinistre alignement de cadavres s’allonge aussi de semaine en semaine suite à la pluie des balles policières qui s’abattent sur les hommes et femmes accusés de « refus d’obtempérer ».
Les exactions et crimes policiers sont déjà confortablement couverts par une série de lois liberticides, mais ça ne leur suffit pas.
La future loi sur l’immigration annonce la couleur avec au menu la criminalisation « de fait » du séjour illégal : seront inscrits sur la liste des personnes recherchées par la police, jusqu’ici réservée aux personnes accusées de délits et crimes, les travailleurs frappés d’une OQTF, une obligation de quitter le territoire français.
Aussi la future loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur promet plus de pouvoir aux flics en leur permettant de frapper tous azimuts à coup de mandats…. à 200 euros : l’amende forfaitaire délictuelle, qui sera inscrite au casier judiciaire, pratiquement sans possibilité de contestation devant les tribunaux. Cerise sur le gâteau, la procédure pénale qui jusqu’ici obligeait les policiers à respecter certains droits des personnes arrêtées sera réformée pour s’attaquer aux peu de libertés qui subsistent.
Bon, le tableau est trop noir ? Ça dépend. Si le rapport de force reste comme il est actuellement, paralysé par une guéguerre parlementaire dans laquelle le RN joue au chat et à la souris… on est mal partis. Pareil si l’on continue à subir les cadences soporifiques des journées de grèves cadencées par les bureaucraties syndicales.
Le corps de la société est couvert des croûtes laissées par les échecs du passé. Mais quand les résistances réussissent à arracher ces croûtes, un sang nouveau surgit, par les luttes des sans papiers en grève de Chronopost, dans les raffineries en dépit des réquisitions, contres les méga-bassines, dans les cortèges face aux violences policières et les grèves pour de meilleurs salaires... un autre avenir se pointe. On vengera Mathieu Poli et les autres.




Répression dans l’Education Nationale, suite et pas fin

Le moral est en berne. Ce mois-ci de nouvelles offensives répressives ont visé le lycée Joliot Curie de Nanterre où enseigne Kai Terada professeur de maths muté « dans l’intérêt du service » (voir RE 206). Le 11 octobre les lycéens se sont mobilisés pour le soutenir mais aussi pour leurs conditions de travail : l’aide au devoir a été interrompue par manque de moyens. Cela leur a valu une intervention policière d’une rare violence jusqu’à l’intérieur de l’établissement. Une dizaine de jeunes, presque tous mineurs, certains ayant 14 ans, ont été cueillis dans le tas et ont fait 24 ou 48 heures de GAV. Quelques jours plus tard la colère gagne tous les jeunes de la ville, des affrontements avec la police donnent lieu à d’autres GAV. Côté professeurs, la salle des profs toute entière a été mise sous tutelle pédagogique et Kai s’est vu refuser l’examen de sa plainte au TA en référé. Il a cependant pu prendre connaissance de ce que le rectorat lui reproche : des faits inventés de toute pièce, présentés sans aucune preuve, certains étant tout bonnement impossibles factuellement.
Ailleurs aussi des blocus organisés par des élèves sont violemment réprimés par la police : le 27 septembre aux lycée Colbert et Voltaire à Paris, le 21 octobre au lycée Lumière à Lyon.
Au lycée Mozart du Blanc Mesnil une mobilisation solidaire des parents et des professeurs a empêché que les cours se tiennent la dernière semaine avant les vacances, les lycéens ont pris le relais par un blocus le vendredi et la lutte a repris la semaine suivante : tous continuent de protester contre le management harcelant et toxique du proviseur et sa gestion chaotique de l’établissement (voir RE 206). Les parents élus ont même déposé une plainte pour non assistance à mineurs en danger et des professeurs ont fait un signalement au procureur suite à la manière irresponsable dont il a géré une bagarre au sein du lycée. Le jeudi 10 novembre, le rectorat de Creteil leur a donné sa réponse au cours d’une audience : le proviseur est maintenu et ce sont les professeurs qui seront visés par une enquête administrative fin novembre. L’objectif est atteint : le lycée Mozart connu pour sa combativité doit être détruit.
Pour ce qui est du ministère de Pap Niadye il fait diversion en se mettant au service de l’idéologie islamophobe ambiante : ce même 10 novembre, il a publié des consignes aux chefs d’établissement visant à sanctionner de nouveaux signes ostentatoires (ports d’« abayas » et de « qamis » et même de « gants islamiques » !) et enrôler encore davantage de profs dans leur croisade. Qui est encore dupe ?




