27 mai 2024
La lutte anticolonialiste calomniée
RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 217 – du 27 mai 2024
La lutte anticolonialiste calomniée
« Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose » répétait Goebbels, ministre de la propagande de l’Allemagne nazie. Ce qui est très frappant c’est que, presque 80 ans après la chute d’Hitler, sa méthode revient de plus en plus fort, y compris dans les pays qui se disent démocratiques.
Sur ce terrain le régime Macron excelle. Souvenons-nous de l’infâme campagne contre les écologistes conséquents stigmatisés comme « éco-terroristes »par l’Etat. Depuis, l’accusation d’« apologie du terrorisme » est devenue une arme idéologique puissante. Et ce n’est pas anodin. Qui pourrait, en effet, prendre la défense de « terroristes » ? Cette même rhétorique qui ouvre la voie à la maîtrise dictatoriale de la liberté d’expression et de communication a été déployée contre les soutiens de la lutte du peuple palestinien face à l’occupation colonialiste israélienne : harcèlements juridiques et policiers, procès, interdictions de manifester, convocations pour « apologie du terrorisme » d’internautes et de responsables syndicaux et politiques, et stigmatisation de tous sous l’attaque calomnieuse qui identifie tout antisioniste à un antisémite.
La Nouvelle Calédonie est inscrite sur la liste des territoires à décoloniser par l’ONU. La France colonialiste ne veut pas la lâcher ? Et pour cause ! 30 % des réserves mondiales de nickel s’y trouvent et surtout la possession de cette île permet à la France d’espérer jouer un rôle dans la compétition entre la Chine et les Etats-Unis pour le contrôle de l’océan Pacifique.
Alors quand la population kanak, et avant tout sa jeunesse, défend sa terre face au colonialisme, au racisme, à la paupérisation, la répression et l’exclusion, elle est qualifiée de « bande de voyous » comme l’ont été cet été les habitants des quartiers populaires qui se sont soulevés suite à la mort de Nahel par un tir policier. Près de 300 jeunes kanaks ont été arrêtés et Darmanin menace de ramener en France ces « criminels ».
La CCAT, « cellule de coordination des actions de terrain » créée fin 2023, a organisé des manifestations pacifiques (jusqu’à 30 000 personnes le 13 avril à Nouméa sur une population totale de 280 000) pour faire pression contre « le dégel » des accords de Nouméa (qui permettrait d’intégrer dans le corps électoral les 25 000 personnes venues de métropole depuis 1988, empirant ainsi le rapport électoral déjà défavorable aux Kanaks). Ce collectif est, quant à lui, traité « d’organisation mafieuse » par Darmanin qui a fait assigner à résidence quinze de ses membres. Et pour finir de museler la parole des révoltés, on interdit le réseau social TikTok en Nouvelle Calédonie : l’Etat ressort d’abord pour cela un paragraphe de la loi de 1955 sur l’état d’urgence qui permet d’interdire des moyens de communication en cas d’« apologie du terrorisme » mais comme cela ne suffit pas juridiquement, il a été obligé de superposer à cette accusation, « l’état de nécessité » qui avait servi au début de l’épidémie de Covid.
Il ne faut pas se leurrer.
Les défenseurs de Nahel, de Gaza et de Kanaky, affrontent des calomnies qui soutiennent une répression de plus en plus haineuse et sauvage.
Face au fascisme, qui est en train de frayer son chemin, il ne faut pas se taire mais continuer coûte que coûte à dénoncer les mensonges de l’Etat.
> [ C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E ]
Les méfaits de l’éducation nationale
Les mobilisations pour un plan d’urgence dans le 93 n’ont reçu pour réponse que la répression. Un exemple ? Au lycée Jaurès de Montreuil, le proviseur a décidé de monter des sortes de milices de parents réacs qui collaborent avec les EMS et les flics pour casser les blocus d’élèves. En face, d’autres parents et des profs étaient là pour protéger les élèves. Mais le match était truqué : un parent venu en soutien des élèves a été interpellé par les flics pour avoir bousculé un EMS. Il a passé la nuit à Bobigny et a écopé d’un contrôle judiciaire ensuite annulé par le juge des libertés. C’était sans compter sur le nouveau pouvoir des proviseurs qui les autorise à produire, tous seuls, un arrêté interdisant quiconque ils jugent indésirable, d’approcher de l’établissement. Ce parent s’est donc vu signifier une telle interdiction pour une durée de 3 ans qui correspond à la scolarité de sa fille. Au niveau des responsables syndicaux le 19 avril, Olivier Cuzon, militant syndical SUD Education 29 a été auditionné au commissariat de Brest suite à une plainte pour « diffamation et injure publiques à l’encontre de la police et de la gendarmerie » déposée par Darmanin. En cause un article sur le site du syndicat qui interroge l’intrusion toujours plus forte de l’armée dans l’école, à travers le SNU et les classes-défense. Les attaques et le harcèlement ont touché de nouveaux personnels dont certains profs du lycée auto-géré de Paris qui ont été mutés d’office ou sont passés en conseil de discipline suite à des dénonciations de soi-disant collègues qui partagent manifestement avec le ministère la volonté de se débarrasser de l’un des derniers établissements échappant à leur management violent
Pour ce qui est des anciennes affaires, les AED licenciés du lycée Victor Hugo ont écopé de peines de prison avec sursis, jusqu’à 8 mois, avec inscription au B2 et amende de 19 000 euros pour payer notamment le salaire de la proviseure adjointe en arrêt maladie suite au stress que lui aurait provoqué l’action syndicale organisée dans le lycée.