> C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E

Refus d’obtempérer : l’hécatombe
Dans la nuit du 4 au 5 octobre 2022, dans la commune de Saint-Martin-d’Hérè près de Grenoble, dans la course poursuite, le conducteur du véhicule échange des tirs avec les policiers. En bout de course il prend la fuite à pied avant d’être interpellé, mais la passagère âgée de 18 ans a été mortellement touchée au cou par un tir policier.
Le 14 octobre, avenue de la Porte de Vincennes Paris 12e, deux policiers font usage de leur arme à feu tuant le conducteur. Un commerçant du quartier témoigne avoir vu trois policiers demandant au véhicule de s’arrêter. Celui-ci « roulait doucement, ils étaient deux, le pote du conducteur est descendu en courant et lui il a continué à rouler doucement et la police a tiré trois fois ».
Dans la nuit du 20 au 21 octobre à Noisy-le-Sec (93), la police contrôle un véhicule « pour circulation à vive allure ». Un des policiers ouvre le feu à au moins deux reprises. Pour le parquet le véhicule aurait redémarré, « possiblement en direction des policiers ». La conductrice de 29 ans est grièvement blessée.
Suites judiciaires
Été 2021 à Stains, une vidéo qui tournera sur les réseaux montre montre plusieurs individus sans signe distinctif aucun, qui assaillent le véhicule de Nordine et Merryl et utilisent leur arme à huit reprises blessant grièvement le couple (Voir RE199). Il s’agissait d’agents de la BAC qui selon leurs dires souhaitaient faire de la prévention. Nordine a été criblé de balles mais c’est lui qui a été condamné pour refus d’obtempérer à 2 ans de prison ferme avec mandat de dépôt et 15 000 euros de dédommagements. Le jugement en appel sera rendu le 29 novembre. Le couple s’est porté partie civile, un des trois policiers a été mis en examen mais la justice sépare les affaires. En attendant, un média indépendant, INDEX, a réalisé une reconstitution 3D de l’affaire qui met à mal la version policière. À voir : hhttps://www.index.ngo/
Août 2018, la brigade spécialisée de terrain (BST) contrôle un automobiliste pour un phare défectueux. Le conducteur démarre, un des policiers monte à l’arrière du scooter d’un particulier. La chasse se termine par la mort de l’automobiliste, Romain 26 ans, est abattu d’une balle dans le thorax (Voir RE175). En mars dernier l’instruction avait conduit à la mise en accusation de l’agent de la BST devant la cour d’assises de Paris, mais dernier rebondissement, le policier ayant fait appel, le 3 novembre la chambre de l’instruction prononce un non-lieu.

« Ils le connaissaient, ils pouvaient venir le chercher calmement plus tard »
S’émeut un habitant du quartier Argentine à Beauvais où habitait Chamss-Din, 25 ans. Au pied de l’immeuble ils sont quelques dizaines à se recueillir. Autour d’eux une centaine de CRS ont été déployés. Plus tôt ce 28 octobre, le jeune homme à scooter refusait de se soumettre a un contrôle policier. La course-poursuite se termine tragiquement. Selon le parquet, il aurait perdu le contrôle de son deux roues avant de perdre la vie. Le 2 novembre à Beauvais une marche blanche lui rendait hommage.

On n’oublie pas, on ne pardonne pas !
Le 5 novembre dernier au moins 200 personnes ont manifesté à Saint-Denis (93) pour réclamer vérité et justice pour Yanis et toutes les victimes de violences d’État. Le 14 avril 2021 Yanis qui rentrait chez lui à moto après un match de foot est pris en chasse par la police. La course poursuite se finira tragiquement, plongé dans le coma il décède le 3 juin 2021. Depuis la famille cherche à comprendre, s’interroge sur la responsabilité des policiers. Parcours difficile face à l’immobilisme judiciaire. Ainsi les demandes de visionnage des images de vidéo surveillance qui jalonnent pourtant le trajet n’ont pas eu de suites… Facebook : Justice et vérité pour Yanis