Le 21 mai a eu lieu le jugement sur le fond de l’affaire de l’école Pasteur de Saint Denis au TA de Montreuil. Le rapporteur a produit un discours à charge visant à discréditer les 6 professeurs qui ont été mutés dans « l’intérêt du service » en 2022 : cette mutation n’a rien d’une sanction, peu importe si trois d’entre eux sont encore en arrêt et on fait reconnaître un accident de service imputable au service, l’Etat se devait de rétablir l’ordre dans cette école où « les profs avaient installé une autogestion dangereuse en intimidant leurs collègues ». Peu importe qu’aucun élément tangible n’ait été produit par l’enquête administrative pour prouver cette thèse. Peu importe aussi que les parents aient défendu le travail des profs et que l’école se soit retrouvée privée de 6 profs en plein milieu d’année. Peu importe encore que la dernière directrice qui a lancé l’accusation soit proche de cercles d’extrême droite. Bref peu importe la réalité : ceux qui refusent la casse de l’école publique doivent être mis au pas. La violence de la charge du rapporteur était telle que le Rectorat n’a rien eu à ajouter. On attend la décision des juges. . .
Une nouvelle manière de sanctionner le refus d’obtempérer ?
Le 15 avril à Bourges un jeune de 22 ans a fini à l’hôpital avec un pronostic vital engagé après que une patrouille de policiers en voiture s’est mise à la hauteur du scooter qu’il conduisait accompagné d’un copain et leur a pulvérisé dessus du gaz lacrymo. La police a alors mis fin à la course poursuite. Plus loin sur une route le scooter aurait heurté un arbre et un poteau, ses occupants ont été retrouvés au sol par un riverain qui a appelé les secours. Les deux flics ont été mis en examen.
La justice voudrait qu’on oublie mais on n’oublie pas
Le 13 juin 2023, 13 flics débarquent à 6 heures du matin au domicile d’Antoine qui habite un quartier populaire de Besançon à la recherche d’un homme soupçonné de tentative de meurtre. Antoine, désarmé et alerté par les aboiements de son chien, ouvre la porte et reçoit une balle qui perfore son poumon. Pour l’IGPN « aucune menace avérée ne pesait sur les policiers », la thèse de la légitime défense invoquée par le policier tireur ne tient pas. Depuis, le parquet n’a donné aucune suite aucune suite malgré la plainte déposée par Antoine.
La cour d’appel de Paris a confirmé le non lieu et s’est prononcée en faveur de l’abandon des poursuites contre les gendarmes qui ont interpellé puis laissé mourir Adama Traoré en juillet 2016. « Cette misérable décision fera l’objet d’un pourvoi en cassation et [la] France sera condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme » a déclaré l’avocat du comité Adama,Yassine Bouzrou.
Trop rare et trop commun
Le 15 mai le parquet de Bobigny a demandé le renvoi devant la cour criminelle d’un flic de la BAC d’Aulnay-sous-bois (depuis promu au rang de brigadier chef et muté dans le 77). En effet le 26 mars 2022 Jean-Paul Benjamin, 33 ans,était au volant d’une camionnette déclarée volée par son ancien patron qui était à l’arrêt. Brusquement une patrouille déboule et le flic incriminé court seul jusqu’au niveau de la vitre avant et tue Jean-Paul en lui tirant une balle dans le foie. Reste que pour son avocat, « si l’on considère que le policier a volontairement tiré sur M. Benjamin de manière illégale, dans une zone vitale, se pose la question de l’intention de tuer et donc de l’homicide volontaire » ce qui signifie la cour d’assise. À l’inverse, fin mai le procureur de la République de Nice a quant à lui requis un non-lieu pour l’adjoint de sécurité qui a tiré sur Zyed Bensaïd 24 ans le 7 septembre 2022. Ce jour là le jeune homme avait été pris en chasse par une patrouille de la BAC et la course-poursuite s’était achevée par un jet de lacrymo suivi d’un tir dans le thorax qui l’avait tué. La scène est filmée et l’enquête de l’IGPN a du conclure à une absence de danger imminent qui ne justifiait pas l’usage d’une arme à feu. Pour soi-disant démontrer le contraire, le réquisitoire du procureur s’est appuyé sur les termes de la loi « Cazeneuve » et le permis de tuer qu’elle donne aux policiers.