Terribles prisons françaises
Contrairement aux idées reçues agitées par les politicards et le médias droitiers, on incarcère toujours plus et pour des peines de plus en plus longues en France : le nombre de détenus a atteint le chiffre record de 72350, le nombre de matelas au sol à bondi de 39% en un an.
C’est dans ce contexte que le comité des proches de Mickaël G. (lesamisdemickaelg(at)gmail.com) via un texte publié dans le journal l’Envolée appelle à l’aide. Détenu à la prison de Saint Maur, il subit depuis septembre les pires brimades et a été mis à l’isolement, ses courriers sont bloqués et ses appels régulièrement coupés. Depuis le 23 octobre il est placé en « gestion menottée », enfermé dans une cellule avec sas grillagé, toutes les deux heures, jour et nuit, sa porte est ouverte et il doit faire acte de sa présence par exemple se lever de son lit. Il ne dort plus et dit que son corps va le lâcher. Son avocate a déposé de nombreuses plaintes et recours et alerté à tous les niveaux mais rien n’est fait car c’est la parole des matons qui est retenue contre la sienne. Ses proches nous demande d’écrire sans relâche à l’administration pénitentiaire et à la prison de Saint Maur.

Le numérique au service de l’exclusion
Le numérique vendu comme un accès facilité aux prestations sociale, en voilà une belle foutaise. (voir RE 198 et 201). C’est aussi avec l’introduction des algorithmes un outil de harcèlement. En se nourrissant de la somme de données dont dispose la CAF il évalue chacun en fonction de critères comme les faibles revenus, le chômage, la situation de parent isolé, le nombre de contact avec la CAF, le lieu de résidence, le type de logement… pour mieux organiser le contrôle dans une politique de « lutte contre les fraudeurs et les escrocs ». Mais c’est surtout sur la chasse aux erreurs (aux indus) que ce contrôle se concentre en ciblant les plus fragiles avec des conséquences humaines dramatiques. Infos : https://www.laquadrature.net

La fabrique de coupables
2016, Viry-Chatillon, des cocktails Molotov contre la police, un procès aux assises très largement médiatisé… il fallait des coupables. En appel les tricheries policières sont mises à nu (voir RE 198). Avril 2021, huit des treize accusés sont acquittés, des plaintes sont déposées pour « faux en écriture publique », « escroquerie au jugement » et « violences volontaires », par « personne dépositaire de l’autorité publique ». Mais le combat contre l’Etat pour faire reconnaître sa faute et loin d’être gagné. Avant d’être acquitté il y a les boulots perdus, un futur en construction qui s’écroule, les violences subies, les années de prison, les souffrances psychiques. Depuis que l’information judiciaire a été ouverte, « on a l’impression qu’ils veulent enterrer cette affaire » constate un avocat des acquittés. Par contre les autres procédures en parallèle comme pour des outrages (deux jeunes poursuivis pour avoir insulté des policiers durant le procès), ou pour la petite bagarre survenue dans le box en fin de procès, n’ont pas été oubliées…




> A G I R

Procès 1312 – Mutilation de Laurent
« Le 15 septembre 2016 sur la place de la République, notre ami et camarade Laurent, syndicaliste de la santé, a eu un œil arraché par une grenade lancée par un policier anti-émeute. Les 12, 13 et 14 décembre 2022, Alexandre Mathieu sera le premier policier de l’histoire contemporaine a être jugé par la Cour d’Assises pour avoir mutilé un manifestant. Nous n’attendons rien de l’institution judiciaire. Nous avons décidé d’organiser un tribunal populaire en amont (11 novembre et 11 décembre) et pendant ces trois jours de décembre. Ce procès sera celui de la Police, de la Justice et de l’État. » Infos : https://paris-luttes.info/proces-1312-mutilation-de-laurent-16354

Violence policière et judiciaire du quotidien : le procès de Naïm, un cas d’école.
Lire son témoignage sur https://www.flagrant-deni.fr/naim-face-a-la-police-main-tendue-patates-dans-la-tete/ et le récit édifiant de son procès sur https://rebellyon.info/Cas-d-Ecole-Recit-du-proces-ordinaire-d-24228