Criminalisation du soutien à Gaza
Après Jean-Paul Delescault secrétaire de l’Union départementale CGT du Nord qui a été condamné à un an de prison avec sursis, c’est au tour de Rima Hassan, candidate aux élections du 9 juin puis Matilde Panot, en tant que présidente du groupe LFI à l’Assemblée, d’être convoquées par le flics pour répondre de l’accusation infamante d’« apologie du terrorisme ».
Quant aux étudiants ,comme à Sciences Po, à la Sorbonne, à l’EHESS et aux lycéens, notamment devant le lycée Monet dans le 13ème à Paris, l’Etat leur envoie les flics et n’a pas hésité à faire interpeller une centaine d’entre eux.
Soutien aux 17 personnes arrêtées par la police anti-terroriste
Après la vague d’arrestations ciblant l’action menée sur le site Lafarge Bouc-Bel-Air près de Marseille (voir RE 212), le 8 avril dernier, 17 personnes ont subi une nouvelle salve d’interpellations en Normandie et IDF. Encore une fois, le gouvernement, protégeant des intérêts industriels mortifères, use du régime d’exception antiterroriste comme répression politique. Cette fois, c’est l’action sur le site Lafarge à Val-de-Reuil qui est visée : une intervention d’une dizaine de minutes avec peinture et mousse expansive.
La Technopolice se légalise
Pour la première fois en Europe la France a autorisé avec la loi sur les JO l’utilisation de la VSA, la vidéosurveillance algorithmique ce qui a entériné une pratique déjà largement installée sur le territoire. Les cameras augmentées par des techniques d’« Intelligence Artificielle » permettent un contrôle constant et automatisé des espaces publics. Ainsi en avril dernier la préfecture de police de Paris autorisait pour la SNCF et la RATP l’utilisation du logiciel de VSA à l’occasion du match PSG/OL et du concert des Black Eyed Peas le 20 avril.
Mais ce n’est qu’un début, le 15 mai, l’Assemblée, prétextant la sécurité dans les transports, discutait d’un autre projet de loi : captation du son dans les wagons, pérennisation des caméras-piétons pour les agents, extension de l’expérimentation de la VSA jusqu’en 2027, contrôle « intelligent » avec la VSA « a posteriori » permettant d’automatiser des recherches dans des archives vidéo. Retracer le parcours du gars au t-shirt jaune dans des heures d’enregistrement vidéo, condenser le temps de visionnage… Sans oublier que l’automatisation se fera toujours à partir de critères humains, en l’occurrence policiers, ne faisant qu’accroître les discriminations déjà en pratique.
Une page dédié à la VSA par www. laquadrature. net/vsa/
Gestion raciste au musée de la mode de la ville de Paris
Finalement, malgré le soutien de leur syndicat et la grève de leurs collègues, Bruno et Ibrahima, les deux agents de la Ville de Paris y travaillant (voir RE 216) qui avaient dénoncé le racisme de leur encadrant ont été mutés. Et la procédure disciplinaire à leur encontre court toujours. Infos sur facebook : CGT Paris Musées
Crise du logement ou pas, on expulse à tour de bras
Jeudi 4 avril vers 7h du matin, près de Toulouse, deux campements, à Gabardie où vivaient une cinquantaine de personnes dont des enfants scolarisés depuis 10 ans et à l’Hers ont été brutalement évacués et détruits sans qu’aucun habitant n’en soit informé et sans qu’aucune solution de relogement ne leur soit proposée.
Quant à la loi anti-squat Kasbarian-Berger, elle a servi à expulser manu militari (« LBD pointés sur les gens, porte défoncée au bélier, fusils-mitrailleurs, personnes poussées violemment dans les escaliers » selon les témoins), les habitants du 7 rue Baudin au Pré-Saint-Gervais (93) comme ceux du lieu associatif En gare à Montreuil.